La Centrafrique sur les pas de la Corée du Nord

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Plus vaste que la tyrannie de Bokassa, une dictature hors norme prend forme à Bangui. Dans un ciel jaunâtre, les banderoles de Touadéra envahissent chaque coin, de Gobongo à l’avenue du 15 mars, imposant une présence écrasante bien avant le calendrier électoral officiel.
Pour un étranger foulant le sol de Bangui pour la première fois, tout commence à la descente de l’avion à l’aéroport de Bangui – M’Poko. L’air, épais et jaune de poussière, pique les narines avec une odeur étrange, un mélange de brûlé et de chaleur lourde. Mais quand la personne quitte l’aéroport, à peine 300 mètres plus loin, un premier croisement surgit, et déjà, les banderoles apparaissent : des portraits imposants de Faustin-Archange Touadéra, tendus entre les poteaux, fixant le nouvel arrivant de leurs couleurs.
Environ 150 mètres après, le marché Combattant se dessine. Là, les effigies s’entassent, accrochées aux étals ou suspendues au-dessus des allées, leurs slogans vantant un pouvoir incontournable. À un kilomètre de plus, le croisement du huitième arrondissement marque une nouvelle étape : d’autres affiches, plus grandes encore, dominent l’intersection. Huit cents mètres plus loin, le croisement Marabéna s’impose avec une effigie géante, presque théâtrale, encadrée de tissus claquant au vent.
La route se poursuit alors sur l’avenue des Martyrs, une ancienne piste de l’aéroport qui mène, en deux kilomètres, au cœur de la capitale. Tout du long, les banderoles s’enchaînent, ponctuant chaque virage, chaque bout de chaussée cabossée. Arrivé au centre-ville via l’avenue Boganda, près de la cathédrale. Mais ce n’est pas tout! Le spectacle se poursuit sur une voie parallèle : l’avenue de l’Indépendance. Là encore, les portraits de Touadéra s’alignent, implacables. Puis, en suivant l’avenue du 15 mars vers la route de Damara, la montée vers PK12 offre le même spectacle : une litanie d’images, de Gobongo jusqu’aux PK11 en passant par pk10, sans répit.
Ce trajet, qui serpente à travers la capitale, ne laisse aucune place au doute. À plusieurs mois des élections groupées, la campagne bat son plein, défiant la Constitution que Touadéra a lui-même fabriqué. Les meetings résonnent dans les quartiers, les haut-parleurs crachent des discours, et les radios diffusent des spots incessants. À la télévision, les images du président s’enchaînent, tandis que les journalistes, souvent jeunes et peu familiers des années Bokassa, observent en silence, pris entre stupeur et nécessité de gagner leur vie.
Pour les habitants, cette saturation n’est pas qu’un décor. Dans un pays où 80 % de la population n’a pas connu les parades sanglantes de l’ancien régime, elle évoque des dictatures plus lointaines : la Corée du Nord ou à la cubaine de Castro. Les aînés, eux, parlent d’un phénomène qui dépasse Bokassa : une emprise totale, qui s’étend des murs aux ondes, dans un pays encore fragilisé par des décennies de chaos.
Rappelons que les élections groupées, prévues fin décembre 2025, sont déjà au cœur d’une tension palpable. L’opposition, de plus en plus vocale, brandit la menace d’un boycott si aucun dialogue n’est ouvert avec le président. Mais Touadéra reste sourd à ces appels. Les oreilles fermées, il poursuit sa marche, laissant entendre que le scrutin se jouera quoi qu’il arrive. Un expert centrafricain, Bernard Selemby Doudou, n’hésite pas à qualifier l’affaire d’”élections au guichet fermé” : le résultat semble scellé, le score prédéterminé, comme si les urnes n’étaient qu’une formalité.
Cette assurance tranche avec l’agitation ambiante. Les meetings, les spots radiophoniques, les banderoles : tout ce déploiement ressemble à une mise en scène coûteuse pour un dénouement déjà écrit. Dans les rues de Bangui, certains habitants s’interrogent à voix basse : pourquoi tant d’efforts, tant de bruit, si le sort est joué d’avance ? La réponse pointe vers un enjeu plus large. Touadéra, après deux mandats, s’accroche à un troisième, un objectif que la nouvelle Constitution, taillée sur mesure, lui permet de viser. Ce n’est plus une simple réélection, mais une consolidation d’un pouvoir qui s’éternise.
Le contraste avec le reste du continent est net. Là où des régimes comme ceux du Cameroun ou du Congo Brazzaville s’appuient sur des scrutins truqués dans l’ombre, ici, tout se fait en pleine lumière, avec une ostentation presque provocante. Les opposants, marginalisés, peinent à mobiliser face à cette machine. Les journalistes, eux, rapportent les faits avec une retenue forcée, coincés entre leur rôle et la pression implicite. Certains, dans les rédactions, évoquent un pays qui avance vers un mur, mais dont la chute reste imprévisible.
Car si le président sait que les regards africains et internationaux scrutent ses choix, il mise sur une certitude : le temps joue en sa faveur. Les affiches, les slogans, les cortèges bruyants ne sont pas là pour convaincre, mais pour imposer une réalité. Pourtant, dans les marchés ou les taxis-motos, une idée circule, discrète mais tenace : même ce règne, aussi écrasant soit-il, finira un jour. Reste à savoir quand, et à quel prix….
CONTACTER CORBEAU NEWS CENTRAFRIQUE
Tel/ WhatsApp : +236 75 72 18 21
Email: corbeaunewscentrafrique@gmail.com
Rejoignez notre communauté
Chaine officielle du CNC
Invitation à suivre la chaine du CNC
Note : les deux premiers groupes sont réservés uniquement aux publications officielles du CNC