Que vaut réellement la Constitution du 30 août 2023 face aux accords avec les rebelles ?

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Que vaut réellement la Constitution du 30 août 2023 face aux accords avec les rebelles ?

 

Que vaut réellement la Constitution du 30 août 2023 face aux accords avec les rebelles ?
Les deux chefs rebelles, Sembé Bobo à gauche et Ali Darassa à droite lors de leur arrivée à Bangui pour la fête de l’accord de paix avec Touadera

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 La Constitution de 2023 sanctionne les rebelles mais le gouvernement continue de négocier avec eux. Mais que vaut réellement cette Constitution illégitime du 30 août 2023 face aux accords avec les rebelles ?

 

La Constitution centrafricaine du 30 août 2023, initiée par le groupe russe Wagner et imposée aux centrafricains,  pose un paradoxe juridique inédit. D’un côté, elle sanctionne sévèrement les auteurs de coups d’État et de rébellions. De l’autre, le gouvernement Touadéra continue de signer des accords avec les chefs rebelles, leur offrant des postes ministériels et une intégration dans les forces armées.

 

L’article 5 de cette fameuse Constitution établit un principe d’exclusion sans appel : “Les auteurs et les complices des actes visés aux alinéas ci-dessus sont interdits d’exercer toute fonction publique dans les Institutions de l’État”. Cette disposition vise explicitement ceux qui organisent des “coups d’État, rébellions, mutineries ou tout autre procédé non démocratique”. Le texte va plus loin en précisant que “toute personne physique ou morale qui organise des actions de soutien” à ces actes est considérée comme “co-auteur”.

 

Pourtant, depuis 2019, Bangui multiplie les accords avec les groupes armés. L’Accord politique pour la paix et la réconciliation (APPR-RCA) signé à Khartoum le 6 février 2019 intègre les responsables des groupes rebelles dans l’appareil étatique. On pense évidemment à Hassan Bouba. Le gouvernement leur offre des postes ministériels, des grades dans l’armée et une amnistie de facto.

 

Plus récemment, le 19 avril 2025, un nouvel accord a été signé à N’Djamena avec les groupes 3R et UPC. Ces deux factions, dirigées respectivement par Oumar Abdel Kader alias Sembé Bobo et Ali Darassa, ont obtenu, selon cet accord,  chacune deux postes ministériels. Ali Darassa, chef de l’Unité pour la paix en Centrafrique, figure pourtant sur la liste des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies depuis décembre 2021 pour violations des droits humains.

 

Cette contradiction juridique devient encore plus claire quand on examine le parcours de ces hommes. Ali Darassa a fondé l’UPC en 2014 après avoir quitté la Seleka. Son mouvement s’est rendu responsable de nombreuses exactions contre les populations civiles. En décembre 2020, il a même créé avec d’autres chefs rebelles la Coalition des patriotes pour le changement (CPC).

 

Le leader des 3R, Oumar Abdel Kader, n’est pas en reste. Son groupe, issu de la lutte contre les miliciens anti-balaka, contrôle une partie de l’ouest du pays depuis plusieurs années. Ses combattants se sont également rendus coupables d’exactions contre les civils, particulièrement dans les préfectures de l’Ouham, la Nana-Mambéré, la Lim-Pendé,  et de l’Ouham-Pendé.

 

La Constitution de 2023 prévoit pourtant des sanctions exemplaires. L’article 61 impose à “tout Centrafricain” le “devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force”. Cette disposition crée une obligation citoyenne de résistance aux putschistes et rebelles. Plus loin, l’article 183 réserve les fonctions électives aux seuls “Centrafricains d’origine”, excluant de facto les binationaux.

 

La nationalité de ces chefs rebelles pose d’ailleurs question. Beaucoup sont soupçonnés de détenir des passeports étrangers, notamment tchadiens. Ali Darassa lui-même aurait des origines tchadiennes, ce qui rendrait son intégration dans l’appareil étatique contraire aux nouvelles dispositions constitutionnelles.

 

Cette situation créé un précédent dangereux. En négociant avec les rebelles malgré les interdictions constitutionnelles, le gouvernement Touadéra valide l’idée que la violence armée reste un moyen légitime d’accéder au pouvoir. Cette logique contredit l’esprit même de la Constitution qui vise à bannir les coups de force.

 

L’accord du 19 avril 2025 prévoit l’intégration de plus de 500 combattants de l’UPC dans les Forces armées centrafricaines (FACA). Cette décision viole frontalement l’article 4 de la Constitution qui stipule que “les Forces de Défense et de Sécurité sont composées exclusivement de citoyens centrafricains”. Comment justifier l’intégration de combattants dont la nationalité centrafricaine n’est pas établie ?

 

La cérémonie du 10 juillet 2025 à Bangui, où Ali Darassa et Sembé Bobo ont symboliquement déposé leurs armes, ressemble à un théâtre politique. Ces mêmes hommes avaient déjà signé l’accord de Khartoum en 2019 avant de reprendre les armes quelques mois plus tard. Cette récidive devrait logiquement les exclure définitivement des institutions selon la Constitution.

 

L’opposition centrafricaine dénonce cette contradiction. Paul Crescent Beninga, porte-parole du Groupe de travail de la société civile, s’interroge : “Quel est le message du gouvernement, surtout quand il s’agit d’individus étrangers ? C’est incompréhensible lorsqu’on continue de promouvoir ceux qui détiennent des armes”.

 

Cette politique d’intégration systématique des rebelles crée une incitation perverse. Elle encourage d’autres groupes à prendre les armes pour obtenir des concessions politiques. Le cas du RPRC (Rassemblement patriotique pour le renouveau centrafricain) qui réclame actuellement son intégration dans l’armée nationale en est l’illustration parfaite.

 

La Constitution de 2023 devient ainsi un texte sans effet réel. Ses dispositions les plus fermes contre les rebelles sont systématiquement contournées par des accords politiques. Cette pratique vide le texte fondamental de sa substance et perpétue l’instabilité chronique du pays.

 

À quelques mois des élections de décembre 2025, cette contradiction juridique pose un problème de crédibilité. Comment organiser des scrutins transparents quand les mêmes hommes qui ont tenté d’empêcher les élections de 2020 siègent désormais au gouvernement ? Cette situation illustre la fragilité persistante de l’État centrafricain, incapable de faire respecter sa propre Constitution….

 

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