Centrafrique : Discours de SEMme Samuela Isopi, Ambassadrice, Cheffe de Délégation de l’Union européenne A l’occasion De la célébration de la Journée de l’Europe
Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat
Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
Honorable, Vice Président de l’Assemblée Nationale,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Mesdames et messieurs les honorables députés,
Chers collègues du corps diplomatique, Chers amis, chers invités, chers européens et chers centrafricains,
C’est un grand plaisir de vous recevoir à la Résidence de l’Union européenne pour la fête de l’Europe. La première que j’ai l’honneur de célébrer depuis mon arrivée en septembre 2017. Ce jour – qui est normalement célébré le 9 mai, mais que nous avons préféré différer en signe de respect pour les évènements du mois dernier – est la fête de tous les européens, mais aussi la fête de tous les partenaires et les amis de l’Europe. Et nous savons qu’ils sont très nombreux en Centrafrique!
Avant d’entrer dans le vif de mes propos, avec votre permission Monsieur le Président, je voudrais solliciter une minute de silence pour saluer la mémoire de toutes les victimes des violences et des atrocités qui ne cessent de secouer le pays. Je souhaite également rendre hommage à tous ceux qui ont perdu la vie dans l’accomplissement de leur mission, notamment les casques bleus et les acteurs humanitaires, qui continuent de payer un lourd tribut pour leur engagement aux côtés des populations civiles. Leur mémoire doit toujours rester vivante pour nous rappeler que la meilleure façon de les honorer est de travailler, tous ensemble, pour la paix et pour la justice.
Minute de silence
Permettez-moi, Excellence Monsieur le Président, de vous remercier, pour avoir bien voulu célébrer ce soir avec nous la fête de l’Europe et le partenariat entre l’Union européenne et la République centrafricaine. Votre présence constitue une marque forte et visible de confiance et de reconnaissance pour notre engagement et notre travail commun. Votre leadership et votre soutien sont essentiels pour l’aboutissement de nos efforts.
Nous célébrons cette année le 68ème anniversaire de la déclaration de Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, qui, le 9 mai 1950, après la destruction suivie en Europe à la 2ème guerre mondiale, proposait à l’Allemagne et à la France que soient mises en commun les productions de charbon et d’acier, que le charbon et l’acier – qui avaient été si longtemps des outils de guerre – deviennent les outils de la paix. Cette déclaration est restée dans l’histoire comme le début de la construction européenne. Après des siècles de guerre, le projet européen nous a assuré 68 ans de paix et prospérité. C’est ce que nous célébrons ensemble aujourd’hui. Le projet européen n’a jamais cessé de se développer, sur le plan géographique (22 pays ont rejoint l’UE depuis sa fondation) et sectoriel (les Etats ont progressivement accepté de transférer ou de partager leur souveraineté dans un ensemble de domaines à travers les institutions communes européennes, un unicum au monde). Nous avons, certes, vécu des moments difficiles, et même un cas de ”divorce”, le Brexit. Mais chaque fois nous avons été capables de nous relever et d’autres pays du continent frappent déjà à nos portes pour rejoindre notre Union.
L’Union européenne est un projet réussi de paix. Elle est donc porteuse d’un message et d’un modèle. Un modèle tangible qui montre comme le dialogue, la recherche de l’intérêt commun, la capacité de regarder ce qui unit et pas ce qui divise, constituent la meilleure voie vers la paix, le développement et le bien-être collectif.
Bien entendu, ce projet commun n’empêche pas le débat interne. On assiste tous les jours à des débats sur des questions cruciales (les migrations, les réponses à la crise sociale et économique, le terrorisme, le chômage etc), mais nous trouvons des solutions en nous asseyant autour d’une table, en utilisant la parole et le dialogue au lieu des armes.
