Bangui, République centrafricaine, mercredi, 7 avril 2021 ( Corbeaunews-Centrafrique). jeudi, 24 septembre 2020, 21:37:59 ( Corbeaunews-Centrafrique ). Le tout premier gouvernement de la 6è République est attendu depuis la prestation de serment le 30 mars dernier du président Faustin-Archange Touadéra, réélu comme on le sait dès le premier tour de la présidentielle du 27 décembre 2020 couplée aux législatives. Même si la copie du remaniement n’est pas encore disponible, quelques gentilles indiscrétions à la vaticane méritent d’être prises au sérieux.
Les consultations seraient déjà entamées et donc en cours mais des entrants et sortants font feu de tout bois pour ne pas louper le casting. Seulement voilà: Faustin-Archange Touadéra serait décidé d’être désormais le seul maître du jeu pour ne pas nommer des bras-cassés. « Plus question de considérer le gouvernement comme une simple ‘’mangeoire nationale’’ », aurait déclaré le chef de l’Etat, qui aurait ajouté compter sur des compétences « quel que soient leurs origines politiques, ethniques, religieuses ou idéologiques » (sic), car visiblement déçu par la médiocre prestation de bon nombre de ceux qu’on appelle « ministres » et « ministres délégués » depuis avril 2016. Mais commençons par nous interroger sur l’identité du futur Premier ministre.
Le choix du futur Premier ministre ferait toujours débat car l’accord est loin d’être fait sur l’homme. A propos, des supputations, manœuvres politiciennes, consultations occultes voire mystiques vont bon train.
UN GOULA DE BIRAO ?
Certains parlent des «pressions» qu’exerceraient l’ancien chef rebelle séléka et président putschiste Michel Déya alias Djotodia Am-Nondroko et un lobby musulman pro-Touadéra pour que ça soit un musulman goula qui soit nommé Premier ministre. Le nom du magistrat Arnaud Djoubaye Abazène, actuel ministre des Transports et de l‘aviation civile et parent direct de Djotodia (son petit frère, du même arbre généalogique), circule depuis quelques jours comme le proposé Premier ministre, question de rendre la bonne monnaie à Djotodia qui aurait soutenu politiquement et électoralement Touadéra contre le chef rebelle François Bozizé et des chefs des groupes armés ex sélékas convertis CPC et aux ordres de Bozizé.
UN BANDA DE GRIMARI ?
D’autres personnes parlent plutôt d’une probable reconduction de Firmin Ngrébada à la primature pour deux raisons: d’abord, au nom de la logique selon laquelle « on ne change pas l’équipe qui gagne » (allusion faite aux pourparlers de Khartoum et d’Addis-Abeba de janvier-février et mars 2019 qui ont accouché le fameux Accord de paix et un gouvernement intégrant les représentants des groupes armés, et la victoire éclatante du président-candidat Touadéra à la présidentielle et de plusieurs candidats du parti MCU aux législatives); ensuite, parce que ce n’est pas sûr qu’il va remporter les législatives à Boali où il serait dos à dos avec le candidat Marius Bounguinza qui aurait la chance de gagner au second tour, fort du soutien qu’il aurait des autres candidats face à Ngrébada. Sa reconduction serait donc une consolation. Ainsi, le Premier ministre Ngrébada serait sûr et certain de garder son brassard de capitaine pour un nouveau bail, et que c’est lui qui aura à évaluer ses collaborateurs de 2019-2021 avant de remettre à qui de droit les notes pour une sanction finale.
UN GBAYA DE BOSSANGOA ?
Certains parlent aussi du magistrat Obed Namsio, actuel ministre d’Etat, directeur du cabinet présidentiel, qui serait pressenti pour le poste de PM au nom de la géopolitique et de la géostratégie: question de « calmer » les gbaya-Bossangoa ou de les retourner carrément contre François Bozizé, Obed Namsio étant un fils de Benzambé-Bossangoa comme Bozizé, et ancien homme de main de l’ex demi-dieu Sylvain Ndoutingaï, l’ex n°2 du régime Bozizé, de 2003 à 2012. Dans ce cadastre, la nomination du ministre d’Etat Namsio à la tête de l’Equipe technique d’appui chargée de préparer les consultations nationales et le dialogue républicain à venir n’est pas un fait anodin. C’est une manière de le préparer à cette fonction en le mettant en contact avec toutes les forces vives de la nation et les partenaires internationaux qui vont le découvrir. Le même schéma Ngrébada de 2019 en quelque sorte? On ne peut s’empêcher de le penser.
