La date butoir de l’évaluation général des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) s’approche à pas géant. Comme prévu par le système des nations unies qui avait lancé un appel à tous les Etats du monde d’adhérer au processus, en 2015, il faut l’éducation pour tous, la santé pour tous, la nourriture pour tous, pour n’évoquer que ces besoins vitaux de base qui concernent particulièrement les pays émergents et les pays les plus pauvres de la planète, notamment en Asie, en Amérique latine et en Afrique, tels que la Centrafrique, le Cameroun, le Congo, le Niger, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, pays cités à titre d’exemple. La liste est bien longue. La pauvreté sur le continent demeure, à priori, le mal qui freine le développement de nos pays. Et si c’est dans ce contexte que le premier sommet Etats-Unis-Afrique a été convoqué par Barack Obama, président de la première puissance mondiale pour endiguer ce mal, on ne peut qu’applaudir.
La république centrafricaine, un pays qui n’est pas encore sorti de l’auberge, a fait un mauvais départ de cette course de vitesse pour le développement, depuis le lancement de ce vaste programme par le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), pour ne pas paraphraser René Dumont qui disait que l’Afrique est mal partie, en général. Vingtaine d’années après son indépendance, ce beau pays riche en ressources minières et pétrolières, mais également pauvre à cause de la mal gouvernance de ses dirigeants et des crises à répétition. Situé au cœur de l’Afrique, le Centrafrique est l’orphelin du monde, abandonné par les occidentaux, particulièrement la France qui revient en force, mais finalement racheté par des institutions internationales et sous régionale (CEEAC, UE) pendant les crises, pour être sous tutelle de l’ONU. Les conflits armés ont occasionné son recul non égalé par rapport aux autres Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) de la planète. Au regard du thermomètre, la Centrafrique ne peut pas répondre au rendez-vous puisque les maladies l’ont rongée, à tel point qu’elle est condamnée sur le lit sous perfusion comme un malade qui souffre d’Ebola et n’attende que les dernières secondes où Dieu va décider de son sort.
Pillée à outrance par ceux qui l’ont gouvernée ces dernières années d’enfer, la république centrafricaine n’est pas en mesure d’assurer d’abord, la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire, et manque cruellement des moyens financiers pour réhabiliter les écoles et centres de santé détruits par les effets de la guerre, et ensuite en construire d’autres pour faire face aux nombreux défis de la mondialisation et de la globalisation. La relance économique est un travail de titan qui attend les filles et fils du pays, lesquels veulent prendre en mains la destinée de ce pays en lambeau, et qui n’espère que sur des interventions d’urgence de la part des pays amis, bailleurs de fonds et partenaires au développement.
La RCA face aux OMD
Avec la catastrophe provoquée par les bandits de grand chemin et les criminels économiques qui sont les séléka et autres, la Centrafrique est bel et bien malade. Elle ne peut produire de l’eau potable à ses populations sans l’aide des partenaires au développement et ONG Humanitaire, ni assurer des soins pour tous et l’école pour tous d’ici 2015. L’on peut dire que le pays a déjà raté le coche. Son bulletin de note est d’office vierge puisqu’il était empêché par les conflits armés de passer l’examen, et aussi la propre médiocrité de sa gestion. A propos de l’évaluation des OMD en Afrique, il existera certes des pays du continent qui seront incapables d’argumenter pour soutenir leur résultat puisqu’ils étaient déchirés par la guerre, comme le Mali, le RD Congo, la Somalie et bien d’autres pays du Maghreb tels que la Lybie et l’Egypte suite au printemps arabe, pour ne citer que ces pays qui traversent des moments très difficiles de leur histoire.