Dans le inonde d’aujourd’hui, l’Union européenne est plus indispensable que jamais. Elle est indispensable d’abord en interne, pour les citoyens européens, qui ont besoin de croissance économique, d’emploi, de sécurité, d’opportunités et de droits. Dans un inonde globalisé, nous savons que nous ne pouvons obtenir des résultats que si nous sommes ensemble. Mais, à l’extérieur, l’Union européenne est aussi, croyons-nous, indispensable pour nos amis et nos partenaires — tous ceux qui veulent travailler pour renforcer la paix, le développement durable, le commerce libre et équitable, les droits de l’homme et la démocratie.
La Fête de l’Europe est célébrée cette année sous le thème du Patrimoine culturel, dont les 28 Etats membres sont riches, une union rassemblant dans une communauté 24 langues différentes et autant de cultures, une communauté fière de sa diversité culturelle basée sur des valeurs communes. C’est à ces mêmes valeurs que notre action extérieure est inspirée. C’est sur ces mêmes valeurs que notre amitié, entre l’Union européenne et la Centrafrique, est fondée. La célébration de ce soir est aussi la célébration de cette amitié.
L’Union européenne s’est tout au long de son histoire engagée dans une coopération étroite et diversifiée avec la République centrafricaine, respectueuse de sa culture, de ses spécificités et de son appropriation. L’UE est présente en Centrafrique depuis les années 60: nous avons célébré le ”mariage d’or” et célébrerons bientôt le ”mariage de platinum” . Parce que notre coopération est destinée à durer encore longtemps! Nos étoiles – qui ont éclairé le chemin du projet européen – continueront à éclairer aussi le chemin de la RCA, vers la paix et le développement, un chemin que nous voulons continuer à parcourir ensemble.
J’ai eu l’occasion de faire quelques déplacements dans l’arrière-pays (Bozoum, Birao, Paoua) et beaucoup de déplacements à Bangui et dans les alentours. Et partout, parfois à ma surprise, j’ai trouvéles étoiles du drapeau européen! Il n’y a pas une région où l’UE n’ait pas travaillé, à travers le Fonds Européen de Développement, à travers les pôles de développement, à travers ECHO, à travers le Fonds Bekôu, l’Instrument pour la paix et la stabilité ou encore d’autres moyens de mise en œuvre.
Mais les résultats, les succès et la pérennisation de notre action sont liés aux succès du pays et de son peuple. Sans vous, sans votre volonté, sans l’engagement de chaque centrafricain, nous ne pourrons jamais réussir et pérenniser les acquis. Parce que la reconstruction de la Centrafrique ne pourra que venir des centrafricains. Nous aussi, en Europe, nous avons reconstruit nos pays et notre continent après les guerres que nous avons connu. Et nous sommes surs que les centrafricains sont capables de la même détermination.
Cette célébration intervient, Monsieur le Président, dans un contexte marqué par de nouvelles violences et de nouvelles tentatives d’arrêter le chemin que les centrafricains ont choisi au Forum de Bangui et aux élections. Mais la RCA ne doit pas trébucher et sombrer de nouveau, après tant d’efforts pour reconstruire le pays à la sortie des crises qui l’ont éprouvée.
Des progrès – certes fragiles – ont été accomplis sur la voie du renouveau. Ces acquis doivent être préservés pour qu’ils deviennent irréversibles, pour qu’ils deviennent tangibles pour les populations. Deux ans après le retour à l’ordre constitutionnel, grâce à des élections crédibles et légitimes – que l’UE a largement contribué à rendre possibles – la RCA se retrouve confrontée, malgré les efforts, à de grands défis.
Les derniers évènements nous rappellent que le chemin demeure long et difficile, que notre mission commune reste compliquée, mais qu’on ne peut que la remplir à travers la reprise de l’initiative, le leadership, les résultats. La meilleure sortie d’une crise vient de la volonté de se relever et poursuivre l’action, pour apporter des réponses concrètes, pour opérer les réformes nécessaires à réaliser le changement, qui ne pourra jamais venir seul. Tout chemin est difficile, y compris le chemin européen.