UN ROUNGA DE NDÉLÉ ?
Le nom de Mahamat Kamoun, le dernier Premier ministre de la transition de 2013-2016, est aussi cité et revient souvent dans la bouche de certains milieux diplomatiques. Le président du parti BTK [Bèafrica Ti é Kwè, c’est-à-dire Centrafrique pour tous], quoiqu’opposant, présenterait l’avantage d’être un homme pondéré (principale figure de l‘aile modérée de la COD-2020), un bon gestionnaire (avait laissé 7 milliards de FCFA sur le compte de l’Etat centrafricain domicilié à la BEAC quant il passait service à son successeur Simplice-Mathieu Sarandji en avril 2016, à la fin de la transition, une grande première dans l’histoire politique de la RCA !), un musulman et ressortissant du nord-est trop belliqueux, un homme de cohésion sociale, et de surcroît capable d’amener le monde arabe à financer des grands projets structurants et de développement (cas du Fonds saoudien dont il est à l’origine des interventions financières en Centrafrique pour la réalisation des projets d’amélioration de l’université, de l’aéroport, des avenues de Bangui…) afin d’amorcer le relèvement du pays qui est souvent occulté sinon négligé par les politiques centrafricains. Sa nomination pourrait aussi calmer les ardeurs d’une opposition démocratique manifestement tentée par la logique des armes.
UN YAKOMA DE SATÉMA?
Il s’agit de Henri-Marie Dondra, l’actuel ministre des Finances et du budget, 1er secrétaire exécutif adjoint du parti MCU, élu député du 1er Arrondissement de la capitale Bangui dès le premier tour des législatives du 27 décembre 2020. Le grand argentier de la République dont la cote de popularité dans les milieux financiers internationaux est en hausse à cause des performances que le pays a atteintes grâce à la diplomatie économique et financière agressive qu’il a entreprise d’une part et, d’autre part, aux réformes hardies qu’il a mises en œuvre et qui ont porté leurs fruits à travers notamment: le paiement des arriérés de salaires des régimes Djotodia (2 mois) et Patassé (16 mois déjà payés à ce jour sur les 24 dus), le règlement des dettes dues aux fournisseurs de l’Etat, la considération du pays aux yeux des partenaires techniques et financiers internationaux (BAD, Banque mondiale, FMI, Fonds saoudien, Union européenne, CEMAC, BEAC, etc.). Le principal défi à relever étant le relèvement économique et financier du pays après la sécurité qui est en train d’atteindre 90% et pourrait atteindre 100%, d’ici trois mois, Dondra est fortement soutenu par la hiérarchie du parti MCU pour le poste de Premier ministre en vue de consolider les acquis politiques, diplomatiques et financiers d’une part, et ouvrir de nouvelles perspectives sotériologiques d’autre part. Il est le moindre mal des cadres et alliés du MCU qui aspirent à la fonction primatorale en ce moment. Cependant, certains cadres et militants du MCU souhaitent que Dondra devienne président de la future Assemblée nationale (7è législature). Attendons de voir.
QUI D’AUTRES ?
Les noms de MM. Léopold Mboli-Fatrane, zandé de Rafaï (Mbomou) et actuel ministre des Mines et de la géologie, cadre du parti MCU, Herbert Gotran Djono-Ahaba, actuel ministre de l‘Energie et de l’hydraulique, chef du groupe armé goula RPRC proche du pouvoir de Bangui, goula du village Gordil à Birao et parent direct de Djotodia et Abazène, Dr Pierre Somsè, gbaya Boli-Bianda de Berbérati, ancien fonctionnaire international de l’OMS et cadre du parti MCU, actuel ministre de la Santé et de la population, et Ali Chaibou, un kara de Birao, banquier et actuel Directeur national de la BEAC, sont également cités parmi les premiers ministrables. Avec des fortunes diverses.
Reste toutefois à savoir la position de l’allié russe qui a sans doute son mot à dire dans le choix du nouveau PM, vu son influence sur le pouvoir de Bangui et sa montée en puissance diplomatique, politique et militaire dans le contexte centrafricain actuel.
