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INTERVIEW EXCLUSIVE DE FARI TAHÉRUKA SHABAZZ SUR LA BOUILLANTE ACTUALITÉ POLITIQUE CENTRAFRICAINE

Fari Tahéruka Shabazz : « Mon travail de déconstruction de l’image de Touadéra est une réussite »

 

Bangui, 08 mai 2023 (CNC) —  Dans une interview exclusive accordée au Corbeau News Centrafrique (CNC), le politologue Tahéruka Shabazz, figure de la lutte contre le régime de Touadéra en République Centrafricaine, s’est exprimé sur son absence médiatique et la réussite de son travail de communication pour déconstruire l’image du président Touadéra. Selon lui, ce travail a permis de révéler la véritable nature de l’homme à la tête du pays, qui n’est plus pris au sérieux par personne et qui est devenu la risée du pays. Fari Tahéruka Shabazz explique également que la vérité sur les comportements pénalement répréhensibles des proches de Touadéra doit être dite, afin de faciliter la prise de conscience et l’adhésion du plus grand nombre à la lutte contre la dictature en RCA.

Le Politologue centrafricain Fari-Taheruka Shabazz. CopyrightCNC
Le Politologue centrafricain Fari-Taheruka Shabazz. CopyrightCNC

 

 

Rédigé par Anselme Mbata

Publié par Corbeaunews-Centrafrique (CNC), le lundi 08 mai 2023

 

Fari Tahéruka Shabazz : « Mon travail de déconstruction de l’image de Touadéra est une réussite »

 

Connu pour son franc-parler et sa détermination sans faille, Fari Tahéruka Shabazz dénonce les agissements du pouvoir et revient sur les raisons qui l’ont poussé à lutter contre le régime de Touadéra dans une interview accordée à CNC.

 

Corbeau News Centrafrique (CNC) : Bonjour M. Fari Tahéruka Shabazz. Comment allez-vous ? Depuis des mois votre présence sur la scène publique se fait plus diffuse. Par exemple, votre page Facebook d’ordinaire si dynamique n’est plus du tout en activité depuis au moins six mois. Que s’est-il passé ? Auriez-vous jeté déjà l’éponge ?

 

Fari Tahéruka Shabazz (FTS) : (Rire). À dire vrai, pour le moment, je ne sais pas comment jeter l’éponge. J’ai été forgé dans la lutte et c’est désormais dans mon ADN social. J’aime beaucoup me rappeler à moi-même ce mantra de motivation : “Fari Tahéruka Shabazz, combattu souvent, battu parfois, abattu jamais “. Donc vous voyez, l’abandon semble être une leçon que mon cerveau n’arrive pas à imprimer.

Sinon, vous me demandez ce qui explique l’évanescence de ma présence pareille à un fantôme qui ne serait pas visible mais néanmoins assez perceptible tel un esprit planant sur les évènements. Je vous répondrai que la première phase de mon travail de guerre communicationnelle contre le régime de Touadéra est une déjà une réussite. Par conséquent, je me devais de monter d’un cran dans mon combat politique.

 

CNC : Qu’entendez-vous par là ?

 

FTS : Hey bien, l’objectif que je m’étais fixé quand j’avais médiatiquement pris en grippe Faustin Archange Touadéra, c’était de faire en sorte que plus personne ne considère ou ne se focalise uniquement sur sa carapace de Chef d’Etat de Faustin Archange Touadéra, qui par définition doit être respectée voire même être craint. Je voulais qu’à la suite de mon travail de minage de son image, les gens ne voient désormais en lui que l’homme corrompu, incompétent, amoral, calculateur, sans vision, sans charisme, anti-patriote et laquais de puissances étrangères hostiles à la RCA. Et vous conviendrez avec moi qu’aujourd’hui l’espace médiatique, notamment les réseaux sociaux, est complètement saturé des récriminations contre Faustin Archange Touadéra qui n’est plus pris au sérieux par personne. Il est devenue la risée du pays, même à l’extérieur de nos frontières nationales. Je me réjouis de cette situation, de cette déconstruction méthodique du mensonge qui entoure cet homme. Ce travail intellectuel de sape de la communication présidentielle a nécessité le concours d’énormément d’énergie, de temps et de créativité de la part des petites mains centrafricaines et non-centrafricaines. Objectif atteint, on passe à l’étape suivante.

 

CNC : Que gagnez-vous à discréditer ainsi le Président Touadéra ? Est-ce que, comme le soutiennent certaines personnes, qui ne sont pas forcément des partisans du Chef de l’Etat, par votre attitude vous ne salissez pas l’image du pays à l’extérieur ? Ne devriez pas plutôt émettre vos critiques en off au lieu de l’étaler publiquement devant les étrangers? Car au final, le linge sale se lave en famille, non?

