Du nouveau sur le rôle de la France au Rwanda – La Croix
Bangui, le 28 juin 2017.
Par : Lacroix.
Dans un article publié mercredi 28 juin dans la revue XXI, dont il est le co-fondateur, Patrick de Saint-Exupéry révèle ce qu’a découvert un haut fonctionnaire
en lisant les archives françaises sur le conflit au Rwanda.
Qu’y a-t-il de nouveau dans ces archives ?
Le génocide au Rwanda a commencé le 7 avril 1994 après la mort dans un attentat du président Habyarimana. En près de trois mois, des extrémistes hutus
massacrent plus de 800 000 Tutsis et hutus modérés. Du 22 juin au 21 août 1994, la France, qui avait armé et entraîné l’armée rwandaise, lance l’opération
Turquoise dont l’objectif est, plaide-t-elle, de sauver des Tutsis. Mais la France est accusée de vouloir protéger le régime génocidaire.
« En 2015, explique le journaliste Patrick de Saint Exupéry, le président Hollande annonce l’ouverture des archives sur le Rwanda. Mais au préalable, deux
hauts fonctionnaires sont chargés de vérifier la nature de celles-ci afin de vérifier ce qu’il y avait dedans. Plusieurs mois plus tard, l’un des deux
fonctionnaires révèle devant un comité restreint que pendant l’opération Turquoise, l’ordre a été donné aux militaires français de réarmer ceux qui viennent
de commettre le génocide » et qui se trouvent au Zaïre.
Le haut fonctionnaire décrit le document avec la note en marge émanant d’Hubert Védrine, alors secrétaire général de l’Élysée. Or, le 17 mai 1994 l’ONU
a décrété un embargo sur les armes au Rwanda, que la France a donc violé.
Pourquoi les politiques, à gauche comme à droite font-ils corps ?
En 1994, la France vit la cohabitation avec un président socialiste et un gouvernement dirigé par Édouard Balladur. Il y a des débats internes entre l’Élysée
et Matignon, « des discussions très rudes », poursuit le journaliste. L’ordre est aussi discuté par certains militaires qui y sont opposés et demandent
à exercer leur droit de retrait.
« Une situation rare mais qui peut se produire, atteste Jean-Paul Perruche, général à la retraite, membre d’Euro-défense France. Le militaire ne fait pas
la politique mais il veut la comprendre. » « Dans cette affaire, les politiques ont placé l’armée en première ligne or, la responsabilité est politique,
les soldats n’y étaient pour rien », ajoute Patrick de Saint Exupéry.
D’autant que la direction des affaires stratégiques de la DGSE avait alerté sur la situation politico-militaire au Rwanda, dans une première note datée
du 4 mai 1994, et dans une seconde note, le 24 février 1995, elle atteste que les politiques en France ne pouvaient pas ignorer ce qui était en cours au
Rwanda.
Ces révélations peuvent-elles relancer ce dossier ?
Patrick de Saint-Exupéry rappelle cette phrase de l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop : « La mémoire d’un génocide est une mémoire paradoxale, plus
le temps passe moins on oublie.