Centrafrique : opéré in extremis à Bria après avoir été abattu par un soldat FACA, Mahamat Khèr paie le prix de l’impunité militaire à Ouadda-Maïkaga

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opéré in extremis à Bria après avoir été abattu par un soldat FACA, Mahamat Khèr paie le prix de l’impunité militaire à Ouadda-Maïkaga

 

 

Centrafrique : opéré in extremis à Bria après avoir été abattu par un soldat FACA, Mahamat Khèr paie le prix de l’impunité militaire à Ouadda-Maïkaga
Image d’illustration d’un soldat FACA à Nzacko, dans le Mbomou, au sud-est de la RCA. Photo CNC

Rédigé le 24 novembre 2025 .

Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC). 

En République centrafricaine, où les Forces de défense et de sécurité sont devenues la première menace pour les populations civiles, l’affaire Mahamat Khèr confirme la dérive criminelle des soldats FACA et l’impunité qui l’accompagne. Alors que les groupes armés qui terrorisaient autrefois le pays ont été neutralisés ou mis en veilleuse, ce sont désormais les mercenaires russes du groupe Wagner, les soldats FACA, les gendarmes, y compris les policiers censés protéger les citoyens qui multiplient les exactions. Plus grave encore, la Mission des Nations Unies en Centrafrique, autrefois prompte à documenter les violations des droits humains commises par les groupes armés, semble avoir cessé de comptabiliser les violences  commises par les forces gouvernementales et leurs alliés russes, transformant sa mission en un exercice partial qui occulte la réalité sur le terrain.

 

 

Le drame qui frappe aujourd’hui Mahamat Khèr, un habitant de Ouadda-Maïkaga dans la Haute-Kotto, condense toutes les tares d’un système sécuritaire devenu prédateur. Son calvaire a commencé le 9 novembre 2025 par une balle tirée par un soldat FACA en colère. Il s’est poursuivi par un blocage criminel de son évacuation sanitaire organisé par le capitaine Brice Zinga, chef du détachement militaire local. Il se termine provisoirement sur une table d’opération à Bria, où la MINUSCA a finalement dû intervenir pour sauver ce que le système militaire centrafricain avait condamné à mort.

 

Les faits remontent à la semaine dernière. Un soldat FACA basé à Ouadda-Maïkaga demande un service à Mahamat Khèr alors que celui-ci se rend à une invitation. Le militaire veut que le jeune le dépose quelque part avec sa moto. Mahamat Khèr refuse poliment, expliquant qu’il n’a pas suffisamment de carburant pour faire cette course supplémentaire. Pour ce soldat des Forces armées centrafricaines, ce refus constitue une offense intolérable. Pris de colère, il sort son arme de service et tire sur Mahamat Khèr. Simplement. Sans sommation. Sans justification. La balle atteint le jeune à la jambe, lui infligeant une blessure grave nécessitant des soins d’urgence.

 

Ce geste criminel confirme parfaitement la mentalité qui règne dans certaines unités des FACA à travers le pays. Les soldats se considèrent au-dessus des lois. Ils estiment que leur uniforme leur donne tous les droits, y compris celui de tirer sur un civil qui refuse de leur rendre un service. Pour eux, les populations ne sont pas des citoyens à protéger mais des sujets à terroriser et à soumettre. L’arme de service, financée par les contribuables pour défendre le pays, devient un instrument de terreur contre ces mêmes contribuables.

 

Face à la gravité de la blessure, les proches de Mahamat Khèr tentent naturellement de le transférer vers Bria, le chef-lieu de la préfecture situé à environ 204 kilomètres d’Ouadda-Maïkaga, où se trouve un hôpital capable de le soigner. Mais le capitaine Brice Zinga, chef du détachement FACA local, en décide autrement. De manière totalement arbitraire et criminelle, il bloque le transfert sanitaire. Il refuse que le jeune blessé soit évacué vers Bria. Il le condamne à rester à Ouadda-Maïkaga, dans une localité dépourvue de toute infrastructure médicale adaptée pour traiter une blessure par balle.

 

Cette décision relève du crime. Refuser des soins médicaux à une personne grièvement blessée équivaut à une tentative de meurtre. Le capitaine Zinga sait pertinemment qu’une blessure par balle non traitée rapidement peut entraîner des complications mortelles : infection, gangrène, septicémie. Il sait aussi que l’absence de soins appropriés pourrait nécessiter une amputation. Mais cela ne le concerne pas. Ce qui compte pour lui, c’est étouffer l’affaire. Empêcher que le crime commis par son soldat ne soit connu à Bria ou à Bangui. Faire disparaître le problème en laissant le jeune agoniser tranquillement à Ouadda-Maïkaga, loin des regards.

