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Centrafrique : la bataille interethnique entre Goula et Rounga se déplace sur le terrain administratif dans le Nord-Est

Centrafrique : la bataille interethnique entre Goula et Rounga se déplace sur le terrain administratif dans le Nord-Est

 

Centrafrique : la bataille interethnique entre Goula et Rounga se déplace sur le terrain administratif dans le Nord-Est
Un leader communautaire présente les revendications de la population de Sikikédé (Ndah) pour la création d’une nouvelle sous-préfecture autonome de Sikikédé, dans la Vakaga.

 

Par la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique.

 Une nouvelle forme de conflit ethnique entre Goula et Rounga  vient d’éclater dans le nord-est de la République centrafricaine. Après les affrontements armés meurtriers de 2020, c’est désormais sur le terrain administratif que s’affrontent les communautés Goula, Rounga, Kara et Sara dans la préfecture de la Vakaga.

 

Goula et Rounga : une histoire marquée par le sang

 

Le Nord-Est centrafricain porte encore les stigmates des affrontements meurtriers de 2020 entre les Goula et Rounga. Cette année-là, les groupes armés issus de la communauté Goula,  le FPRC, le RPRC et le PRNC,  soutenus par les Kara du MLCJ, s’étaient violemment opposés aux membres de l’ethnie Rounga du FPRC, appuyés par les Sara du FDPC. Les villes de Birao, Ndélé et Bria ont été la scène macabre de combats qui ont causé des centaines de morts et poussé des dizaines de milliers de personnes à l’exode. Cette période sombre a conduit plusieurs leaders devant la Cour pénale spéciale, où ils répondent actuellement de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité devant la CPS.

 

Le nouveau champ de bataille entre Goula et Rounga : le combat administratif

 

En 2023 – 2024, le conflit  entre Goula et Rounga  a muté, délaissant les armes pour les bureaux ministériels. Des responsables Goula occupant des postes clés au sein du gouvernement sont pointés du doigt pour leur gestion partiale du territoire. Le cas le plus frappant concerne Sikikédé, également connue sous le nom de Ndah, une localité de 52 000 habitants majoritairement Rounga et Sara, maintenue dans un statut administratif précaire. Pendant ce temps, des localités moins peuplées comme Ouandja, Gordil et Tiringoulou, qui ne dépassent guerre les 20 000 habitants, ont été promues au rang de communes et sous-préfectures de la Vakaga.

 

L’étincelle qui ravive les tensions intercommunautaires entre Goula et Rounga

 

Le projet de découpage administratif porté par le ministre d’État chargé de la Justice, Arnaud Djoubaye-Abazène, d’origine Goula, a cristallisé les tensions entre Goula et Rounga. Ce projet, qui prévoit l’érection de plusieurs villages en communes administratives tout en ignorant Sikikédé, a provoqué la colère de la communauté Rounga. Le 9 novembre, les jeunes de cette communauté sont descendus dans la rue pour exiger que leur localité obtienne enfin le statut de sous-préfecture.

 

Une fracture culturelle et sociale profonde

 

L’isolement de Sikikédé dépasse la simple question administrative. Cette localité frontalière avec le Tchad et le Soudan vit une situation paradoxale. En saison des pluies, elle devient pratiquement inaccessible sauf par voie aérienne. En saison sèche, il faut plusieurs semaines  voir des mois pour l’atteindre depuis Bangui, la capitale. Cette situation pousse naturellement ses habitants vers les pays voisins pour l’accès aux soins et à l’éducation.

 

Cette réalité géographique a des conséquences culturelles majeures. De nombreux jeunes de Sikikédé suivent leur scolarité dans les écoles coraniques tchadiennes ou soudanaises. Ils y acquièrent la maîtrise de l’arabe et des langues locales, mais perdent progressivement leur connexion avec la culture centrafricaine, ne parlant même plus le sango, la langue nationale. Les mariages transfrontaliers renforcent ce phénomène d’acculturation.

 

Un déséquilibre historique aux racines profondes

 

Cette situation révèle un clivage éducatif et social ancien. La communauté Goula, historiquement plus tournée vers l’éducation formelle, a constitué une élite intellectuelle qui domine aujourd’hui l’administration. Les Rounga, moins scolarisés dans le système éducatif classique, se retrouvent marginalisés dans les processus de décision qui affectent leur territoire.

 

Des conséquences sur le développement local

 

L’absence de statut administratif de Sikikédé a des répercussions concrètes sur la vie quotidienne. La localité ne dispose ni d’hôpital ni d’école, forçant sa population à chercher ces services essentiels dans les pays voisins. Cette situation alimente un cercle vicieux : l’absence d’infrastructures pousse les habitants vers l’étranger, ce qui sert ensuite d’argument pour justifier le maintien du statu quo administratif.

 

Des enjeux qui dépassent le cadre local

 

Cette situation pose des questions capitales sur l’intégrité territoriale et la cohésion nationale. L’État centrafricain se trouve face à un défi majeur : comment maintenir le lien avec une population qui, par la force des choses, se tourne vers les pays voisins ? La création d’une nouvelle entité administrative pourrait être un premier pas vers la réintégration de ces populations dans le giron national.

 

Perspectives et défis

 

La résolution de ce conflit entre Goula et Rounga  nécessite une approche globale qui dépasse les simples considérations administratives. Elle implique de repenser l’aménagement du territoire, le développement des infrastructures et l’accès aux services de base. Plus fondamentalement, elle exige de surmonter les divisions ethniques entre Goula et Rounga  qui continuent de structurer la société centrafricaine.

 

Le cas de Sikikédé expose ainsi les défis complexes auxquels fait face la République centrafricaine dans sa quête d’unité nationale et de développement équitable. Il montre comment les héritages historiques, les réalités géographiques et les dynamiques sociales s’entremêlent pour créer des situations qui nécessitent bien plus qu’une simple réforme administrative pour être résolues.

 

Par Alain Nzilo

 

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