1. Des personnes m’ont interrogé sur mon animosité notoire voire mon aversion rédhibitoire envers la Présidente de la Cour Constitutionnelle, la Pr Danièle DARLAN : « ainé, pourquoi à chaque fois vous ne manquez pas de tacler ou d’égratigner Mme DARLAN dans vos publications et prises de position ? On a même l’impression que vous la méprisez plus le Pr TOUADÉRA. ». Sur ce deuxième point, ils ont raison. Je prends un plaisir quasi-pâtissier à soigner mon mépris envers cette brave dame. C’est que j’ai toujours eu en horreur les personnes, hommes ou femmes, brillantes, intelligentes qui mettent ces grandes qualités non au service des pauvres, des humbles, des damnés de la terre, pour parler comme Frantz FANON, mais au service des exploiteurs, des oppresseurs riches, puissants, corrompus.
2. Je ne trouve aucune excuse à cette dame que j’espère du fond du cœur n’avoir plus jamais à rencontrer physiquement de toute mon existence. Si le quinquennat 2016-2021 fut un enfer pour les populations centrafricaines c’est bien sûr à cause de la nullité abyssale, profonde de Faustin Archange TOUADÉRA et du personnel politique qui le sert. C’est vrai.
Mais cela a été rendu possible qu’à partir du moment où des verrous constitutionnels ont été sautés par Mme DARLAN. Qu’on se souvienne qu’en 2016, TOUADÉRA arrivait aux affaires sans députés, sans un groupe parlementaire pour soutenir sa « politique ».
Le premier acte qui a permis à TOUADÉRA de débaucher et siphonner les députés des autres partis politiques via un mécanisme de corruption active sur fonds du Trésor Public c’est la décision de la Cour Constitutionnelle de légaliser le koudoufarisme.
Désormais un député élu sous telle ou telle bannière politique pourrait librement quitter le groupe parlementaire du parti qui a tant investi sur lui pour l’envoyer à l’Assemblée Nationale et bénéficier en retour de ses cotisations pour faire marcher le parti et de sa voix pour défendre les idées, les propositions, les réformes dudit parti.
- Des partis comme le RPR, le CRPS ou encore PATRIE ont vu leur groupes parlementaires disparaitre à cause de cette décision scandaleuse. Outre les conséquences financières, les conséquences politiques sur le parti sont incommensurables. Pas étonnant que juste après avoir été délestés de leurs députés la machine judiciaire a tenté en vain de s’abattre, à l’époque en vain, sur les trois leaders de ces partis politiques.
- En clair, sans cette décision honteuse, démocratie-cide de Mme DARLAN, le MCU de TOUADÉRA n’aurait jamais pu se doter d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale et ainsi avoir les coudées franches pour manipuler et pire inféoder la deuxième institution républicaine par la puissance de l’argent de la corruption, du détournement des deniers publics.
Deuxième conséquence du péché originel de Mme DARLAN, c’est le boulevard ouvert à la corruption, au détournement des deniers publics, au pillage des caisses de l’Etat. Car cette politique de débauchage des députés puis après d’achat des votes et des consciences à l’Assemblée Nationale au profit du Prince du moment est fluidifiée par ces pratiques scandaleuses de corruption active. Tout ça c’est l’œuvre de Mme DARLAN.
- Malgré tout ça, le Président de l’Assemblée Nationale (PAN) de l’époque, le Très Honorable Karim MECKASSOUA, s’évertuait à équilibrer les pouvoirs en s’opposant systématiquement à toute tentation du pouvoir exécutif de faire main basse sur le pouvoir législatif. Le paroxysme de cette lutte fratricide étant constitué par la question de l’article 60 alinéa 2 de la Constitution du 30 Mars 2016.
Cet article dispose que « le gouvernement a obligation de recueillir préalablement l’autorisation de l’Assemblée Nationale avant la signature de tout contrat relatif aux ressources naturelles ainsi que des conventions financières. Il est tenu de publier ledit contrat dans les huit (8) jours francs suivant sa signature ».
Le Président TOUADÉRA pour pouvoir satisfaire les affairistes et groupes mafieux qui voulaient piller nos ressources naturelles avance l’interprétation selon laquelle « assemblée nationale » dans cet article signifie « bureau de l’assemblée nationale » et que par conséquent c’est l’autorisation du bureau de l’assemblée nationale dont aurait besoin le gouvernement pour signer les contrats avec les affairistes venus piller nos ressources.
