Un nouveau livre pour dénoncer le désordre centrafricain
L’ancien député de Boguila et administrateur des élections, Franck Urbain Saragba, qui est également diplômé de Science-Pô, vient de publier aux éditions Édilibres (Canada, France) un ouvrage intitulé « L’ordre républicain pour sauver le Centrafrique ».
Avec une plume acérée, l’ex-député estime qu’aujourd’hui, la République centrafricaine « est plus que jamais trahi par un certain nombre de ses filles et fils aux comportements inadmissibles qui sont parvenus comme par hasard à la commande de l’État. Par une gestion hasardeuse, doublée d’une pratique éhontée et chaotique, ces derniers ont d’une manière irresponsable finie par sonner le glas » de la République.
À l’en croire, « l’outrageuse compromission dans laquelle » les actuels dirigeants « se sont livrés à tous les niveaux a permis à ce que [le] pays soit vilipendé, discrédité, insulté, attaqué par des rebelles sans foi ni loi, trainé dans la boue pour finir par être la risée du monde et mis au ban de la communauté internationale. » C’est pourquoi, il estime que « l’imposition et l’applicabilité de l’ordre républicain dans la gestion de la chose publique s’impose. Il doit s’appliquer ici et maintenant pour que le Centrafrique « Ködörösêse tî bêafrîka » se remette enfin debout. C’est une première étape vers la restauration de l’ordre originel afin que nous nous réconciliions avec la logique d’un monde multipolaire, respectueux de la diversité des peuples et de l’environnement, membre de l’univers tout entier. »
L’auteur a promis reverser l’intégralité des bénéfices générés par la vente du livre aux victimes de la gestion calamiteuse du pays par le régime de Faustin Archange Touadera. Nous publions les bonnes feuilles de cet ouvrage sorti en librairie le 10 avril dernier et disponible bientôt à Bangui. Voici un extrait :
Le désordre centrafricain
L’ordre est ordre, le désordre est désordre, à moins que l’ordre ne fût qu’un désordre et inversement. Lancinante et crescendo, le désordre s’est infiltré d’une manière insidieuse régime politique après régime politique depuis une quarantaine d’années dans les rouages de notre république. Il a fini par être légitimé, devenant la norme, avec le dernier régime illégitime issu des deux dernières élections présidentielles et législatives truquées de 2015 et 2020 en faveur de l’actuel président de la République. « Mieux vaut une mauvaise élection qu’une transition chancelante » disait le défunt et très influent président Idriss Deby Itno du Tchad à propos de la République centrafricaine. Il ne croyait pas si bien dire, le Centrafrique a non seulement connu une transition chancelante mais une élection plus que chancelante pour ne pas dire moribonde et sous perfusée. A travers une liste non exhaustive de manquements et violations graves de la loi, de l’insécurité qui régnait à ce moment-là sur l’ensemble du territoire national, du manque de transparence, des cas de plusieurs tripatouillages scandaleux des chiffres et des résultats truqués de ces élections, et ce, en présence, à la vue et au su des principaux acteurs politiques locaux, des représentants de la société civile, des observateurs de la communauté internationale. Malgré tout, ces élections ont été validées.
Le summum du doute, du ridicule et de l’hilarité a été atteint lorsque devant les médias réunis, le président de l’Autorité Nationale des Élections, avocat de son État, nouvellement installé s’est confondu dans sa déclaration pour annoncer les chiffres et les pourcentages des résultats puis de se reprendre quelques secondes après pour les rectifier maladroitement sous des murmures désapprobateurs. Ainsi, le désordre total pour ne pas dire la pagaille venait de recevoir sa lettre de noblesse pour se substituer définitivement à l’ordre dans notre pays, comme si c’était normal et que tout allait bien dans le meilleur des mondes en ce beau pays situé au centre dudit continent, berceau des bantous. Cette phase de la vie politique de notre beau pays résume en elle seule comment sont semées les graines du désordre.
Celles-ci ont commencé à germer par un sabordage en règle de l’article 60 de la Constitution du 30 mars 2016 par l’actuel régime. Faut-il le rappeler, cet article disposait que « le gouvernement a l’obligation de recueillir préalablement l’autorisation de l’Assemblée nationale avant la signature de tout contrat relatif aux ressources naturelles ainsi que des conventions financières. Il est tenu de publier ledit contrat dans les (8) jours francs suivant sa signature ». Le simple fait de vouloir faire appliquer les dispositions de cet article 60 a valu la destitution de l’ancien président de l’Assemblée nationale et a laissé la voie désormais libre au pouvoir exécutif.
Pire encore, sous le prétexte de répondre aux aspirations de la population, le régime a initié un référendum constitutionnel malgré le veto de la Cour constitutionnelle qui a relevé le caractère illégal de la procédure. Le régime et ses tenants sont passés outre ce véto pour soumettre au vote de la population un texte à caractère crisogène. Aussitôt la présidente de la Cour constitutionnelle a été admise à la retraite, démise de ses fonctions et remplacée par son adjoint. Un score de 95,21 % pour le « oui » a été proclamé, en dépit des nombreux vices de procédure constatés et du refus de la Cour Constitutionnelle. Mais au-delà, les observateurs ont constaté le peu de mobilisation et d’enthousiasme des Centrafricains pour se rendre dans les bureaux de vote. D’ailleurs, la plupart des bureaux de vote tant à Bangui qu’en provinces sont restés désespérément vides. Ce référendum constitutionnel est qualifié par nos concitoyens et de nombreux partenaires internationaux de notre pays comme un véritable coup d’État constitutionnel, à l’égal d’un coup d’État militaire.
Les dérapages du régime se confirment de jour en jour à travers des arrestations arbitraires en commençant par celles de simples citoyens lambda puis des officiers généraux, officiers et sous-officiers de l’Armée nationale. Ensuite celle d’un député de la nation au mépris de son immunité parlementaire pour finir par un avocat, sans compter d’innombrables actes illégaux d’expropriations. Malgré une Constitution taillée sur mesure, le régime de Bangui a du mal à se dépêtrer de ses contradictions, il rencontre toutes les peines du monde pour appliquer les dispositions de ladite constitution qu’il a orchestré plusieurs mois après sa promulgation.
Récemment, dans la crise institutionnelle au Sénégal, lorsque le président sortant Macky Sall a tenté d’abroger la loi portant convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle et de reporter la date de cette élection, les universitaires sénégalais se sont levés comme un seul homme pour y faire face en prenant leur responsabilité. Ces valeureux et courageux avant-gardistes, gardiens éclairés ont lancé un appel au président suivi en cela par les sages du Conseil constitutionnel pour dénoncer le caractère illégal, illégitime, injustifiable et inacceptable de cette tentative alors qu’approximativement dans le même temps leurs homologues centrafricains drapés de leur toge, en ordre serré sur le perron de l’aéroport sous un soleil de plomb, suffoquant de chaleur, transpirant à grosses gouttes pour accueillir à la descente de l’avion l’autocrate de Bangui afin de l’ encenser dans ses frasques et autre coup d’État constitutionnel.
Franck Urbain SARAGBA
L’ordre républicain pour sauver le Centrafrique
Éditions Édilibres, avril 2024
ISBN : 978-2-38126-014-3
Tel/ WhatsApp : +236 75 72 18 21
Email: corbeaunewscentrafrique@gmail.com
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