 

FTS : Oui effectivement, le linge sale se lave en famille. Mais Touadéra nous a suffisamment montré à plusieurs reprises d’ailleurs que sa famille se résumait aux Wagner, aux feymans camerounais, aux affairistes rwandais et libanais ainsi qu’aux seigneurs de guerre de l’ex-Séléka réunis autour de Djotodia, d’Hassan Bouba, d’Arnaud Djoubaye-Abazène, de Djono-Ahaba et autres Toumou Déya. Qu’est-ce qui nous lie à ce patchwork d’individus recherchés par la CPI, la CPS et placés sous sanctions internationales ? Tous ces gens-là sont hors de la République donc nous n’avons pas à les caresser dans le sens du poil quand il s’agit de dire la vérité sur leurs comportements pénalement répréhensibles, leurs exactions avérés, leur paranoïa psychotique, leur politique vaudou.

Mais en dernière instance, il nous fallait lever le voile sur la montagne de mensonges forgés par le pouvoir de Bangui autour de l’image de Touadéra. Et ce, afin de faciliter la prise de conscience et ensuite l’adhésion du plus grand nombre à la lutte contre la dictature que subit les Centrafricains. Et c’est avec le sourire aux lèvres que nous constatons que plus personne aujourd’hui n’a de doute quant au caractère foncièrement dictatorial du régime de Bangui. C’est pour cela que Bangui rebaptisée l’inique, sous Touadéra, est si isolé sur la scène diplomatique, qu’il est de facto mis sous tutelle par les institutions financières internationales, et qu’il est frappé par une polycrise dont il ne parvient pas à s’en sortir. Et ultimement, les Centrafricains ont la conviction solidement établie que la chute d’un tel régime n’émouvra vraiment personne, dès lors que le visage hideux de ce pouvoir a été dévoilé.

 

CNC : Justement, depuis le début de ce week-end [04/05/2023, ndlr], la centrafricanosphère notamment les réseaux sociaux les plus fréquentés par les Centrafricains (Facebook et WhatsApp) bruit de rumeurs autour de l’ancien Chef d’État Ferdinand Alexandre N’guendet. Selon vous, qui êtes connu pour être un fin analyste politique, que devrait-on en penser ? Qu’en pensez-vous, vous-même ?

 

FTS : Comme vous, évidemment j’ai suivi le développement qui a été fait tout autour de l’interprétation à donner à la décision du Président N’guendet de quitter la présidence de son parti le RPR [Rassemblement Pour la République, ndlr]. Pour avoir été un très proche collaborateur du Président N’guendet, je puis vous garantir que c’est un homme de combat, un homme déterminé et qui se sent animé par un destin. Je partage l’interprétation donnée par différents journaux en ligne dont CNC quant à l’abandon de la présidence du RPR. J’imagine assez aisément qu’après l’épisode râté de sa capture, il a préparé une contre-attaque musclée qui nécessitait qui se délestât de toute attache politique partisane.

C’est un secret pour personne qu’il aspire à ré-occuper la plus haute fonction de l’Etat. Et si tel est le cas, il est normal d’après sa mentalité tel que la connaît et les statuts de son parti qu’il quitte ses fonctions de Président du RPR. Je vous rappelle que j’ai été secrétaire général du RPR et que je connais parfaitement ses textes fondamentaux dans lesquels la fonction de Chef d’Etat et de President du RPR sont incompatibles.

 

CNC : Est-ce à dire que vous prenez très au sérieux ces rumeurs ?

 

Fari Tahéruka Shabazz (FTS) : En tant qu’analyste politique et encore plus en tant que collaborateur qui l’a pratiqué pendant des années, je puis vous garantir qu’il ne s’agit pas là d’une rumeur, mais c’est la bonne interprétation. Relisez ses discours de 2014 et ses déclarations successives depuis 2017 célébrant sa prise de pouvoir du 11 Janvier 2014 et vous comprendrez la psychologie et les convictions du Président N’guendet. Rembobinez le film de son parcours politique et vous vous rendrez compte qu’il n’a jamais été nommé à aucun poste de sa vie politique. Tout ce qu’il a eu il l’a arraché : conseiller de transition et membre du bureau du CNT de 2003-2005, plus d’une décennie de députation dont cinq dans la fonction de vice-président de l’Assemblée Nationale, Président du CN de 2013 à 2016, et Président a.i. de Transition en 2014. Ce qui veut dire que c’est un homme qui a du flair, qui sent les coups politiques, qui transforme les essais. Je le compare dans le football à un renard des surfaces comme Filippo Inzaghi qu’on ne voit quasiment pas dans le match mais qui n’a besoin que d’une occasion pour la mettre au fond du filet. C’est comme ça qu’est N’guendet, c’est un chasseur de but qui traine dans la surface de réparation.

