CENTRAFRIQUE : L’ALGORITHME RÉFÉRENDAIRE FORCE LA LÉGITIMITÉ DANS UNE ÉQUATION ÉLECTORALE À PLUSIEURS INCONNUES.
Bangui, 02 juillet 2023 (CNC) – Au lendemain des manœuvres politiques visant à s’approprier la cour constitutionnelle, les réelles intentions du pouvoir de Bangui d’occuper indéfiniment le fauteuil royal se précisent et prennent corps avec la confirmation officielle du premier vice président de l’assemblée nationale sur les antennes de la radio France internationale « qu’à l’issue du scrutin référendaire, les compteurs seront remis à zéro ».
S’inscrivant dans la suite logique de cette dynamique, le président de la république avait par décret convoqué le corps électoral pour se prononcer sur le projet de réforme constitutionnelle en date du 30 juillet 2023.
Rappelons que le décret N*23.134 du 30 mai 2023 portant convocation du corps électoral au scrutin référendaire a défini le calendrier électoral mais n’a pas adjoint le projet de réforme constitutionnel à la portée de la population comme l’impose la loi N*23.003 du 23 janvier 2023 fixant les procédures de référendum en République Centrafricaine.
Notons également qu’en dehors de l’opposition fabriquée par le pouvoir de Bangui, le bloc de l’opposition démocratique a boudé le processus référendaire…ce qui suppose que la campagne référendaire sera à sens unique et sans réelles contradictions.
Faisant l’économie de la non actualisation du fichier électoral, du mode opaque de financement des opérations électorales, la non mise en place du démembrement de l’organe de gestion des élections, surtout l’épineux problème d’impraticabilité des infrastructures routières en saison pluvieuse nonobstant le véritable enjeu qui est l’incapacité du pouvoir de Bangui d’organiser un débat consensuel voire convaincant autour du projet…l’algorithme référendaire se retrouvera dans un contexte d’équation à plusieurs inconnues :
D’abord le corps électoral ne sait sur quoi se prononcer car le contenu du projet de réforme constitutionnelle à force de ne pas exister n’est pas disponible au public.
Ensuite à défaut d’adversaires, le corps électoral convoqué a le sentiment d’assister à un gala de boxe dans une arène où il n’y a qu’un seul boxeur sur le ring…bizarre.
Fort de tout ce qui précède, le citoyen lambda considéré comme un naïf s’interroge :
Le corps électoral est-il convoqué pour se prononcer sur quel projet de réforme constitutionnelle ?
Même si c’est notoire dans la mémoire collective, qu’est-ce qu’il y a de si vicieux dans ce projet de constitution pour qu’on puisse le cache à ce point au peuple ?
L’absence d’une véritable opposition démocratique à la kermesse référendaire n’impacterait-elle pas la crédibilité et la transparence du scrutin référendaire ?
L’absence notoire de neutralité des présidents des institutions républicaines sensées garantir l’enracinement de la démocratie ne constitue t-elle pas une entorse au processus référendaire ?
Les présidents de l’Autorité Nationale des Élections (ANE), de la cour constitutionnelle et autres étant de fait des militants du parti au pouvoir, que peut-on attendre de nouveau du résultat définitif du scrutin référendaire ?
Comment légitimer un scrutin référendaire qui bafoue les règles élémentaires ou basiques du système électoral ?
Sachant d’emblée que le « oui » triomphera de cette mascarade électorale…qu’est-ce qui va changer dans le quotidien des centrafricains ?
À l’état actuel des choses, sommes-nous convaincus de l’enterrement de l’embryon démocratique et de la consécration de la dictature d’antan ?
Au regard de ce qui précède, l’exposé des motifs qui justifie le changement de constitution n’est pas convaincant si ce n’est le faux-semblant de réforme constitutionnelle qui cache mal les intentions du pouvoir de Bangui de s’éterniser au palais de la renaissance.
À l’instar des autres présidents qui ont tenté cette aventure, nous vous recommandons humblement qu’étant otage des mercenaires de Wagner, vous avez encore la latitude de renoncer à ce projet funeste porté par des « profito-situationistes ».
N’oublions surtout pas qu’on ne récolte que ce qu’on a semé et que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets…malheur à ceux ou celles qui s’attendent paradoxalement à un résultat contraire.
Mais attention ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.
Paris le 02 juillet 2023.
Bernard SELEMBY DOUDOU.
Juriste, Administrateur des élections.
Tel : 0666830062.