On le voyait venir. Et il est enfin arrivé. Même en exil, l’ancien président centrafricain, Michel Djotodia, puisque c’est de lui qu’il s’agit, avait de l’ascendant sur la Séléka, du nom de cette force coalisée qui l’avait porté au pouvoir en mars 2013. La preuve, s’il en est, l’homme vient d’être reconduit à la tête de ce mouvement à l’issue d’une assemblée générale tenue à Briao, dans le nord de la Centrafrique.
C’est tout dire. Michel Djotodia qui avait fait contre mauvaise fortune bon cœur en abandonnant le pouvoir sous la pression de la communauté internationale, en janvier dernier, nourrit des ambitions de revenir aux affaires. Discret au départ, depuis son arrivée au Bénin où il consacrait la majeure partie de son temps à visiter ses chantiers, Michel Djotodia semble, depuis peu, devenu nostalgique du pouvoir et fait feu de tout bois pour le reconquérir. Sera-t-il l’homme de la situation, c’est-à-dire celui-là qui sortira la Centrafrique de cette crise dans laquelle elle est plongée depuis belle lurette ? Difficile d’y répondre par l’affirmative, ce d’autant que l’homme a fait ses preuves et a montré toutes ses limites. Ce qui avait d’ailleurs valu son éviction du pouvoir au profit de dame Catherine Samba-Panza qui, aujourd’hui, est plus à plaindre qu’à envier.
Du reste, un retour sur scène de Djotodia risque de raviver la rivalité sur fond de haine ethnique et religieuse entre la Séléka et les anti-balaka. Car ces derniers peuvent, à leur tour, faire appel à leur mentor, François Bozizé. Toute chose qui pourra davantage complexifier la situation déjà très tendue et compromettre les efforts de médiation que mène, depuis peu, l’ONG Pareto, en vue d’un accord de paix à Brazzaville, le 21 juillet prochain.
Un retour de Djotodia en RCA créerait plus de problèmes qu’il n’en résoudrait
Et ce n’est pas tout : un probable retour de Djotodia aux commandes pourrait être perçu comme un véritable pied de nez fait à la communauté internationale, mais aussi au président tchadien Idriss Déby Itno qui avait pesé de tout son poids pour que son disgracié poulain quitte le pouvoir. A moins que Djotodia n’ait eu la bénédiction de celui-là qui considère la RCA comme son arrière-cour où, suivant ses humeurs et ses intérêts du moment, il fait et défait les dirigeants centrafricains. Une hypothèse à ne pas écarter dans la mesure où le président Déby vit certainement très mal, la mort dans l’âme, tous ces crimes perpétrés contre ses compatriotes et ses coreligionnaires centrafricains.
Cela dit, comment expliquer que Michel Djotodia, qui avait prononcé la dissolution de la Séléka, se retrouve lui-même à diriger ce mouvement ? Quelle ironie de l’histoire ! En tout cas, un retour de Djotodia en RCA, au regard du contexte actuel, créerait plus de problèmes qu’il n’en résoudrait, d’autant qu’il ne fait pas l’unanimité même dans son propre camp. Par ailleurs, on ne sera pas étonné si les anti-balaka refusent de participer au forum de Brazzaville pour la simple raison qu’ils ne voudront pas avoir en face d’eux Djotodia. Ce qui renforcerait dans leur position certains partis politiques qui, d’ores et déjà, menacent de boycotter ces négociations de paix au motif que l’avenir de la RCA doit se discuter à domicile et non en terre étrangère.
Pourtant, Dieu seul sait s’ils sont nombreux les Centrafricains qui attendent beaucoup de ce forum tant annoncé, qui se tiendra sous l’égide du médiateur Denis Sassou N’Guessou.
Par: Allafrica