Kaga-Bandoro : le silence assourdissant des femmes violées
Par la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique.
À la lisière de Kaga-Bandoro, Pulchérie marche tous les jours devant la maison de son bourreau. Trois ans après son viol, son agresseur la salue encore, un sourire narquois aux lèvres. “Il sait que ma plainte dort quelque part dans un tiroir du tribunal”, souffle-t-elle. “Ici, le viol d’une femme fait moins de bruit qu’une chèvre volée.”
Le district sanitaire de la ville est devenu le témoin muet de ces horreurs. “Chaque semaine, nous recevons au moins cinq victimes de viol”, confie l’infirmière Marie-Josée, la voix lasse. “Des femmes, des adolescentes, parfois même des fillettes. Certaines arrivent en sang, d’autres attendent des mois avant d’oser venir. Nous soignons les corps, mais qui soignera leurs âmes ?”
Les récits se ressemblent tragiquement. Clarisse, 32 ans, a été agressée dans son champ. Adeline, 19 ans, sur le chemin du marché. Béatrice, 45 ans, dans sa propre maison. “Les hommes armés entrent comme si c’était normal”, raconte cette dernière. “Ils prennent ce qu’ils veulent. Ton corps ne t’appartient plus“.
Le tribunal de Kaga-Bandoro fonctionne au ralenti, avec des juges intérimaires débordés. “Les dossiers s’entassent”, admet un greffier sous couvert d’anonymat. “Quand une femme vient porter plainte, on prend sa déposition, mais après… C’est comme jeter une pierre dans un puits sans fond.”
Plus révoltant encore : les arrangements à l’amiable. “Les familles des violeurs proposent de l’argent”, explique Maître Honorine, une avocate. “Parfois, ce sont les chefs de quartier qui font pression pour ‘arranger’ l’affaire. 100.000 francs CFA pour acheter le silence d’une femme détruite. C’est le tarif de la dignité ici“.
Dans son petit bureau, Mama Florence reçoit ces femmes brisées. Responsable d’une association locale, elle tente de les accompagner, de les soutenir. “Beaucoup ne parlent pas français”, explique-t-elle. “Elles ne connaissent pas leurs droits. Quand elles arrivent au tribunal, on les renvoie parce qu’elles n’ont pas les bons papiers. C’est un cercle vicieux de désespoir.”
Les séquelles sont profondes. Jeanne, violée il y a cinq ans, ne dort plus sans lumière. Sarah a perdu son mari qui l’a répudiée après son viol. Marie-Claire est tombée enceinte de son agresseur. “Mon enfant aura bientôt quatre ans”, dit-elle doucement. “Chaque fois que je le regarde, je revis cette nuit-là. Mais je l’aime quand même. Ce n’est pas sa faute.”
À la nuit tombée, Kaga-Bandoro devient une ville fantôme. Les femmes se barricadent, les rues se vident. Dans le silence de la nuit, seuls les chiens errants et les cauchemars des survivantes continuent leur ronde sans fin. En attendant une justice qui ne vient pas, qui ne viendra peut-être jamais.
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