CENTRAFRIQUE : LA MALÉDICTION
Bangui, le 5 octobre 2017.
Par : Joseph Akouissonne, CNC.
EMPÊCHER LA DESCENTE AUX ENFERS…
Les flammes ont embrasé la République Centrafricaine depuis trois ans maintenant. Les Centrafricains, abandonnés par des dirigeants cupides et dépourvus de patriotisme, n’en peuvent plus. A bout de nerfs, aux abois, ils souffrent, ils meurent. Comment pourraient-ils rester l’échine courbée par le poids des injustices dont se rendent coupables leurs dirigeants manipulés par les forces étrangères ?
Il faut sortir par tous les moyens de cet état imposé de l’extérieur à des dirigeants centrafricains serviles. Les multiples tentatives de dialogue engagées avec les rebelles n’ont abouti à rien : ils restent arcboutés sur leurs exigences. Mais comment leur accorder l’impunité pour les crimes de guerre et contre l’humanité dont ils sont responsables ?
La situation en Centrafrique navigue de mensonge en mensonge, entre les autorités du pays et les forces internationales. Les populations ? Elles sont zappées. Dans cette configuration de blocage, on ne voit pas comment les efforts déployés par le président Touadera et la communauté internationale pourraient aboutir. Il faut, impérativement, que les Centrafricains soient associés aux efforts de réconciliation.
Car la résolution de l’instabilité chronique de la République Centrafricaine n’est pas uniquement du ressort des politiciens et de leurs mentors étrangers. Qu’ont-ils fait d’autre jusqu’à présent que démontrer leur incapacité à rétablir la paix et la réconciliation dans le pays ? Ces politiciens égoïstes ne sont préoccupés que par leurs propres intérêts. Frustrés d’avoir perdu les élections présidentielles, ils se livrent à des joutes oratoires politiciennes, alors que leur pays est en feu.
En ces temps où une dure nuit semble s’être emparée de la R.C.A. et de ses habitants, l’essentiel demeure dans les critiques constructives qui nourrissent le combat contre les bandes armées. Ces rebelles ne seront vaincus que si on peut tabler sur l’unité de la Nation Centrafricaine.
…APRÈS 57 ANS DE GABEGIE
Depuis la tragique disparition de Barthélémy Boganda, père fondateur de la République Centrafricaine, le pays semble être marqué par le sceau d’une malédiction indélébile.
Ce ne sont pas seulement les scories de la colonisation qui handicapent cette République, à la renverse et pourtant si riche. Ce sont surtout ses dirigeants, complexés et incompétents, et tous ses responsables prédateurs, qui perpétuent une pensée et des comportements colonialistes. En pratiquant une gouvernance dévoyée, ils ont obstrué la route du développement de leur pays.
Injustice sociale, impunités chroniques, détournements continus des fonds de l’Etat, duperies cyniques de la population, népotisme, clanisme, régionalisme et toute-puissance de l’oligarchie : telles sont les causes majeures de la descente aux enfers du peuple centrafricain. Et les populations, abandonnées sur le quai, regardent passer, la rage au cœur, le train des ripailles indécentes.
Les biens mal acquis appauvrissent l’État mais s’étalent, insolemment, sous les yeux d’une population qui meurt de faim : 4X4 rutilants, dont un rétroviseur suffirait à nourrir une famille pendant plusieurs jours ; villas cossues de milliardaires, dont le coût permettrait de construire plusieurs habitats sociaux… Il est à noter que beaucoup de ces nouveaux riches sont, en fait, issus de milieux ruraux et paysans.
Mais, en dehors de cette caste privilégiée, il faut savoir qu’un Centrafricain sur deux vit avec moins d’un dollar par jour. C’est un comble pour un pays si riche en matières premières ! Ce peuple courageux a dû se transformer en quémandeur de l’aumône internationale.
La République Centrafricaine est systématiquement classée parmi les pays les plus pauvres du monde par les organismes occidentaux. Si on prend la peine de chercher les raisons de cette aberration, on les trouve sans difficulté : pillage depuis environ deux cents ans des matières premières par la puissance coloniale ; transformation du pays en comptoir colonial et des populations en main d’œuvre corvéable à merci ; en outre, jusqu’à nos jours, gestion économique et politique de la R.C.A. depuis Paris. Les dirigeants successifs semblent être devenus des Consuls de France. Un détail a choqué : on a pu remarquer, en effet, que, lors de sa visite en tant que Chef d’Etat à Élysée, Faustin-Archange Touadera, président de la République Centrafricaine, n’avait pas eu droit au tapis rouge – qui a été déroulé, en revanche, pour le président du Liban qui le suivait… Personne n’a bougé à Bangui pour protester. Cette sorte d’humiliation n’aurait-elle pas pu faire réagir la classe politique ?
QUEL AVENIR POUR LA R.C.A. ?
Il faut un sursaut des dirigeants. Il faut qu’ils quittent cet immobilisme qui semble les figer, qu’ils frappent du poing sur la table et signifient aux puissances étrangères qu’ils sont les dirigeants d’un pays souverain.
Les forces qui interviennent depuis trois ans dans le pays ont montré leurs limites. La situation n’a jamais été aussi catastrophique. Solution : le départ, ces forces devenues un problème.
Les dirigeants de la Centrafrique, pays souverain, peuvent très bien conclure des accords bilatéraux de défense avec d’autres pays, solliciter, par exemple, l’inclusion militaire des États-Unis ou de la Chine dans le conflit.
Par ailleurs, les actions des milices d’auto-défense, qui ont lancé des offensives pour chasser les envahisseurs Janjawid du Soudan qui occupent les villes du Haut-Mbomou, sont à méditer et à encourager.
Le nouveau gouvernement devrait aussi demander le rapatriement de certains Casques Bleus, ceux qui soutiennent les Sélékas contre les Chrétiens. Car ils sont en train de transformer le conflit en un affrontement religieux qui n’a pas lieu d‘être.
L’espoir existe. Pour parvenir à empêcher la descente aux enfers de la Centrafrique, il faut que le gouvernement devienne un gouvernement de combat. Il peut chercher les voies du dialogue, certes, mais pas à n’importe quel prix. Il en va de l’honneur du pays.