Concernant l’éducation qui est la base du développement, presque 50% des écoles en Centrafrique ont été fermées de 2012 à 2013 dans le nord du pays à cause des conflits armés qui ont fait fuir les parents d’élèves et leurs enfants scolarisés. Nombre d’eux se retrouvent en pleine brousse à la merci des bêtes sauvages et féroces. Plus de 16 000 déplacés internes selon le HCR. L’école était bel et bien noire où la culture de l’excellence s’est envolée. Selon les statistiques de l’UNESCO, 7 élèves sur 10 de l’école primaire n’étaient toujours pas retournés en classe à cause de l’insécurité qui asphyxie. De surcroît, nombreuses écoles des provinces ont été pillées par des éléments rebelles de la coalition séléka que dirigeait l’ancien président de la transition, Michel Djotodia. Ce dernier et sa bande à la gâchette facile, n’ont pas donné priorité à l’éducation. Encore moins à la santé puisque des compatriotes civils malades ont été tués par des éléments de séléka sur leurs lits à l’hôpital de l’Amitié construit grâce à la coopération sino-centrafricaine.
S’agissant des statistiques en matière de santé, les résultats sont d’emblée déplorables. En 2012, l’espérance de vie pour l’homme est de 50 ans seulement et 52 pour la femme. Sous d’autres cieux, les résultats donnent des chiffres relativement supérieurs compte tenu de la culture de connaissance et le PIB. Le Revenu national brut par habitant est seulement de 1,080 dollar. Le taux de mortalité infantile demeure très élevé à cause bien entendu de la mal nutrition. Plus de 13.000 enfants sont très mal nourris sur les sites des déplacés selon les dernières statistiques fournies par OCHA, une ONG humanitaire basée en Centrafrique. Plusieurs enfants en Centrafrique dans les régions du nord meurent beaucoup plus de la rougeole. Le budget du ministère de la santé n‘est pas assez volumineux pour pouvoir faire face aux besoins sanitaires et lutter efficacement contre les pandémies. A telle enseigne que la couverture sanitaire n’est pas assurée sur toute l’étendue du territoire nationale et on ne peut non plus parler de la santé pour tous en 2015. La RCA a pris grandement du recul. Pire encore, on ne soigne plus gratuitement dans ce pays retombé au bas de l’échelle. Les hôpitaux sont devenus des mouroirs depuis le début de la crise qui secoue ce pays. S’il vous manque alors des bourses sanitaires, c’est la fin de votre vie.
Pays à vocation agropastoral comme je l’ai toujours évoqué, ce secteur a eu un coup dur à cause de la gestion opaque de la chose publique par les autorités et le manque d’une bonne politique de commercialisation des produits agricoles depuis l’arrêt brutal et sauvage de « l’opération Bokassa ». Le centrafricain lamda ne mange plus trois fois par jour. Un ancien ministre de l’agriculture du régime Bozizé en la personne de Fidèle Ngouandjika n’a cessé d’utiliser de la démagogie pour distraire le peuple centrafricain, comme quoi, il va désormais manger trois fois par jour. La réalité est que le régime Bozizé a conduit le peuple centrafricain vers une misère qui ne dit pas son nom et au finish, c’est le drame humain après la prise des armes par des barbares de notre siècle.
Nonobstant ces conséquences gravissimes, à titre de rappel, les petits efforts du régime Kolingba ont ramené l’autosuffisance alimentaire pendant son règne dans les années 80 mais cela n’a pas fait long feu. C’est le basculement dans une misère sans précédent. Avec une crise qui n’est prête à voir sa fin, l’on peut dire que c’est la disette. Le peuple souffre malgré toutes les richesses que Dieu lui a données. La république centrafricaine pratique une agriculture primaire où les tâches sont encore manuelles et archaïques. Le pays se trouve dans une position inconfortable, largement loin derrière tous les autres pays au monde pour pouvoir produire en quantité industrielle afin de prétendre exporter ses produits en Europe, en Asie et en Amérique pour les vendre aux marchés mondiaux.
La RCA face aux APE
Entrer dans le libre échange pour ce pays d’Afrique où tout est au rouge, c’est de la pure illusion. Il faut beaucoup d’année après le retour de la paix et une sécurité qui couvre tout le territoire afin de mettre les paysans et agriculteurs dans des conditions favorables de production.
Les pays occidentaux, notamment ceux de l’Union européenne ont couru trop vite pour cette proposition de politique commerciale de la mondialisation ou du moins l’imposer aux pays du sud et des caraïbes dits APC. Il va sans dire que ces pays colonisateurs sont souvent pris à partie dans des conflits armés qui ont retardé le développement des pays africains et ceux d’Amérique latine et du centre. Le cas de la Centrafrique est patent.
