Bangui ( République centrafricaine ) – A l’instar des autres États du monde, la République centrafricaine est significativement bousculé dans son mode de fonctionnement et de gouvernance par la gestion du fléau mondial né du coronavirus. Alors que l’année 2020 était baptisée une année électorale, l’année de tous les dangers, de tous les risques et surtout l’année charnière pour enraciner notre jeune, embryonnaire démocratie et par voie de conséquence affirmer notre souveraineté. S’inscrivant dans la suite logique, le pouvoir de Bangui est ainsi confronté à d’énormes défis parmi lesquels la lutte contre la pandémie du coronavirus, le lent et périlleux processus électoral avec corollaire la tenue des élections groupées dans le délai constitutionnel, la mobilisation des fonds nécessaires pour financer les élections, l’insécurité persistante, la rareté de l’eau et de l’électricité etc…C’est dans ce climat morose et surtout de psychose liée au coronavirus que le président de la république a fait un pied de nez à ses différents défis en apposant son auguste signature en bas d’un décret portant nomination des sbires des chefs rebelles au gouvernement.
En effet, il s’agit d’un réaménagement technique du gouvernement matérialisé par le décret n*20.125 du 01 avril 2020. Ce décret trouve son fondement juridique dans les prérogatives du président de la république qui lui confèrent un pouvoir discrétionnaire de prendre une décision en toute liberté avec la latitude d’appréciation de l’opportunité. En effet, l’article 33 alinéa 6 de la constitution du 30 mars 2016 dispose que « le président de la république nomme le premier ministre, chef du gouvernement et met fin à ses fonctions. Sur proposition du premier ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leur fonction ». L’usage de ses prérogatives constitutionnelles étant jugé abusif et inopportun, le curieux citoyen lambda s’interroge :
Sachant par définition qu’un réaménagement technique du gouvernement ne concerne qu’un nombre réduit de ministre soit démissionnaire soit révoqué, pourquoi la nécessité de combler prioritairement un ministère vacant et non occupé depuis plus d’un an ? Pourquoi ce réaménagement technique du gouvernement à la veille des élections et pas avant ? Quelle sera la plus-value de ce réaménagement technique du gouvernement sur les différents défis à relever ? Quel est en substance le projet ou l’agenda caché de ces nominations ? Pourquoi le pouvoir continue d’humilier notre vaillante armée nationale en traitant les groupes armés comme de forces légitimes ? Pourquoi le pouvoir entretient-il sur la durée un climat de confiance avec les groupes armés qui ne cessent de massacrés notre peuple ? Doit-on continuer d’abuser impunément des prérogatives constitutionnelles pour brader l’avenir de tout un peuple ? N’avez-vous pas au final l’impression de faire du « sur place » depuis quatre (4) ans ?
Au delà de ce partenariat absurde avec les groupes armés, synonyme d’une haute trahison, nous tenons à rappeler que les dispositions constitutionnelles et plus précisément l’article 28 alinéa 6 interdit l’enrôlement dans les hautes institutions de l’état des auteurs, coauteurs et complices des coups d’état, rébellion contre la république etc…Certains détracteurs nous opposeront certainement les recommandations imposées de l’accord de paix de Khartoum qui malheureusement n’est pas au dessus de la constitution dans l’ordonnancement juridique de notre pays. En attendant de relever tous ces défis, le peuple souverain sera réhabilité, réintégré dans ses droits légitimes, deviendra le maître suprême de son destin et reprendra sa place dans le jeu démocratique.
Il sera ainsi courtisé par les prétendants au palais de la renaissance. Mais attention, ne le dites à personne.
Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 03 avril 2020.
Bernard SELEMBY DOUDOU.
Juriste, Administrateur des élections.
Tel : 0666830062.