LA BATAILLE S’ANNONCE RUDE…
Même si rien n’a filtré officiellement pour le moment et que les marges de manœuvre de Touadéra semblent être limitées par les pressions internes de son parti, celles de la France et ses valets locaux et régionaux, et du sauveur russe, tout porte à croire que le président Touadéra s’apprêterait à opérer une chirurgie sans anesthésie. Une sorte de partage du gâteau afin de redistribuer les cartes et remettre tout le monde au travail. Mais c’est sans compter avec la position du parti MCU de Touadéra dont le secrétaire exécutif, Dr Simplice-Mathieu Sarandji, ne verrait pas d’un bon œil la plupart des noms précités, sauf celui de son adjoint du bureau politique MCU, HMD.
La bataille risque donc d’être rude pour les postes de Premier ministre (PM) et de président de l’Assemblée nationale (PAN) que convoiteraient sérieusement Sarandji et Ngrébada, lesquels se livreraient chacun déjà à des coups bas politiques pour affaiblir l’autre en vue d’avoir la chance d’être au perchoir de l’Assemblée nationale et/ou de placer son homme de confiance à la tête du gouvernement. Cela est d’autant vrai qu Ngrébada est accusé par les partisans de Sarandji d’avoir financé en parallèle la campagne pour les élections législatives du Groupe des indépendants FATistes (GIF), le groupe des militants et cadres du parti MCU non retenus comme candidats dudit parti aux législatives mais qui étaient allés en leurs propres noms et qui ont gagné les élections contre les candidats du MCU qu’ils appellent « candidats de Sarandji ». « Pour rien au monde nous ne donnerons notre voix à celui qui nous a humiliés en nous écartant des législatives pour le compte du parti MCU. Nous préférons voter pour quelqu’un de l’opposition si on nous imposait Sarandji comme candidat unique du camp présidentiel majoritaire », rapporte un des candidats GIF qui se dit « victime de l’arbitraire de Sarandji ».
Un autre du GIF estime que si Sarandji devient PAN, il aura plus de pouvoirs pour imposer un PM, car c’est lui le véritable patron du MCU, le président Touadéra étant constitutionnellement empêché (interdit) de gérer directement le parti.
A y voir de près, il s’agit là des contradictions internes majeures du parti MCU qui risquent de le fragiliser et d’ouvrir la voie à des situations qui seront difficiles à gérer. La boîte à Pandore est presque ouverte avec le manque de cohésion du parti MCU dans la gestion des législatives du 14 mars, chaque camp y allant avec ses propres stratégies, moyens financiers et matériels… Le comble est le fait que dans plusieurs circonscriptions électorales, les organes officiels du parti ont lancé des mots d’ordre à leurs militants pour voter pour des candidats indépendants, et non pour les candidats officiels du MCU, comme dans la circonscription de Bimbo 2 où l’indépendant Henri Gbogouda a remporté haut la main face au candidat officiel MCU John Mapenzi, député sortant et 1er vice-président de l’Assemblée nationale, selon le mot d’ordre lancé par le président de la sous-fédération MCU de Bimbo largement diffusé par sms et de bouche à oreille, porte à porte, à la veille et le jour du scrutin. Secret de Polichinelle!
L’on estime par ailleurs, tant au niveau du parti MCU que de la plateforme présidentielle dénommée Bè Oko, que pour la formation du prochain gouvernement, Touadéra devra éviter de faire le jeu de chaises musicales ou de récompenser ses lieutenants ayant mouillé le maillot lors des derniers rendez-vous électoraux. « Pas question alors de faire la part belle aux griots, aux professionnels de la coterie politique et aux zélateurs, mais aux hommes de terrain, aux technocrates, aux partenaires politiques, aux autres acteurs de l’opposition, de la société civile, des opérateurs économiques, aux universitaires et quelques jokers qui sortiront du chapeau. De plus, il ne sera plus question que des gens élus députés abandonnent leurs sièges de l’hémicycle de l’Assemblée nationale pour entrer dans le gouvernement », révèle une source proche du dossier. Seulement et comme à son habitude, Touadéra peut surprendre à plus d’un titre.
N’oublions pas que bien souvent dans ce genre de situations pour la désignation du PAN, du PM ou de certains ministres, les partenaires au développement, les réseaux mafieux et cercles obstrués, les beaux-parents usant du pouvoir de l’oreiller ou du charme, les « amis » de longues dates, des camarades du lycée et de l’université, des amis du couple intéressés par la mangeoire, pourraient aussi proposer leurs « pions ». L’on ne sait pas quand est-ce que Touadéra va nommer le nouveau Premier ministre et les membres du gouvernement. Ce qui est sûr c’est qu’il doit remanier. Et il le fera quel que soit la durée de la… longue attente.
