A l’initiative des musulmans de km 5, un collectif mixte, musulmans-chrétiens, dénommé TOURNONS LA PAGE a vu le jour dans le 3ème arrondissement. L’association s’est assignée pour mission de créer les conditions favorables au retour des populations de confession chrétienne qui vivait dans les quartiers musulmans plus de cinq mois.
Les biens ainsi abandonnés par ces ménages sont devenus une aubaine pour les pillards qui perpétuent des actes de vandalisme, contribuant ainsi à discréditer la communauté musulmane restée sur place.
«Ce qui nous a poussés à créer le collectif, c’est notre volonté d’inciter nos frères chrétiens à rentrer et prendre soin de leurs maisons.» justifie Moussa Bardé, président de “Tournons la page” «Entre temps, le collectif veille sur les biens des gens qui sont là. Si les bandits volent des choses, nous les récupérons pour les remettre aux Burundais de la MISCA [Force Africaine en Centrafrique] qui sont là.
Pour cette première sortie, le collectif a choisi entre autres objectifs d’intérêt général, la salubrité du 3ème arrondissement, une rubrique qui cadre avec la vocation du projet « Cash for Work » de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui soutient cette initiative, comme l’explique à Anadolu, Mexin Ouadaï chef dudit projet.
« Depuis le mois de mars nous avons lancé ce projet d’appui à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale entre les deux communautés. C’est ainsi que nous avons été très sensibles à l’appel de l’Ong “Tournons la page”, qui a pris l’initiative de réunir musulmans et chrétiens des quartiers du 3ème arrondissement pour nettoyer leur localité. L’OIM les soutient parce qu’il s’agit du même objectif, à savoir la paix, la cohésion sociale. »
Pour ce premier appui de l’OIM, les membres du collectif ont bénéficié des matériels de travail, c’est-à-dire des bennes pour transporter les ordures jusqu’à notre décharge finale, des pioches, des pelles, des râteaux, des balais, des brouettes…
« Notre premier chantier a été le marché Mamadou M’Baïki [le principal marché du Km5] et aujourd’hui, ce marché est propre. Ensuite, l’Avenue Boganda qui part de Km5 vers le 2ème arrondissement, puis l’Avenue Koudoukou qui part du Km5 vers le 5ème arrondissement ont été nettoyées» explique Mansour Amadou Aïdio, membre du staff de l’OIM «Aujourd’hui, nous sommes en train de travailler sur le marché de Kokoro, principale cause d’inondations dans le 3ème arrondissement, car les canalisations étaient bouchées et depuis très longtemps, personne n’a daigné les nettoyer. Entre temps, nous avons des équipes mobiles qui sillonnent les quartiers pour collecter les ordures. »
L’adhésion des musulmans à ce projet est manifeste. Pour Charline Kenguelewa, néanmoins, la paix ne peut se faire unilatéralement. “Nous avons encore peur d’aller à d’autres quartiers de Bangui comme Combattant, à Gobongo, à Pk12 et autres” se plaint cette habitante du quartier Yamabassa. “Il faudrait que les anti-balaka en fassent autant pour laisser les musulmans circuler dans les autres arrondissements.”
Côté chrétiens, la satisfaction est au rendez-vous. Mirabelle Ngombo est une habitante du quartier Ngbénguéwé qui met les pieds pour la première fois, depuis des mois, dans sa propre maison, abandonnée depuis aux pilleurs.
« Je suis très émue aujourd’hui, car il y a des gens ici que je n’ai pas vue depuis six mois. C’est pourquoi je remercie du fond du cœur le Collectif TOURNONS LA PAGE et l’OIM qui nous a permis de nous rencontrer aujourd’hui. Nous devons comprendre que ce qui est passé est passé, et que nous les chrétiens et les musulmans, puissions nous pardonner et nous réconcilier afin que les familles qui souffrent dans les sites regagnent leurs domiciles.»
Pour Célestin Kparambéti, ce sont de pareilles initiatives qui contribueront à ramener la paix en Centrafrique. Cette habitante chrétienne du Quartier Ramandji exhortent les autorités à ne pas lésiner sur les moyens pour appuyer pareils projets.
« Lorsque nous étions sur le site, on s’interrogeait, à quoi ressemble notre quartier et nos maisons ? Mais, si aujourd’hui grâce à ce collectif, les gens sont sortis pour travailler ensemble, c’est une grande joie pour moi. Je demande que les autorités leur donnent beaucoup de moyens pour continuer ce travail. Ce n’est que par-là que la paix pourrait revenir dans notre pays. »
Sylvestre Krock Pour AA