CENTRAFRIQUE : LE CARDINAL DÉMENT AVOIR MANDATÉ UN ÉMISSAIRE POUR LE REPRÉSENTER À ROME…QUI DIT MIEUX ?
Bangui, le 1er juillet 2017.
Par : Bernard Selemby-Doudou, CNC.
Les causes de la crise centrafricaine remontent à plusieurs décennies. Elles sont l’émanation ou alors la conséquence de la mauvaise gouvernance des régimes successifs. Les centrafricains vivent depuis toujours au rythme des accords mal ficelés, mal négociés et surtout au non respect des engagements signés. C’est dans le souci et l’optique de perpétrer cette tradition que la communauté ecclésiastique Sant’Egidio, spécialisée dans la médiation et la prévention des conflits s’est portée volontaire pour tenter une médiation entre les différents protagonistes de la crise centrafricaine. C’est ainsi que des personnalités politiques, civiles et les différents acteurs ont été triés sur des critères que nous ignorons pour assister à la rencontre de Rome.
Cette dernière s’est tenue sous le haut patronage du représentant de l’ONU en Centrafrique, du représentant de l’Union Africaine monsieur Mohamed El Hacen Ould Lebatt et enfin du représentant du cardinal qui est la seule personnalité religieuse à parapher le document. Après un simulacre d’échanges et de discussions, un soit disant accord de paix sans lendemain, préparé d’avance aux soins de la communauté internationale et de l’Union Africaine a été imposé au peuple centrafricain.
Cet accord devrait normalement s’inscrire dans la logique de renforcer les négociations déjà ouvertes par le President de la République. En substance, cet accord prône un cessez-le-feu qui sera violé le lendemain et en toile de fond, l’impunité pour les seigneurs de guerre à travers une loi d’amnistie. Il est important de noter au passage que la question de l’amnistie est un domaine réservé de façon souveraine aux autorités centrafricaines et ne doit souffrir d’aucune entorse, ni imposé par un quelconque accord. Un coup de tonnerre assourdissant se fit entendre quelques jours après la conclusion de l’accord, le cardinal dément à travers un communiqué rendu public le 22 juin 2017 n’avoir mandaté personne pour le représenter à Rome et s’exprime sur ces termes : “je n’ai mandaté personne pour me représenter et prendre des engagements en mon nom, ni à titre personnel, ni comme President de la conférence épiscopale centrafricaine, ni comme membre fondateur de la plateforme des confessions religieuses”. En outre, le jeune prélat salue et encourage l’initiative mais fustige, châtie et blâme le volet qui privilégie en filigrane l’amnistie, l’abandon des poursuites et par voie de conséquence l’oubli des victimes.
Devant le flou et l’ambiguïté qui s’installent, le citoyen lambda qui apparement perdu, ne cesse de s’interroger : croyez vous que l’archevêque peut ne pas être au courant de la rencontre de Rome ? En d’autres termes, croyez vous vraiment que le prélat soit pas au courant d’une manière ou d’une autre d’un événement aussi vital qui se déroule sur la terre qui l’a élevé cardinal ? La pression liée au désaveu de cet accord a t-il poussé le cardinal à porter ce démenti ? Il est important de noter que ce n’est pas la première fois que cette personnalité représente l’archevêque dans des échanges à Rome. Par ailleurs, quels sont les effets ou les conséquences de la représentation ou non du cardinal sur le contenu de l’accord ? Pourquoi le cardinal n’a pas porté son démenti dès l’officialisation du communiqué annonçant l’accord ? Le démenti a été fait trois jours après soit le 22 juin 2017. Le jeune cardinal précipité précocement dans la Cour des grands après ses œuvres dans la crise et novice en politique s’est-il fait abuser par le juriste, fin diplomate représentant l’Union Africaine ? Le cardinal est-il victime de son succès ? L’intrus de la rencontre de Rome s’est-il auto proclamé représentant du prélat ou a t-il usurpé le titre ? Quels sont les effets de cette usurpation de titre ou d’intrusion sur l’accord de Rome ? L’accord sera t-il entaché de nullité ? Si ce n’est le cas, alors le démenti n’a aucun sens juridique. En dehors du démenti, connaissez-vous la personnalité du représentant de l’Union Africaine qui a assuré la police des débats à Rome ? Est ce que les centrafricains ont compris le rôle qu’a joué ce mauritanien dans l’accord ? Monsieur Mohamed El Hacen Ould Lebatt est un juriste, ancien ministre des affaires étrangères de la Mauritanie et représentant spécial de l’Union Africaine en Centrafrique. Nous vous rappelons que le mauritanien est un activiste de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) qui est financée par l’Arabie saoudite et à pour mission principale d’aider les musulmans en difficulté et en détresse. Nous vous laissons l’opportunité d’apprécier et de deviner la suite. Pour revenir à la question de l’amnistie, l’église catholique est visiblement sortie affaibli de cette rencontre de Rome car les grands gagnants de cet accord ne sont autres que les groupes armés. Pour finir, quelques jours après le démenti du cardinal, vint le tour des antibalaka de nier leur représentant. Ainsi, comme un effet domino, l’accord de Rome se vida de son contenu et devint obsolète, caduque et non représentatif des intérêts de leurs signataires. En déduction, il faut encore un round complémentaire de négociation pour un nouvel accord. Visiblement la patrie qui m’a vu naître est encore loin de sortir de l’ornière. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 30 juin 2017