La république centrafricaine et les pays de la sous-région de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC) ne peuvent pas procéder à la suppression des droits de douane sur les produits originaires de l’Europe. Excepté le Cameroun peut-être, membre à part entière et co-fondateur de l’institution sous régionale qui court plus vite pour ses intérêts égoïstes en signant des accords intérimaires. Il est dans une position similaire que la Côte d’Ivoire au niveau de la sous-région d’Afrique de l’Ouest. Comme plusieurs pays africains, la Centrafrique ne fonctionne que sur la base de ses recettes fiscalo-douanières. A chaque blocage socioéconomique provenant d’une crise, la RCA est en mauvaise posture pour résoudre ses problèmes régaliens. Cet Accord de Partenariat Economique aura pour l’instant très peu d’impact sur le développement des économies des pays africains en général puisqu’ils ne produisent pratiquement rien et n’importent rien à part le pétrole, l’uranium, le diamant et l’or dont les recettes en chiffres restent un secret de polichinelle et ne profitent pas aux peuples d’Afrique, si oui aux gouverneurs de nos Etats qui entassent des pétrodollars dans leurs propres comptes en occident. La politique ambigüe de la dévaluation du CFA en 1994 n’a pas favorisé les pays africains producteurs du café et de cacao comme la Côte d’Ivoire, le Cameroun et bien d’autres pays du continent. La Centrafrique qui cultivait l’un des meilleurs cafés au monde mais en très faible quantité a vu sa production tombée à cause du non-respect de l’engagement du gouvernement vis-à-vis des planteurs.
Durant le régime Bozizé qui a causé trop du tort au peuple centrafricain, le géant mondial en matière d’uranium (AREVA) n’a financé l’exploitation de l’uranium centrafricain qu’à hauteur de 18.000.000.000 fcfa. Une maigre somme pour une nation qui a pris une destination inconnue. D’abord, c’est un marché très mal négocié comme si la république centrafricaine manque cruellement des ressources humaines en la matière. Ce n’est pas du tout étonnant puis-je le dire, puisque c’était un marché de gré à gré et cela échappe bien entendu aux représentants du peuple à l’Assemblée nationale. Les négociateurs de ce deal regardaient plutôt le renflouement de leurs poches. AREVA a fermé le site de Bakouma sous prétexte qu’il y a eu l’incident de Fukushima et que les cours de la matière ont chuté.
En effet, lors de sa dernière conférence de presse avant de quitter Bangui, le DG d’AREVA et son responsable de sécurité ont pointé du doigt le pouvoir de Bangui qui n’a pas respecté les clauses du contrat qui les lient. Contrairement au Niger où AREVA n’a pas mis les clés sous paillasson pendant cette période de crise ; les négociations reprises entre les deux parties ont abouti à un résultat assez satisfaisant. Mais beaucoup reste à faire pour qu’AREVA et Niamey répondent aux attentes du peuple nigérien. Un pays également où la pauvreté est aigue.
En Centrafrique, il va sans dire que les chefs d’Etat qui se sont succédé ont perdu le pouvoir à cause de ces richesses du sous-sol, notamment, les anciens présidents défunts, Jean Bedel Bokassa (pour l’Uranium de Bakouma), Ange-Félix Patassé (pour le fer de Bogoing) et François Bozizé (pour le pétrole de Birao). Pour la simple raison que la France, pays colonisateur, veut absolument le monopole de l’exploitation de ces richesses minières et pétrolières qui appartiennent naturellement au peuple centrafricain et que ces derniers y sont opposé. Au regard de cette catastrophe politique, après la future présidentielle qui s’annonce très difficilement, je crois, pour une bonne politique nationale de développement, les tenants du nouveau régime démocratique et légale ont intérêt à revoir les clauses des contrats avec les investisseurs étrangers et les partenaires qui doivent nécessairement passer avec leurs dossiers devant les représentants du peuple à l’Assemblée nationale, pour l’intérêt général de la nation quand il s’agira de l’exploitation des ressources minière ou pétrolière. Tous les contrats doivent être désormais révisés pour l’assurance d’un partenariat gagnant-gagnant.
Pierre INZA