A la faveur de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine récolte les premiers fruits du retour
Rédigé par l’Express avec AFP
Publié par Corbeaunews Centrafrique (CNC), le 17 avril 2022
Bangui (CNC) – En ce début de mars, le soleil brille sur les fontaines dorées du somptueux palais de Peterhof, aux abords de Saint-Pétersbourg. A l’heure où les bombes pleuvent sur l’Ukraine, le “Versailles russe”, ancienne résidence de Pierre le Grand, accueille une touriste de marque. Duduzile Zuma, la fille de l’ex-président sud-africain Jacob Zuma, prend la pose, incognito.
de la Russie sur le continent.
Lunettes de soleil sur le nez, la jeune femme fait de la main gauche le V de la victoire. Son selfie, assorti du hashtag #IStandWithRussia (JeSuisAvecLaRussie) et du drapeau russe, sera partagé sur Twitter à ses 200 000 abonnés. Une publicité clefs en main pour Vladimir Poutine, ni plus ni moins que “le président du monde”, d’après la fille Zuma.
D’autres internautes africains voient en lui un “héros”, défenseur des opprimés contre “l’Ouest” colonisateur. “Deux hashtags ont émergé sur les réseaux sociaux aux premières heures de la guerre, explique le chercheur britannique Carl Miller, coauteur d’une étude sur le sujet pour le Centre for the Analysis of Social Media : #IStandWithRussia et #IStandWithPutin.
Ces messages sont passés sous les radars en Occident, où l’indignation et la sympathie pour l’Ukraine dominent. Mais lorsque nous avons commencé nos recherches, un tout autre monde s’est ouvert sous nos yeux.”
Dans cette réalité parallèle, des commentaires prorusses se mêlent à des critiques de “l’hypocrisie” et des “doubles standards” des Occidentaux et à des photos – bidon – de Poutine en treillis aux côtés de leaders indépendantistes africains. Des contenus relayés par de vrais comptes, des profils suspects et de fausses identités. Un indice, selon Carl Miller, d’une vaste opération d’influence russe ciblant les pays du Sud. Dans le viseur, l’Afrique, un continent convoité depuis une dizaine d’années par Moscou, en quête de nouveaux alliés et de marchés alternatifs.
“L’Afrique a pris une importance capitale dès les années 2010 dans la stratégie de Poutine visant à rectifier les frontières de son Etat, rappelle Arnaud Kalika, directeur du séminaire Russie au Conservatoire national des arts et métiers. A l’époque déjà, le président russe anticipe les sanctions occidentales et cherche des plans B.”
L’annexion de la Crimée, en 2014, a un effet d’accélérateur. L’envoyé spécial pour l’Afrique, Mikhaïl Bogdanov, s’y rend 50 fois de 2014 à 2019 ; les oligarques russes se bousculent dans les palais présidentiels. Le VRP officieux de Poutine, Evgueni Prigogine, multiplie les allers-retours pour vendre les services des paramilitaires de Wagner et infiltrer au passage les médias locaux pour influencer une élection – à Madagascar, par exemple – ou diffuser, en Centrafrique ou au Mali, une petite musique antifrançaise.
Blé, coopération militaire…
A la faveur de la guerre en Ukraine, le maître du Kremlin compte aujourd’hui les points marqués. Une première indication tombe le 2 mars, lors du vote d’une résolution à l’Assemblée générale de l’ONU dénonçant “l’agression contre l’Ukraine”. Sur les 54 Etats africains, 17 s’abstiennent ; une dizaine n’assiste pas au vote. La douche froide pour les Occidentaux. “On a fait du forcing auprès de plusieurs pays pour qu’ils votent pour. Au bout du compte, on n’atteint même pas la moyenne !, grince un proche d’Emmanuel Macron. Ils se demandent ce qu’ils ont à gagner et à perdre…”
De fait, la cartographie des abstentionnistes – qui revendiquent leur neutralité, dans la tradition des non-alignés – se rapporte en partie aux amitiés nouées avec Moscou. Il faut dire que le Kremlin a pris soin de cibler des secteurs stratégiques ces dernières années, à l’instar du blé. De 2018 à 2020, l’Afrique en a importé de Russie pour 3,7 milliards de dollars, soit 32 % du total des importations de cette céréale.
Mais le produit phare du “catalogue” Poutine demeure la coopération militaire. Près de la moitié des Etats du continent ont conclu un accord avec le Kremlin. L’Algérie est son premier client, qui a doublé ses dépenses militaires depuis 2010. “L’Europe a donc à sa frontière sud un pays dont tout le système sécuritaire est tenu par les Russes”, résume notre source.
Des miliers de tonnes d’or
Ce n’est pas tout. En marge des partenariats officiels, la société militaire privée Wagner a elle aussi séduit des Etats faillis. Les dirigeants du Mali, de la République centrafricaine et du Soudan comptent désormais sur ces mercenaires, sorte de garde prétorienne, pour conserver le pouvoir. Et ils ont acquis ces “petits hommes verts” en échange de concessions minières et aurifères. De quoi renflouer les réserves d’or du Kremlin pour s’affranchir du dollar et, le moment venu, faire face aux sanctions économiques.
Mission accomplie, à en croire les données du World Gold Council : les coffres de la Banque centrale russe abritaient, fin 2021, près de 2 300 tonnes d’or… soit cinq fois plus qu’il y a quinze ans ! Le Soudan, troisième producteur du continent, n’y est sans doute pas pour rien. L’homme fort du pays, le général Daglo, aurait lui-même embarqué des lingots dans son dernier vol en direction de Moscou pour une visite officielle le 23 février (à la veille de l’invasion de l’Ukraine), croit savoir l’ancien analyste de la CIA Cameron Hudson, informé par un membre de la délégation.
Pour soigner son image auprès de ses clients africains, la Russie rappelle volontiers les jours heureux soviétiques, quand l’URSS sponsorisait les mouvements de libération nationale. Surtout, elle capitalise sur les rancoeurs à l’égard de l’Occident. “L’Afrique a de la mémoire. Elle se souvient de l’intervention de l’Otan en Libye face à Kadhafi ou de l’invasion en Irak”, glisse Jean-Yves Ollivier, un businessman français intime du président congolais, proche des milieux d’affaires russes.
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