Une interprétation que je qualifie volontiers de ridicule, en totale opposition avec l’article 68 alinéa 1 qui donne la définition claire de ce qu’est l’assemblée nationale : «Le Peuple Centrafricain élit, au suffrage universel direct pour un mandat de cinq (5) ans, des citoyens qui CONSTITUENT l’Assemblée nationale (…) ».
Si l’interprétation tirée par les cheveux que propose le Président TOUADÉRA pour permettre aux mafieux de piller nos richesses étaient sérieuses cela signifierait que quand la Constitution en son article 54 alinéa 2 dispose que « le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, doit demander un vote de confiance à l’Assemblée nationale (…) » cela voudrait dire que c’est le Bureau de l’Assemblée Nationale qui donnerait le vote de confiance au PM. Ridicule, stupide, imbécile.
- A cette interprétation farfelue, le PAN de l’époque, MECKASSOUA, opposait avec raison, pour sa part, que « assemblée nationale » renvoie à l’ensemble des députés, donc à la plénière de l’assemblée nationale qui est l’instance délibérative de l’assemblée nationale. Il a demandé l’arbitrage de la Cour Constitutionnelle, et ô surprise Mme DARLAN donne raison à TOUADÉRA en disant que pour elle « assemblée nationale=bureau de l’assemblée nationale » et que par conséquent le gouvernement n’avait besoin du feu vert que du bureau de l’assemblée nationale et de la plénière.
Manifestement les puissances de l’argent roi ont eu raison du droit. Les gardiens de la Loi Fondamentale ont déserté leur poste pour aller garder les intérêts catégoriels de classe bourgeoise, des nantis, des caciques, des hiérarques, des ploutocrates, des autocrates, des oligarques.
- Malheureusement pour TOUADÉRA, MECKASSOUA dirigeait l’AN d’une main de fer, si bien que durant les 2 ans et 7 mois de son magistère seuls 5 contrats ont réussi à recevoir le précieux sésame qu’est l’autorisation du bureau de l’Assemblée Nationale.
Les autres candidats, essentiellement des russes, ne répondaient pas aux critères fixés la loi, dont les retombées socio-économiques pour la population, la préservation de l’environnement, ou encore le renflouement des caisses de l’Etat. MECKASSOUA devint donc la bête à abattre, il fallait le faire sauter de la tête de l’Assemblée Nationale. Sa défense des intérêts supérieurs de la Nation était un frein à l’affairisme vorace du nouveau régime dirigé par TOUADÉRA.
Grâce à la corruption et surtout au verrou anti-koudoufarisme que Mme DARLAN avait pris soin de faire sauter, ce qui permit à TOUADÉRA de créer groupe parlementaire et devenir frauduleusement majoritaire, le pouvoir put organiser un putsch contre MECKASSOUA afin d’y placer un PAN fantoche qui acceptera tout, en l’occurrence l’Honorable GON BABA.
En effet, avec l’interprétation partisane de l’article 60 donnée par Mme DARLAN, le gouvernement se voyait enfin la tâche facilitée. Plus facile de corrompre 10 personnes d’un bureau que d’en corrompre 140 d’une plénière.
- Les conséquences ne se sont pas fait attendre, moins d’un an après la chute de MECKASSOUA, le nombre de contrats sur les ressources naturelles passaient de 5 à plus de 140 (de surcroit léonins). Avec en bonus le non-respect des clauses sociales et environnementales. Un exemple : la rivière Ouham est détournée de son lit, détruite et polluée.
Les populations de Bozoum sont empoisonnées par millier, les femmes font des fausses couches en cascade, des enfants développent des maladies inconnues et meurent comme des mouches. Révoltes dans la région contre les exploitants chinois qui avec la complicité des autorités de Bangui oppressent les populations, font jeter certains en prison, y compris le religieux catholique, Père Aurélio.
Insurrection les populations qui vont le libérer par la force. Le Premier Ministre NGRÉBADA envoie l’armée pour mâter, réprimer l’insurrection afin de protéger les exploitants chinois. C’est un désastre total. Une commission d’enquête parlementaire va sur le terrain avec des experts chimistes.
Les conclusions sont plus qu’accablantes, elles sont littéralement apocalyptiques : la destruction de l’environnement est indescriptible, des pots de vin de milliards de francs ont été versé à des membres du bureau de l’assemblée nationale. Le Président de la Commission des Ressources Naturelles de l’Assemblée Nationale, l’Honorable MANDABA, est mis en cause et avoue tout.
