Bangui (République centrafricaine ) – 21 nov. 2019 16:03
En juin 2017, après l’apparition sur Internet d’une vidéo montrant des hommes armés, russophones, torturer un homme en Syrie, des doutes subsistaient. L’enquête publiée mercredi 20 novembre par le journal russe Novaïa Gazeta balaie ces interrogations : les quatre combattants que l’on voit s’acharner sur un homme puis sur son cadavre sont bien des mercenaires de la société militaire privée Wagner ; l’un d’eux a même été identifié nommément par les journalistes.
Les images de 2017 montraient des combattants frapper un homme au sol à coups de masse et de pied. Les bourreaux parlaient et plaisantaient certes en russe, sans accent, mais aucun élément ne permettait de les identifier, aucun visage n’apparaissait face à la caméra.
Au cours du mois de novembre, trois autres vidéos de la même scène ont été mises en ligne, permettant à Novaïa Gazeta de poursuivre son enquête. On y voit les hommes tenter laborieusement, tout en continuant à plaisanter, de couper la tête de la victime avec un couteau. Un autre essaie, en donnant des coups avec le tranchant d’une pelle, de lui couper les bras. « Maniaques », ironise l’un des combattants, quand l’autre conseille : « Laissez-lui les jambes, on va le pendre par les jambes. » La dernière séquence montre la victime accrochée par les pieds, sans tête ni bras, aspergée d’essence et finalement en flammes, sans que cessent les plaisanteries sur le « barbecue » en préparation.
Sur le site pétrolier d’Al-Chaer
Au début de novembre, le site d’opposition syrien Jesr Press, réputé fiable, était parvenu à identifier la victime comme étant Mohammed Taha Ismail Al-Abdoullah, un Syrien né à Deir ez-Zor en 1986, qui avait fui la guerre civile dans son pays avant d’y revenir en 2017, pour être incorporé de force dans l’armée de Bachar Al-Assad. Il aurait tenté de déserter, mais aurait été capturé.
Sur les images, un seul des bourreaux montre brièvement l’intégralité de son visage. En utilisant un programme de reconnaissance faciale, Novaïa Gazeta a trouvé sur les réseaux sociaux russes plusieurs images correspondant à un certain « Stanislav D. » (que les journalistes ne nomment pas, par égard pour sa famille), avant de mettre la main sur une copie de son passeport et, surtout, sur ses documents d’engagement chez Wagner, la plus célèbre des compagnies de mercenaires. Avant cela, l’homme était policier dans la ville russe de Stavropol.
Selon plusieurs sources arabophones, les images auraient été tournées sur le site pétrolier d’Al-Chaer, au nord de Palmyre, ce qui renforce l’hypothèse d’une implication de Wagner. La firme y avait combattu les forces de l’Etat islamique au printemps 2017, selon un contrat rendu public par Associated Press entre Evro Polis, une société paravent de Wagner, et la compagnie syrienne General Petroleum Corp. Celui-ci garantissait aux Russes 25 % des profits du champ pétrolier.
Avec Le monde Afrique