Bangui, 10 décembre 2021 ( Corbeaunews- Centrafrique) – Pour surveiller les activités de l’opposant Karim Meckassoua, la présidence centrafricaine a nommé début décembre l’ex-journaliste Guy Moskit. Ce dernier connaît très bien l’ancien président de l’Assemblée nationale.
Où est donc passé Karim Meckassoua ?
La question agite le tout-Bangui depuis que l’ancien président de l’Assemblée nationale a quitté le pays pour Brazzaville, en août, juste avant qu’il ne soit destitué de son titre de député du quartier musulman du PK5 par la Cour constitutionnelle. Depuis, l’opposant voyage entre l’Afrique et l’Europe, et ne répond au téléphone qu’à ses plus proches intimes.
La question hante également le palais de la Renaissance. Ainsi, le président centrafricain Faustin Archange Touadéra a profité d’une salve de nominations, en marge de la fête nationale du 1er décembre, pour bombarder Guy Moskit ministre conseiller spécial. Derrière l’intitulé, l’ancien journaliste, député lors de la précédente législature, aura pour mission de surveiller les faits et gestes de Meckassoua.
Inséparables dans les années 2000
Moskit et Meckassoua, aujourd’hui en froid, se connaissent bien et partagent les mêmes réseaux, francophiles, depuis près de trois décennies.
C’est durant les premières années de la mandature de François Bozizé (2003- 2013) que les deux hommes connaissent une ascension fulgurante dans les hautes sphères banguissoises. En 2003, Moskit succède à Karim Meckassoua à la tête du ministère de l’intégration régionale et de la francophonie. De son côté, après un passage par le ministère des affaires étrangères, Meckassoua obtient le ministère de l’éducation.
En 2005, ils intègrent tous deux le cabinet de François Bozizé, alors élu au terme de la transition. Mais au fil des ans, les deux conseillers sont entrés en rupture avec le président, finalement déchu en 2013.
Candidats malheureux à l’élection présidentielle de 2015, ils intègrent l’Assemblée nationale dans la foulée. Durant son passage sur les bancs du parlement, Moskit joue les intermédiaires dans les capitales sous-régionales pour le compte de Touadéra. Meckassoua, quant à lui, prend la présidence de l’Assemblée (AI du/05/16).
Frères ennemis dans les années 2010
Karim Meckassoua, apprécié du ministre des affaires étrangères français Jean- Yves Le Drian, est mis sur la touche en 2018, lors de sa spectaculaire destitution du perchoir. Encore aujourd’hui, Paris suspecte Moscou d’avoir orchestré son départ. C’est aussi un motif aggravant des tensions entre les deux ex-inséparables : Meckassoua reste persuadé que Moskit avait voté en faveur de sa destitution. A l’inverse, lors des élections législatives de 2020, le député de Mbaïki 3 attribue sa défaite au soutien de Meckassoua à son concurrent, Hassan Akhras, qui devient le premier député centrafricain d’origine libanaise.
Entre-temps, selon le panel des experts des Nations unies sur la RCA, Meckassoua active ses réseaux en coulisses dès 2018 pour se rapprocher de Bozizé. C’est lui qui aurait tout d’abord facilité le retour surprise de l’ancien chef de l’Etat à Bangui, fin 2019. Puis, toujours selon le panel des experts, Karim Meckassoua aurait activement participé à l’émergence de la rébellion de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), dirigée par l’ex-président. Il fera notamment le lien entre François Bozizé et plusieurs chefs de guerre de l’ex-coalition Séléka ayant participé à la chute de ce dernier en 2013, à savoir Ali Darassa (Union pour la paix en Centrafrique, UPC) et Noureddine Adam (Front populaire pour la Renaissance de la Centrafrique, FPRC, (AI du 17/11/21).
Encore selon les experts onusiens, Meckassoua espérait, en cas de succès de la CPC, prendre la tête d’un gouvernement de transition. Si l’intéressé l’a démenti, les accusations portées par le rapport ont suffi à justifier sa récente destitution de député par la cour constitutionnelle.
Avec Africa Intelligence