En allant à Bangui fin octobre et au fil des discussions avec les différents membres et responsables de l’opération de maintien de la paix de l’Union européenne (EUFOR Rca) déployée dans la capitale centrafricaine, j’ai pu mesurer certaines réalités. Les quelques termes, qui servent parfois à caractériser la situation sur le terrain, ne sont pas juste des mots. L’Etat centrafricain reste à construire. La tâche n’est pas minime.
1° La « volatilité du terrain » n’est pas un vain mot. Ayant patrouillé avec les équipes du général Lion durant 3 jours durant, j’ai vu en 72 heures la situation s’améliorer largement dans les mêmes rues qu’on avait parcouru quelques heures auparavant.
2° L’amélioration de la situation à Bangui est visible. Mais tout n’est pas gagné. Un cran a été franchi. Mais un cran réversible. Et il importe de la consolider, et de le faire rapidement.
3° La sécurité assurée par les multinationaux n’est pas tout. Les seules patrouilles multinationales de sécurité ne suffiront pas à maintenir la sécurité, même si elles sont plus efficaces. Le relais doit être assuré par les Centrafricains. La plus grande douleur que j’ai perçues chez les habitants de Bangui, ce n’était pas seulement l’insécurité. Mais qu’aucun policier, militaire, centrafricain – des gens de chez eux – ne répondait à leurs appels.
4° Un besoin de justice. Ce n’est pas seulement d’élections, ou de démocratie, dont le pays a urgemment besoin. C’est de justice au sens général du terme, d’équité, de prise en compte des besoins de la population qu’il y a besoin. L’impunité est la pire des insécurités.
5° Poser un édifice pour l’avenir importe de prendre en compte d’abord les urgences. Vouloir faire selon des normes pensées, réfléchies sur le mode européen où le temps est possible, le consensus démocratique acquis et où une motion de censure est de l’ordre de l’ordinaire démocratique est illusoire. La volonté de rebâtir un Etat en partant de A à Z semble une théorie. Des lois d’urgence doivent être établies rapidement, par décret éventuellement, pour permettre aux juges de faire leur travail. Il n’y a rien de pire que d’avoir plusieurs dizaines de jeunes en prison avec, au fond d’eux-mêmes, un profond sentiment d’injustice, de ne pas être écoutés. Quand ils vont sortir, je crains le pire.
6° L’écusson, le drapeau européen apporte incontestablement un + dans ce pays. Même si la mission est limitée à Bangui, on ne peut nier l’impact des hommes du général Lion. Les sections française, géorgienne, lettone, polonaise, espagnole et italienne tout comme la Cimic finlandaise qui patrouillent dans les rues apportent incontestablement une certaine fraîcheur, une notion du maintien de l’ordre, impartiale, qui ne peut être pris à partie par l’accusation de néocolonialisme.
(Nicolas Gros-Verheyde avec B2)