Polémique autour de Tabaski 2025 : Quand la distribution de la viande pourrie divise les musulmans centrafricains

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Polémique autour de Tabaski 2025 : Quand la distribution de la viande pourrie divise les musulmans centrafricains

 

Les carcasses de viande envoyées à Bambari par Bangui pour la fête de Tabaski 2025
Les carcasses de viande envoyées à Bambari par Bangui pour la fête de Tabaski 2025

 

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 La fête de Tabaski, célébrée chaque 5 juin selon le calendrier lunaire, vient de connaître une édition 2025 particulièrement amère en République centrafricaine. À Bambari, l’arrivée d’un stock de viande bovine avariée  en provenance de la capitale  pour la distribution aux familles musulmanes a provoqué un tollé qui dépasse les simples questions sanitaires pour toucher au cœur des traditions religieuses du pays.

 

Quand la tradition rencontre la modernité

 

Depuis que notre pays a retrouvé son indépendance, nos dirigeants successifs avaient compris une chose simple : pour Tabaski, on donne des moutons vivants aux mosquées. David Dacko l’avait fait, Bokassa aussi malgré ses excès, Kolingba, Patassé, Bozizé, même Djotodia et Samba-Panza ont respecté cette règle d’or.

 

Le principe était adapté comme un vieux moteur de Toyota. Chaque année par exemple,  l’État ou des organisations achetaient des moutons en bonne santé, les amenaient aux mosquées centrales, et chaque imam se chargeait de la répartition dans son quartier. Les familles recevaient leur bête, l’abattaient selon les règles coraniques, et tout le monde était content.

 

Pour les bœufs, c’était différent. Réservés aux grandes occasions nationales du 13 août et 1er décembre, ils arrivaient aussi vivants. Parfois, nos frères libyens ou soudanais envoyaient des dons via leurs ambassades. Même procédure : coordination par les mosquées, distribution équitable, respect des traditions.

 

Le tournant de 2025

 

Cette année, le régime a décidé de changer la donne. Le 3 juin au matin, plusieurs bœufs ont été abattus dans les abattoirs de la capitale Bangui. Jusque-là, rien d’anormal. Mais voilà où le bât blesse : au lieu d’attendre le même jour pour abattre ces bœufs et distribuer les viandes sur place, les auteurs préfèrent le faire plusieurs jours avant et commencer à évacuer ces carcasses dans des camions ordinaires, direction l’intérieur du pays.

 

Bambari, située à plus de 380 kilomètres de la capitale, était l’une des destinations. Par cette chaleur de juin, avec nos routes qui ne pardonnent pas, le voyage a duré 24 heures. Vingt-quatre heures sans un seul glaçon, sans la moindre réfrigération.

 

Quand les camions sont arrivés le 6 juin, le spectacle était navrant. La viande, qui devait nourrir des familles musulmanes de la ville, grouillait de mouches. L’odeur, racontent les témoins, se sentait à plusieurs mètres. Des photos ont circulé sur WhatsApp, puis sur Facebook. Le scandale était né.

 

Bambari se révolte

 

La communauté musulmane de Bambari n’a pas avalé la pilule. Ces gens-là ont l’habitude d’envoyer des bœufs à Bangui. Ils se sont sentis méprisés.

 

“Nos frères musulmans de Bangui veulent nous faire un don avec des carcasses, mais sans précaution, tout est pourri”, a expliqué un fidèle musulman de Bambari sur les réseaux sociaux. “J’ai filmé pour vous montrer”, a-t-il ajouté, avec cette amertume qu’on entend souvent chez nous quand l’injustice frappe.

 

D’après ce fidèle musulman, les autorités préfectorales ont réagi vite. Interdiction formelle de consommer cette viande. Trop risqué pour la santé publique. Imaginez des familles qui attendent ce moment de partage, et qui découvrent qu’on leur envoie de la viande avariée.

Polémique autour de Tabaski 2025

 

Les leaders religieux sortent de leurs gonds

 

Rator, le président du comité islamique centrafricain, a piqué une colère mémorable. “Ce n’est pas possible ! La viande envoyée à Bambari est pourrie, celle distribuée à Bangui aussi, tout est incroyable”.

 

Il a interpellé directement le sommet de l’État : “J’interpelle le président Touadéra, le premier ministre, le ministre de l’élevage et le directeur de l’abattoir : ça doit s’arrêter cette année. Et c’est la dernière fois ”.

 

Mais Rator n’a pas épargné certains responsables musulmans : “Nos frères formés en Turquie et les ONG musulmanes manipulent tout. Il faut qu’ils nous respectent !”.

 

Cette sortie a fait grincer des dents dans la communauté. Un autre musulman lui a répondu cash : “Rator est fâché, mais c’est lui qui a vendu l’âme de l’islam au régime, rendant le comité islamique un jouet pour les autorités”.

 

Denise Madina Duekoe, une femme qui dit ses quatre vérités

 

Denise Madina Duekoe, une figure de la communauté musulmane de Centrafrique, a prononcé des mots qui font mal : “Le gouvernement, connaissant parfaitement la faiblesse des musulmans, les humilie aisément. Cette viande, on ne sait pas, elle  pourrait être empoisonnée”.

 

Elle a donné une leçon de logistique élémentaire : “Avec des camions frigorifiques, les cuisses devraient être accrochées aux panneaux internes sur des crochets, pas jetées au sol avec du sang et des mouches partout ”.

 

Puis elle a rappelé l’évidence : “Depuis l’indépendance de notre pays, on offrait des moutons vivants, pas des carcasses des bœufs abattus  dans des conditions peu fiables. C’est une insulte  à notre communauté!”, explique-t-elle.

 

Au-delà de la viande pourrie

 

Cette affaire dévoile aux yeux du monde des fractures profondes. D’abord, un problème de gouvernance. Comment peut-on organiser une distribution alimentaire sans respecter les règles de base du transport de denrées périssables ? Nos grand-mères du village savent qu’on ne transporte pas de viande fraîche sous le soleil de 40° sans précaution, comme l’a expliqué Denise Madina.

 

Ensuite, une rupture avec nos traditions. Pendant des décennies, le système marchait. Pourquoi le changer ? Qui a pris cette décision ? Sur quels conseils ?

 

En effet, la fête de Tabaski, c’est plus qu’une fête. C’est un moment de partage, de solidarité, de communion avec le Très-Haut. Quand Abraham a accepté de sacrifier son fils Isaac, puis qu’Allah lui a envoyé un bélier, c’était pour enseigner l’obéissance et la générosité.

 

Nos anciens l’avaient compris. Ils respectaient cette tradition en donnant des animaux vivants. Pas de complications, pas de risques sanitaires, pas d’humiliation.

 

Comme explique Denise Madina, aujourd’hui, avec nos moyens techniques, on peut faire mieux. Si on veut absolument distribuer de la viande abattue, qu’on respecte la chaîne du froid. Si on n’a pas les moyens, qu’on revienne aux moutons vivants.

 

Cette polémique de Tabaski 2025 ne devrait pas se reproduire. Les musulmans centrafricains, qui représentent une partie importante de notre population, méritent qu’on respecte leur foi et leur dignité. C’est aussi simple que ça.

 

L’État centrafricain doit tirer les leçons de cette affaire. Consulter les leaders religieux avant d’organiser ce genre de distribution. Respecter les traditions qui marchent. Et surtout, ne jamais oublier que derrière chaque famille qui attend sa part de viande de Tabaski, il y a des citoyens qui méritent qu’on les traite avec respect….

 

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