 

La question qui se pose est simple : de quel droit un militaire peut-il autoriser ou interdire le transfert sanitaire d’un civil ? Depuis quand un chef de détachement militaire décide-t-il qui peut ou non recevoir des soins médicaux ? Le capitaine Zinga s’est arrogé tous les pouvoirs à Ouadda-Maïkaga, y compris celui de vie ou de mort sur les habitants.

 

Malgré le blocage imposé par le capitaine Zinga et sa stratégie de censure, l’information sur l’état critique de Mahamat Khèr finit par atteindre la MINUSCA. Face à l’urgence médicale et devant l’obstruction criminelle du commandant FACA, les casques bleus décident d’intervenir. Ils récupèrent le jeune blessé à Ouadda-Maïkaga et le transfèrent d’urgence vers Bria.

 

C’est à l’hôpital de Bria que Mahamat Khèr est finalement opéré. L’intervention chirurgicale permet d’extraire la balle logée dans sa jambe. Les médecins établissent un pronostic grave : il faudra environ un mois avant que le jeune puisse remarcher normalement, à condition qu’aucune complication n’apparaisse. Les photos de l’opération montrent l’ampleur des dégâts causés par le tir du soldat FACA et la gravité d’une blessure qui, sans l’intervention de la MINUSCA, aurait pu conduire à l’amputation ou à la mort.

 

L’intervention de la MINUSCA pour sauver Mahamat Khèr contraste cruellement avec le silence assourdissant que maintient désormais cette mission sur les violations massives des droits humains commises par les forces de défense et de sécurité centrafricaines et leurs alliés russes de Wagner. Pendant des années, la MINUSCA a produit des rapports réguliers documentant les exactions commises par les groupes armés contre les populations civiles. Ces rapports étaient largement diffusés, relayés par les médias internationaux, et servaient de base à des sanctions et des poursuites judiciaires.

 

Mais aujourd’hui que les groupes armés ont été neutralisés ou marginalisés, et que les principales violences contre les civils proviennent des soldats FACA, des gendarmes, des policiers et des mercenaires russes, la MINUSCA a cessé de comptabiliser ces exactions. Elle ne publie plus de statistiques sur les civils tués, torturés, violés ou dépouillés par les forces gouvernementales. Elle ne documente plus les massacres commis par les Russes dans les zones minières. Elle ne dénonce plus les rackets systématiques imposés par les FACA aux populations. Son système de suivi des violations des droits humains semble s’être évaporé précisément au moment où il était le plus nécessaire.

 

Cette évolution témoigne d’une partialité inadmissible. Lorsque les violences étaient le fait des groupes armés opposés au gouvernement, la MINUSCA les documentait méticuleusement et les dénonçait publiquement. Maintenant que ces violences proviennent du gouvernement et de ses alliés, elle préfère détourner le regard. Ce deux poids deux mesures transforme la mission onusienne en complice passive des crimes commis contre les populations centrafricaines. Comment justifier qu’une mission censée protéger les civils choisisse de ne comptabiliser que certaines violences en fonction de l’identité de leurs auteurs ?

 

Cette politique du silence arrange évidemment le régime Touadéra. Elle lui permet de continuer à présenter une façade de normalisation et de stabilisation aux partenaires internationaux, tout en laissant ses forces de sécurité terroriser les populations en toute impunité. Elle permet aux Russes de piller les ressources du pays et de massacrer les civils récalcitrants sans que cela n’apparaisse dans aucun rapport officiel. Elle transforme la MINUSCA en instrument diplomatique au service d’un narratif mensonger plutôt qu’en mission de protection des populations.

 

Cette situation démontre parfaitement la faillite de l’État centrafricain. Dans un pays normal, un officier qui refuse l’évacuation sanitaire d’un blessé grave serait immédiatement relevé de ses fonctions, traduit en cour martiale, et condamné. Dans un pays normal, un militaire qui surveille les points wifi publics pour censurer l’information serait sanctionné pour atteinte aux libertés fondamentales. Dans un pays normal, un soldat qui tire sur un civil parce que celui-ci refuse de lui rendre un service serait arrêté et jugé.

 

Mais la Centrafrique n’est pas un pays normal. C’est un pays où les militaires font régner la terreur sur les populations qu’ils sont censés protéger. Un pays où des officiers criminels deviennent des petits dictateurs locaux. Un pays où l’uniforme FACA sert de licence pour tuer et voler en toute impunité. Un pays où même la mission internationale censée protéger les civils préfère détourner le regard lorsque les violences proviennent du gouvernement et de ses alliés.

 

Par Moïse Banafio….

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