 

CNC : Pensez-vous que les autorités de Bangui devraient se méfier de lui plus que de la CPC ou des menaces voilées des Occidentaux ?

 

Fari Tahéruka Shabazz (FTS) : Il ne m’appartient pas d’aider, par un moyen ou un autre, directement ou indirectement, à proroger le bail de la dictature de Touadéra qui est déjà sous perfusion, dans un état comateux. Donc même si j’avais la solution à leur problème, je ne leur en dirais rien. Cependant, le seul commentaire que je pourrais faire ici, c’est que l’humiliation que N’guendet a subi par le pouvoir de Touadéra ne pouvait pas rester sans lendemain. Tel que je le connais, il a dû activer ses réseaux intérieurs et extérieurs. Pour le réseau intérieur, déjà quand je travaillais avec lui, il organisait discrètement des réunions sécuritaires avec des officiers triés sur le volet, des fidèles. Il a toujours maintenu le contact avec les hommes de l’appareil sécuritaire. Socialement, il a beaucoup aidé certains qui lui sont redevables jusqu’à aujourd’hui. Je le sais parce que beaucoup en catimini venaient le voir pour le remercier ou pour s’ouvrir à lui. J’ai été son plus proche conseiller donc évidemment j’étais au courant de tout cela.

 

CNC : Oui, mais à l’international N’guendet n’est pas connu pour son entregent. Il n’a pas forcément un carnet d’adresse assez fourni comme d’autres leaders politiques centrafricains.

 

FTS : Après, ce que je peux vous dire c’est que c’est moi qui rédigeais les projets de correspondance pour les personnalités étrangères, donc j’ai une idée assez claire de cette question. Cependant, je pense qu’en l’espèce la loi sur les anciens Chefs d’État l’a beaucoup aidé. Sans s’en rendre compte Touadéra en promulguant cette loi a facilité la tâche à N’guendet. Car s’il est facile pour un homme au pouvoir d’appeler son homologue, de le rencontrer et voire de lui demander un service, il en va tout autrement quand on a quitté le pouvoir ou quand le pouvoir nous a quitté. Or, tel que je connais le Président N’guendet il n’a pas dû perdre du temps. Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais je suis convaincu qu’après avoir échappé au traquenard tendu contre lui par Touadéra, il a tout mis en œuvre pour trouver des partenaires à l’extérieur. Je n’ai aucun doute là-dessus. Je ne sais pas lesquels, mais visiblement il les auraient trouvé et convaincu, d’où tous ces mouvements que nous voyons actuellement.

 

CNC : Pour finir, tentons un peu de politique fiction, s’il vous le voulez bien. Avec cette nouvelle donne N’guendet, comment voyez-vous la suite des événements ?

 

FTS : De mon point de vue, l’appareil sécuritaire par précaution cherchera à enquêter. Le malaise c’est qu’ils n’ont pas de trace de lui. Est-il encore à l’étranger ? En Europe? En Afrique ? Serait-il revenu au pays ? Mais où dans ce cas ? À Bangui même ? En zone rebelle? En tout cas, énormément de questions en suspens. Toujours est-il que si N’guendet a fait la connexion avec les groupes armés en province, les autorités de Bangui devraient être en alerte car un nouvel élément vient compliquer l’équation. Comme nous sommes dans la politique fiction, je le vois passer un deal avec une puissance qui n’apparaitrait pas publiquement mais qui lui donnerait les moyens de son action. En cas de réussite, ses soutiens en sourdine manœuvreraient pour faciliter la reconnaissance du nouveau régime à l’international et éviter que les robinets des aides financières internationales ne soient coupés. S’il échoue, ils le condamneraient aussitôt sans état d’âme mais discrètement ils pourraient l’aider à l’exfiltrer lui et ses hommes. Vue l’instabilité politique, sociale, économique et sécuritaire actuel, le système étatique est très affaiblie et donc est à la merci d’une opération pourvue qu’elle soit menée minutieusement.

 

CNC : À vous entendre, Touadéra n’en aurait plus pour longtemps au Palais de la Renaissance.

 

Fari Tahéruka Shabazz (FTS) : Moi j’explore des pistes selon les données que j’ai et la connaissance des hommes. Mais in fine, il faudrait que vous interrogiez le Président N’guendet lui-même ainsi que les services de renseignement intérieur et extérieur de Touadéra. Je ne sais pas s’ils vous répondront, mais seuls leurs propos peuvent nous aider à désembrouiller cette situation. En attendant, il faut reconnaître que les indicateurs sont au rouge. Donc restons sur nos gardes.

 

CNC : M. Fari Tahéruka Shabazz, nous vous remercions.

 

FTS : Non, je vous en prie. C’est moi qui vous remercie.

 

Propos recueillis par Anselme Mbata

 

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