Le Covid-19 pourrait faire resurgir d’autres maladies mortelles | DW | 22.04.2020
Bangui ( République centrafricaine ) – La pandémie de Covid-19 va-t-elle entraîner la résurgence d’autres maladies mortelles ? C’est la question posée par l’Alliance du vaccin (Gavi). L’apparition du coronavirus suscite en effet une grande mobilisation de ressources y compris celles devant aller normalement à la lutte contre des maladies comme la rougeole, le choléra, le paludisme ou la fièvre Lassa, s’alarme cette organisation.
Des statistiques montrent que le risque est plus élevé dans les pays les plus pauvres du monde.
Des campagnes de vaccination reportées
Ainsi, plus de 13 millions de personnes ne bénéficieraient pas de vaccins vitaux en raison des perturbations causées par la pandémie de coronavirus.
L’Alliance du vaccin est une organisation qui regroupe des gouvernements et des acteurs non-étatiques. Selon elle, 14 campagnes de vaccination majeures ciblant la polio, la rougeole, le choléra, la méningite et d’autres maladies ont déjà été reportées.
Un pays comme la République démocratique du Congo (RDC) fait actuellement face à la pire épidémie de rougeole au monde, indique Gavi : plus de 300.000 personnes infectées pour plus de 6.000 décès.
Félix Kabangue, ancien ministre de la Santé en RDC et actuellement député national salue la “flexibilité de Gavi” face à la réduction des moyens et met en garde contre les conséquences d’une crise de financement des activités l’organisation.
“Juste après la pandémie de Covid-19, il y aura une flambée d’épidémies à travers différents pays”, alerte l’ancien ministre de la Santé.
Pour lui, “avec 25 morts de coronavirus et 6.000 morts d’enfants de zéro à cinq ans, c’est 300 fois plus de décès de rougeole. Il y a des pays qui sont en voie d’introduire les nouveaux vaccins qui seront bloqués ! Le vaccin contre les pneumocoques, contre le cancer du col de l’utérus, le vaccin contre la rubéole, la méningite. Et il y avait des recherches qui étaient en train d’être faites contre le paludisme”.
Un avis que partage le Docteur Benoît Kebela Ilunga, membre du secrétariat technique du Comité multisectoriel de la riposte à la maladie à virus Ebola en RDC. Selon lui “la rougeole tue des enfants alors qu’ils sont l’avenir de demain”.
En 2019, des actions contre le paludisme avaient démarré avant l’apparition du Covid-19
Mise en garde de l’OMS
En attendant le futur vaccin contre le Covid-19, “il faut s’assurer que les gens sont protégés contre des maladies pour lesquelles un vaccin existe”, recommande l’Organisation mondiale de la santé.
Mais le professeur Dorothée Gazard, Chef de service du laboratoire de microbiologie au grand hôpital de Cotonou (CNHU), pense que la situation n’est pas aussi alarmante.
“La plupart des pays ont un plan annuel de travail et beaucoup de choses étaient déjà enclenchées au premier trimestre 2019 avant que le Covid-19 ne nous tombe dessus”, rassure l’ancienne ministre de la Santé au Bénin.
Sur le plan de la lutte contre le paludisme notamment, “le Bénin a déjà commencé la distribution des moustiquaires imprégnées”, renseigne le Professeur Dorothée Gazard qui explique que compte tenu des mesures de précaution en vigueur contre le Covid-19, “les distributeurs (de moustiquaires) font du porte-à-porte”.
A Madagascar, un enfant vacciné contre la rougeole (Archives – 26.03.2019)
Pareil pour la rougeole et la fièvre de Lassa : les pays adaptent leur stratégie selon Dorothée Gazard.
Les hôpitaux désertés
La spécialiste en parasitologie-mycologie admet toutefois un autre problème qui se pose : les malades désertent les hôpitaux et centres de santé, par peur d’une éventuelle contamination au Covid-19.
“Je n’ai pas de statistiques à vous donner mais les gens craignent de contracter le Covid-19 en milieu hospitalier, ça c’est une réalité”, indique-t-elle.
Lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014, les patients tendaient à fuir les dispensaires et même les maternités étaient désertées.
Avec DW français