Centrafrique : Séisme politique, N’guendet quitte la majorité présidentielle
Bangui, le 29 avril 2017.
Par: Merveille Inguélé
La première année du mandat de cinq ans du locataire du Palais de la Renaissance n’en finit pas de provoquer des secousses médiatico-politiques. Après les vives critiques acerbes des populations centrafricaines foncièrement contre la célébration fastueuse d’un anniversaire à coups de dizaines de millions de francs CFA ; après les dissensions intestines qui minent les relations entre l’Exécutif et le Législatif ; voilà que nous parviennent des informations de première main et qui sonnent comme une bombe politique.
En effet, à l’issue de réunions tenues secrètes par l’état-major rapproché de Ferdinand Alexandre N’guendet, le Président-Fondateur (PF) du Rassemblement Pour la République (RPR), et organisées alternativement au siège du parti, à l’avenue Ben-Zvi, et à la résidence du PF, il est ressorti que le RPR devrait très prochainement quitter la majorité présidentielle. Cette décision devrait être rendue publique par le comité central du parti dès le lundi 1er mai 2017, à l’occasion de la célébration de la fête du travail. La date ne semble pas avoir été choisie au hasard, la fête du travail pour l’un et l’anniversaire de la première année pour l’autre.
Quelques proches collaborateurs du Président N’guendet que nous avons interrogé, nous ont donné, sous couvert d’anonymat, les raisons de cette fracassante rupture politique avec la sphère de la majorité présidentielle.
La question centrale, au vu de ce que nous dit un des cadres du RPR, semblerait être la profonde divergence de point de vue dans la gestion du dossier de l’insécurité ambiante qui règne dans l’ensemble du pays surtout dans les provinces occupées par les troupes de mercenaires de tout poil qui volent, violent, pillent et tuent sur plus de 60% du territoire national sans réaction véritable du pouvoir en place. L’on se rappelle que le groupe parlementaire du RPR à l’Assemblée Nationale, par la voix de son président l’Honorable Martin Dalou Mboli, député de Zémio, avait déposé une demande d’interpellation du gouvernement pour demander le pourquoi de manque de volonté politique, de ce silence assourdissement face aux exactions que subissent nos compatriotes dans les zones contrôlées et administrées par les criminels de guerre en RCA.
C’est manifestement ce manque de volonté, ce dolorisme et cette atonie face aux mercenaires étrangers durablement installés dans le pays qui auraient eu raison de la patience du Comité Central du RPR, du Cabinet du Président N’guendet et des nombreux militants.
Autre raison invoquée par une source proche du dossier : l’indifférence affichée de l’Exécutif face à la pétition citoyenne lancée le 23 février 2017 par les Forces Vives de la Nation. Une pétition qui, sur le plan national, a recueilli dans neuf préfectures sur seize plus de 700.000 signatures. La conférence de presse organisée le 19 avril 2017 pour présenter les résultats définitifs de la pétition citoyenne avait d’abord été interdite pour par le pouvoir exécutif par la suite l’autoriser à nouveau, non sans avoir déployé un important dispositif policier pour intimider et dissuader militants, partisans, sympathisants et médias venus assistés à ladite conférence de presse.
Nos confrères de la presse écrite nationale n’avaient alors pas manqué de relater les faits et de parler de « dérive autoritaire » voire « dictatoriale » du régime Touadéra comme on pouvait le lire dans Le Démocrate ou encore l’Hirondelle. Tous les observateurs politiques conséquents avec eux-mêmes auront relevé lors de cet incident très grave le manque de sérénité évident des autorités centrafricaines dans la gestion des affaires publiques.
Enfin, il semblerait également que l’absence de concertation, la politique systématique d’exclusion de ceux avec qui le régime a signé des accords politiques, ai fortement contribué à distendre les relations entre les différentes composantes politiques de la mouvance présidentielle. Le nombrilisme d’obédience clanique voire tribale que semble emprunter le régime en place le déconnecte, jour après jour, de la réalité du pays, créant de facto un fossé béant chaque fois un plus grand entre l’Etat et les citoyens. Les nombreuses alertes que les partis politiques constituants la majorité présidentielle, dont le RPR, n’ont pas retenues depuis un an l’attention du Chef de l’Etat et ses thuriféraires qui se murent dans une paranoïa du coup d’Etat. A cette allure, ils finiront très certainement par avoir peur de leur propre ombre.
Les insuffisances, les fragilités, l’amateurisme, les incohérences et l’inconsistance du régime en place à travers les questions cruciales de la sécurité nationale, du respect des accords politiques, de l’écoute nécessaire et de la cogestion pousse de plus en plus les alliés stratégiques du Palais de la Renaissance à se rebiffer pour rejoindre l’opposition démocratique et républicaine.
C’est encore là une très mauvaise nouvelle et un grand coup porté aux sbires de la mouvance présidentielle. Quand on connait le dynamisme naturel du parti du Président N’guendet, dont les militants ont battu campagne sans relâche pour assurer à l’indépendant Touadéra la victoire finale, l’on se dit que les conseiller du locataire du Palais de la Renaissance ont été très mal inspirés en poussant l’ancien Président du CNT dans l’opposition.
Si effectivement, lundi 1er mai 2017, date hautement symbolique, le RPR annonce le divorce politique avec la mouvance présidentielle, ce sera certainement un séisme politique, car définitivement l’échiquier politique sera redessiné et l’équilibre des forces redistribué.
Alors quid des autres alliés de circonstances de Touadéra comme le CRPS, le PATRIE, le MLPC ? Vont-ils lui emboiter le pas ? Cette décision sera-t-elle comme un signal, un chant de ralliement ? Wait and see.
En tous les cas, si le RPR entre dans l’opposition, d’ores et déjà, Touadéra se trouvera face à deux gros calibres que sont N’guendet et Dologuélé. L’on devine assez aisément quel sera l’attitude du titulaire du perchoir de l’Assemblée Nationale qui lui également aurait des raisons d’en vouloir à l’Exécutif qui tente d’asphyxier financièrement l’Assemblée Nationale.
Tout ce week-end les réunions des états-majors des grands partis politiques vont se multiplier pour se positionner par rapport à la nouvelle donne. Il est certain que pour la fête du travail tout le monde aura plus les yeux rivés sur l’avenue Ben-Zvi, siège du RPR, que sur l’avenue des Martyrs où se déroulera le défilé du 1er Mai.