CENTRAFRIQUE : LE CRÉPUSCULE DES TUEURS, LE POUVOIR ET LES RUSSES PRATIQUENT-ILS
Bangui (RCA) /CNC – UNE JUSTICE SÉLECTIVE ?
LES EX-SELEKAS, VRAIS RESPONSABLES DU CHAOS
Tout se passe comme si les autorités centrafricaines et les Russes avaient passé des accords secrets avec les chefs de guerre de l’ex- Séléka, auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Ce serait une convention inadmissible, insoutenable pour les Centrafricains.
Une de nos sources à Bangui nous rapporte, en effet, cette incroyable rumeur de corruption des chefs sélékistes et leur exfiltration vers le Soudan ou la Russie, avec une forte somme d’argent pour couler un exil doré.
C’est ainsi que, toujours d’après nos sources, un conciliabule s’est tenu entre le conseiller russe du président Touadera à la Sécurité intérieure, Valéry Zakharov, et les ex-Sélékas. L’envoyé de Vladimir Poutine aurait rencontré en catimini le sanguinaire chef de guerre, tueur de Centrafricains, Ali Darassa. Il aurait été porteur d’un message personnel du chef de l’État centrafricain, ainsi que d’une forte somme d’argent pour l’entretien des mercenaires du Nigérien.
Toutes ces courbettes indécentes devant le chef terroriste le plus cruel ont pour but la cessation des violences dans la région qu’il contrôle. On n’achète pas la paix .On l’impose ! Les Russes préfèrent une tranquillité passagère dans les provinces occupées par les séditieux à une paix durable, difficile à négocier. Elle leur permet de se livrer aux pillages des matières premières sans danger. Ils auraient même promis à Ali Darassa une protection militaire en Centrafrique. En clair, ils voudraient le soustraire aux griffes des tribunaux.
Si ces rumeurs s’avéraient, sans démenti de la part du président Touadera, on aurait affaire à de la haute trahison, qui constituerait une injure à la mémoire des victimes innombrables tombées sous les coups de ex-Sélékas.
L’EMPRISE RUSSE
Sous le ciel de la Centrafrique, tout semble figé dans une posture macabre. Les assassins de l’ex- Séléka ont pignon sur rue. Certains ont même un marocain ministériel ou sont devenus conseillers au Palais de Renaissance !
Pour mettre la main sur les immenses richesses des régions minières contrôlées par les ex-Sélékas, les Russes promettent impunité et amnistie générale. Tout semble indiquer que l’ordre voulu par Poutine règne à Bangui. Il est à craindre que l’initiative de paix proposée par l’Union Africaine ne soit mort-née, alors que celle initiée à Khartoum par les Russes avec les chefs rebelles a le vent en poupe. L’impunité que les Russes ont promise aux criminels commence ainsi à se concrétiser.
La chasse exclusive aux Antibalakas qui, au départ, rappelons-le, sont des patriotes résistants, fait partie de leur sinistre plan. Le plus insupportable, c’est qu’on a l’impression que les autorités ont accordé, au mieux, un feu vert aux Russes, au pire, une carte blanche sur tout le territoire. Touadera les avait sollicités, certes, mais pourquoi au juste ? Nous croyions qu’ils étaient là pour mettre fin à la barbarie des groupes armées, en combattant, armes à la main, aux côtés des FACAS, afin d’aboutir à la libération du territoire. On a l’impression, au contraire, que la Fédération de Russie instrumentalise et manipule des dirigeants centrafricains affaiblis et désespérés.
LA RÉSISTANCE DES ANTI-BALAKAS
Souvenons-nous ! C’est après que François Hollande, alors président de la République Française, eut parjuré les accords de défense liant la Centrafrique et la France, que les ex-Sélékas ont envahi Bangui. Malgré ses appels au secours désespérés, François Bozizé, chassé du pouvoir par les Sélékas, dut prendre la fuite, laissant la RCA dans les griffes des rebelles islamistes.
Sans être inquiétés par une armée centrafricaine en débandade, les ex-Sélékas avaient alors entrepris d’islamiser de force les Centrafricains à majorité animiste ou chrétienne. On vit apparaître, dans la capitale, des jeunes filles forcées de porter le tchador. Des lieux de cultes chrétiens furent profanés et incendiés. Des Centrafricains de confession chrétienne furent martyrisés. Leurs cadavres calcinés jonchaient le sol des paroisses.
C’est alors qu’un groupe de patriotes centrafricains, chrétiens pour la plupart, se leva pour résister : ils prirent le nom d’Antibalakas. Leur combat patriotique permit de libérer partiellement la Centrafrique assujettie à la dure loi de la charia. Les ex-Sélékas furent chassés de Bangui.
Mais on connaît la suite : la MINUSCA, le gouvernement de la Transition, la force française Sangaris et les autres forces internationales, laissèrent fuir ces criminels sans les désarmer. Ils purent ainsi se réfugier dans des provinces, qu’ils occupent et contrôle encore aujourd’hui.
Qu’en est-il aujourd’hui des chefs antibalakas ?
Après avoir tiré un coup de feu dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale pour intimider un de ses collègues sans le blesser, Alfred Yekatom, alias Rambo, a été extradé et va comparaître devant la Cour Pénale Internationale. C’est le premier chef de milice appelé à répondre devant cette juridiction de crimes de guerre commis en Centrafrique.
La Cour Pénale Spéciale de Bangui vient, quant à elle, de condamner un ex-commandant de zone antibalakas à vingt ans de travaux forcés. Nous apprenons encore qu’un autre chef, Patrice Édouard Ngaissonna, a été appréhendé par la justice française à l’aéroport Roissy-Charles De Gaulle pour être transféré à la Cour Pénale Internationale.
Aucun des chefs sélékistes n’a encore été inquiété, alors que ce sont eux les responsables du drame que vivent aujourd’hui les Centrafricains.
DEUX POIDS, DEUX MESURES ?
Assistons-nous à une injustice insupportable initiée par les Russes ? Pourquoi cette politique du silence et du secret ? Pourquoi le chef de l’État Touadera ne fait-il pas une déclaration solennelle pour dénoncer les initiatives russes face aux séditieux ou, au moins, pour s’en démarquer ?
La démarche des conseillers de Poutine n’apportera qu’une illusion de paix, une tranquillité éphémère et non une paix durable.
La République Centrafricaine n’est ni à vendre, ni sous tutelle. C’est une République souveraine, démocratique, laïque et indivisible. On sait bien que, si les Français, les Russes et d’autres puissances étrangères s’y précipitent, c’est avant tout pour leurs propres intérêts et profiter des immenses richesses du pays.
Il appartient donc aux dirigeants d’être vigilants, de fixer eux-mêmes les règles du jeu et de veiller à la souveraineté de leur Nation. Les Centrafricains ne sont ni dupes, ni naïfs. Même si on ne les consulte pas, ils ont leurs dirigeants à l’œil. Ils sont prêts à les rappeler vigoureusement à l’ordre, pour leur éviter de se laisser corrompre et de brader leur pays pour quelques roubles.