Le nom de TOUADÉRA et de ses proches seront cités comme bénéficiaires des pots-de-vin dans des enregistrements audios de cette enquête. C’est le Bozoumgate.
L’affaire sera étouffée par le pouvoir, aucune justice ne sera rendue, personne n’est mis en examen, mais les populations continuent de mourir à petit feu à cause de la catastrophe écologique qui a pollué et détruit les récoltes, les sols, les eaux, l’air.
- Même scénario mais en pire encore dans la Mambéré-Kadéi où carrément les populations n’en pouvant plus ont littéralement assassiné les exploiteurs chinois alliés du pouvoir corrompu de Bangui. Répression sanglante, des jeunes innocents croupissent aujourd’hui sous les verrous mais la catastrophe écologie continue à se perpétuer.
Merci Mme DARLAN, la défenseuse des puissants, des riches, des gens de sa classe sociale contre le peuple. Solidarité de classe, manifestement. On se soutient entre bourgeois, contre le peuple.
- Je ne reviendrai pas sur ses décisions catastrophiques durant tout le processus électoral, d’amont en aval, notamment avec cette décision qui exclut plus de 200.000 électeurs réfugiés. Démocratie à géométrie variable, démocrature qui hiérarchise les citoyens et les sous-citoyens comme du temps d’Hitler on hiérrarchisait les races et les sous-races. Visiblement les réfugiés seraient des sous-citoyens à qui Mme DARLAN leur ôte le droit de vote pourtant garantie par la Constitution. C’est vrai que la bourgeoise se pense à l’abri de l’état de sous-citoyen, de réfugié.
- Alors on me brandira une interview qu’elle a accordé à la presse dans laquelle elle affirme qu’à l’étranger ses confrères et autres la félicite pour ses décisions « courageuses », « historiques ». Mais on aura remarqué que dans l’interview elle est incapable de nous citer les décisions courageuses en question. Elle ne parle que de la décision concernant la non-modification de la Cour Constitutionnelle.
Mais elle omet volontairement de préciser que les arguments juridiques, politiques et moraux que la Cour avait alors présentés pour justifier cette décision étaient très largement inspirés par la note que le Chemin de l’Espérance du Président MECKASSOUA avait fournie quand nous avions été consultés. Je m’en souviens très bien car le Président MECKASSOUA nous avait fait l’insigne honneur, le coordonnateur Gildas De-Carême BÉNAM et moi, de l’accompagner lors de cette consultation devant les juges constitutionnels. C’est à l’unanimité que ces derniers se sont opposés à la folie du tripatouillage constitutionnel voulu par TOUADÉRA.
- Alors quand je la vois dans l’hémicycle pondre un discours hypocrite, je m’en étouffe de rage. La même personne qui avait donné carte blanche à TOUADÉRA pour l’Accord de Khartoum alors que les politiques et la société civile ont vainement demandé son arbitrage ; la même qui avait rejeté les requêtes demandant l’annulation des actes réglementaires nommant des rebelles aux plus hautes fonctions politiques, administratifs et militaires de l’Etat ; la même qui restait insensible, muette aux articles 26 alinéa 2, 27 alinéa 1 ou encore l’article 28 de la Constitution du 30 Mars 2016 invoqués pour mettre fin à l’équipée funeste des groupes armés.
Et c’est elle aujourd’hui qui nous parle de lutte contre la CPC ? Elle, la petite bourgeoise, qui les a couvert pendant près de trois ans ? Elle ? Non, tout le monde peut critiquer la CPC, mais pas elle.
- Koudoufarisme, corruption industrielle, assassinat de la démocratie, pillage de nos ressources, catastrophes écologiques, embastillement d’innocents, violations systémiques de la Constitution, légitimation des groupes armés, création de la CPC, exécutions extra-judiciaires, hold-up électoral…Voilà les conséquences des décisions dont la bourgeoise Mme DARLAN est si fière.
Je me demande si elle arrive encore à dormir d’un sommeil non-troublée avec tous les morts et toutes les vies brisées que sa signature a causées en seulement 5 ans à la tête de la Cour Constitutionnelle ? Je prie Dieu pour ne plus jamais à avoir rencontrer cette femme de toute ma vie. Et si elle doit aller au Paradis, je demanderai à Dieu d’aller en enfer pour ne pas être dans le même périmètre qu’elle.
Le proverbe antillais disait donc vrai : « Le poisson pourri d’abord par la tête ». La république des professeurs, le règne des élites, des intellectuels est encore pire que celles des ignares. Le paradoxe de la RCA.
Fari Tahéruka SHABAZZ