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La justice centrafricaine : Quand les gardiens du droit deviennent prisonniers du système

La justice centrafricaine : Quand les gardiens du droit deviennent prisonniers du système

le-procureur-de-la-cc-2018-Rock-Alfred-Ngoumbré-Yapéndé-IMG_19janv2018085832 Centrafrique : tentative d'enlèvement du Président du tribunal de grande instance de Birao par des hommes armés.
Le magistrat Rock Alfred Ngoumbré

 

 

La justice centrafricaine : chronique d’une institution sacrifiée sur l’autel du pouvoir

 

Bangui, CNC. Le 15 mars 2022, dans une salle d’audience de Bangui, un magistrat rend un jugement les mains tremblantes. Non pas de peur, mais de honte. Il vient d’acquitter un puissant délinquant financier dont la culpabilité ne fait aucun doute. “Les pressions étaient trop fortes”, confiera-t-il plus tard à ses proches. Cette scène, rapportée par Élie OUEIFIO dans son ouvrage “La RCA doit-elle toujours dépendre des autres ?” (août 2024), illustre le drame quotidien de la justice centrafricaine ligotée, bâillonnée, et transformée en instrument au service des puissants.

 

L’héritage perdu d’une justice centrafricaine  respectée

 

Les fondations solides (1960-1974)

À l’indépendance, la justice centrafricaine s’était construite sur des bases prometteuses :

– Des magistrats rigoureusement formés

– Une indépendance farouchement défendue

– Des décisions respectées et appliquées

– Une réputation d’intégrité

 

OUEIFIO rappelle : “Nos premiers magistrats étaient des monuments d’intégrité. Leur parole valait de l’or, et même les chefs d’État redoutaient leurs jugements.”

Eric Didier Tambo - Procureur Général près la Cour d'Appel de Bangui - crédit photo cédric gwa gomba le 20 janvier 2020 Eric-Didier-Tambo-Procureur-Général-près-la-Cour-dAppel-de-Bangui-crédit-photo-cédric-gwa-gomba-le-20-janvier-2020 RCA : Le parquet général brandit des preuves qui accablent les auteurs des crimes de Bangassou
Le magistrat Eric Didier Tambo

 

Le démantèlement programmé d’une institution (1974-2000)

 

La mainmise politique

La dégradation s’est installée progressivement :

– Nominations politiques aux postes clés

– Interventions directes dans les dossiers sensibles

– Manipulation des affectations des magistrats

– Corruption institutionnalisée

 

“Un jour,” raconte un ancien président de tribunal cité par OUEIFIO, “j’ai reçu un appel d’un ministre me dictant le jugement à rendre. Quand j’ai refusé, j’ai été muté le lendemain dans une zone de conflit. C’était le message envoyé à tous les magistrats intègres.”

 

L’effondrement des moyens

La justice centrafricaine a été méthodiquement asphyxiée :

– Tribunaux sans équipements basiques

– Archives judiciaires abandonnées aux intempéries

– Magistrats travaillant sans code juridique à jour

– Greffiers sans matériel de travail

 

Le chaos judiciaire actuel

 

Une justice centrafricaine  à deux vitesses

Le système s’est complètement perverti :

– Dossiers des puissants “mystérieusement” égarés

– Petits délinquants croupissant en prison sans jugement

– Décisions de justice monnayées au plus offrant

– Impunité totale pour les crimes économiques

 

La prison : Reflet d’un système malade

La situation carcérale est apocalyptique :

– Surpopulation dramatique (800 détenus pour 100 places)

– Mélange de prévenus et de condamnés

– Conditions inhumaines de détention

– Évasions régulières

 

Les conséquences sur la société

 

La perte de confiance

Le peuple a totalement perdu foi en sa justice :

– Recours à la justice populaire

– Développement des règlements de compte

– Méfiance généralisée envers les institutions

– Sentiment d’impunité généralisé

 

Le règne de la force

Dans ce vide juridique, la loi du plus fort s’impose :

– Multiplication des milices privées

– Justice parallèle des groupes armés

– Zones de non-droit

– Vengeances en chaîne

 

L’impact sur le développement

 

Le frein économique

L’absence de justice centrafricaine  fiable paralyse l’économie :

– Investisseurs étrangers découragés

– Contrats non respectés

– Litiges commerciaux insolubles

– Climat des affaires délétère

 

La déstructuration sociale

La société toute entière est affectée :

– Perte des repères moraux

– Normalisation de la corruption

– Désocialisation de la jeunesse

– Destruction du tissu social

 

Les tentatives de réforme de la justice centrafricaine

 

Les initiatives avortées

Plusieurs réformes ont échoué :

– Programmes internationaux sans suivi

– Formations sans application pratique

– Équipements livrés puis abandonnés

– Textes votés jamais appliqués

 

Les résistances au changement

Les obstacles sont nombreux :

– Intérêts établis

– Réseaux de corruption

– Pressions politiques

– Manque de volonté réelle

 

Les solutions proposées par OUEIFIO

 

Réformes structurelles urgentes de la justice centrafricaine

Des mesures concrètes :

– Sanctuarisation du budget de la justice

– Protection statutaire des magistrats

– Informatisation des procédures

– Formation continue obligatoire

 

Restauration de l’indépendance

Des actions décisives :

– Dépolitisation des nominations

– Création d’un conseil supérieur autonome

– Garanties constitutionnelles renforcées

– Protection effective des magistrats

 

La dimension internationale

 

La justice pénale internationale

Un complément nécessaire :

– Cour pénale spéciale

– Collaboration internationale

– Formation des magistrats

– Appui technique

 

La coopération régionale

Des synergies à développer :

– Échanges d’expériences

– Formations communes

– Entraide judiciaire

– Harmonisation des pratiques

 

Reconstruire pour survivre

 

La reconstruction d’une justice centrafricaine  indépendante et efficace est vitale pour la RCA. Elle nécessite :

– Un engagement politique fort

– Des moyens adéquats

– Une protection des magistrats

– Une adhésion populaire

 

Comme le conclut OUEIFIO : “Sans une justice centrafricaine  forte et indépendante, tous les autres efforts de reconstruction nationale sont voués à l’échec. La justice n’est pas un luxe, c’est le fondement même de notre survie en tant que nation.”

 

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