UN TSUNAMI INÉVITABLE
Ainsi et au vu de quelques constats, des sources crédibles annoncent par exemple des mouvements inévitables à la tête des ministères suivants: Affaires étrangères, Administration du territoire et décentralisation, Economie et plan, Commerce, PME et artisanat, Affaires sociales, Sécurité publique, Justice, Jeunesse et sports (record national de scandales de mafia et prédation), Communication et médias (détournements et abus de biens sociaux récurrents et éhontés), Secrétariat général du gouvernement, Fonction publique, tout le secteur éducatif (enseignements primaire et secondaire, supérieur, recherche scientifique et innovation technologique), Travail et emploi, Arts/Culture et tourisme, DDRR, Eaux et forêts, Mines et géologie, Travaux publics et entretien routier, urbanisme et logement), Eau et énergie… La présidence de la République et la Primature ne sont non plus épargnées d’un Tsunami politique imminent.
« Il s’agit en réalité d’un tsunami de forte amplitude qui va emporter même les insoupçonnables, les détenteurs de titre foncier, les créatures. Personne ne sera épargnée parce qu’il s’agit pour l’homme du 30 mars de renouer avec « son» peuple qui attend enfin qu’il se débarrasse de certains visages devenus la source de ses malheurs », commente un fort en thème.
C’est dire que la tache ne sera pas aisée pour le président Touadéra qui a manifestement chaud et est face à l’histoire et son destin politique. Les choses se préciseront dans un mois. Mais d’ores et déjà, de gentilles indiscrétions indiquent que le chairman centrafricain aurait l’intention de créer deux portefeuilles de ministre d’Etat qui seront occupés respectivement par des alliés de première et de dernière heures, et notamment:
-Alexandre Ferdinand N’Guendet, ancien député, président du parti RPR, ancien président du parlement de transition (CNT, 2013-2016), récemment battu aux législatives dans la circonscription de Bambari 1, qui vient de claquer la porte de la COD-2020 (plateforme de l’opposition démocratique) malmenée par le chef rebelle François Bozizé; et
-Dr Timoléon Mbaikoua, ancien ministre, ancien député, président du parti PCDI qui vient de perdre son siège parlementaire de Paoua 2, coordonnateur de la plateforme Bè Oko qui a soutenu la candidature à la présidentielle de son collègue universitaire Touadéra.
Mme Léa Mboua née Koyassoum Doumta, ancienne ministre, présidente du parti PUN et ancienne vice-présidente du CNT de N’Guendet, actuelle coordinatrice générale de la plateforme présidentielle Bè Oko, battue aux récentes législatives de Bouca 2, est pressentie pour remplacer Virginie Baikoua au ministère des Affaires sociales et de l’action humanitaire, poste qu’elle avait déjà assumé sous le régime césarien de François Bozizé Yangouvonda.
Si Me Patrick Akoloza, avocat, président du parti URD, Rapporteur général et porte-parole de la plateforme Bè Oko, battu aux législatives de Mobaye 1, est sûr de faire son entrée dans le gouvernement, les candidatures de ses amis Gervais Lakosso et Crescent Béninga, du Groupe de travail de la société civile centrafricaine (GTSC), sont en débat. Le premier, soupçonné d’être pro-Méckassoua, aurait moins de chance que le second qui serait, lui, MCU, d’après de gentilles indiscrétions et des mauvaises langues.
Idem pour le Médecin-capitaine Serge Djorie et Aristide Briand Reboas, présidents de partis politiques et candidats malheureux à la présidentielle de 2020, Mme Saraïva la présidente de l’association politique Agissons pour Soutenir Touadéra (AST), Boris Andjito le DG du BARC, Julien Béléma le frère aîné de la 1ère Première Dame de Centrafrique, et Jean-Symphorien Mapenzi, député MCU sortant de Bimbo 2, qui pourraient faire leur première expérience gouvernementale.
Et seulement 3 places réservées à la COD-2020 dans le futur gouvernement !!! Acceptera ou acceptera pas? Telle est la question.
En tout état de cause, le secrétaire exécutif du MCU aura aussi son mot à dire pour la validation ou non des ministrables. Il vient de reprendre le poil de la bête.
Wait and see.
Par Cyrus-Emmanuel Sandy
Source: MEDIAS+ du Mardi 06 avril 2021