Grâce à vous, à la ténacité des institutions et à la résilience des populations, avec l’appui des partenaires, des changements ont été initiés pour la première fois dans l’histoire de votre pays: une constitution républicaine de 3ème génération, des institutions légitimes, des réformes dans le domaine de la sécurité et de la défense, de la Justice, de l’Etat de droit et de la gouvernance. Nous ne devons pas permettre que ces réformes soient remises en cause. Au contraire, elles doivent se poursuivre pour se traduire en réalité et en résultats tangibles pour les citoyens.
Permettez-mois de rappeler certains de ces changements amorcés grâce à votre impulsion, avec l’appui des partenaires :
- La réforme de la sécurité – Les réformes de la défense, la formation et le redéploiement des Forces armées centrafricaines et des Forces de sécurité intérieures constituent des priorités et des avancées qui répondent à un besoin de la population. Ensemble, nous sommes fiers d’accompagner le pays dans l’émergence d’une nouvelle armée centrafricaine, inclusive, républicaine et professionnelle, à travers l’EUTM, de conseil stratégique à la réforme de la sécurité, d’éducation et de formation des FACA, qui commencent à faire preuve sur le terrain de leur nouvelle approche.
Je tiens à rendre hommage au dévouement et à l’efficacité de la Mission EUTM, dont le Portugal a pris le commandement depuis janvier. Je remercie personnellement le Général Herminio Maio, Commandant de la mission, et toute son équipe pour l’engagement exemplaire et la collaboration indéfectible. Cet effort que les Etats membres de l’Union ont décidé de poursuivre par le renouvellement du mandat de l’EUTM et par les investissements planifiés dans le cadre de la mise en œuvre du Plan national de défense, débouche sur des résultats tangibles: au terme de son premier mandat de deux ans, l’EUTM a contribué aux réformes et à la réorganisation de la défense, au conseil stratégique aux dirigeants du secteur et à l’entrainement de 3000 soldats, hommes et femmes, pour refonder une nouvelle année. Pour accompagner la mise en œuvre du Plan national de la défense, l’Union européenne soutiendra également le déploiement des FACA, dans une perspective d’armée de garnison, de manière coordonnée avec le déploiement des Forces de sécurités intérieures et de l’administration. Des appuis sont prévus à cet effet sur nos différents instruments.
- La justice – Je souhaite féliciter la justice centrafricaine. Les procès organisés par la Cour criminelle de Bangui à l’encontre de chefs de guerre représentent un signal fort vis-à-vis des populations et un message clair aux groupes armés et à leurs parrains, qu’il n’y aura pas d’impunité; que les institutions et le système judiciaire (notamment la Cour pénale Spéciale), sont déterminés à poursuivre la lutte contre l’impunité. C’est une révolution et nous le devons au peuple qui a autant souffert. Je tiens à rappeler que l’Union européenne est le premier partenaire du secteur de la justice en RCA, visant en particulier le système judiciaire national, qui occupe une place centrale dans notre appui, pour pérenniser les efforts de reconstruction de la justice et de l’Etat de droit. L’UE participe aussi au processus pour la mise en place d’un mécanisme de justice transitionnelle, fondé sur la Commission Vérité Justice Réconciliation et Réparation. Et nous invitons les Autorités à avancer dans ce processus qui est primordial pour la paix et la réconciliation.
- Le Dialogue — il y a exactement un an, la réunion de haut niveau de Bruxelles a permis de reprendre l’initiative et de fédérer tous les efforts de paix autour de votre leadership, Monsieur le Président, avec un rôle de facilitation confié à l’Union africaine et au Panel des facilitateurs composé des pays de la sous-région. La paix – comme vous l’avez dit à plusieurs reprises – se fera par le dialogue et pas par la force. Aujourd’hui plus que jamais, cette Initiative est nécessaire, des avancées sont fortement attendues. L’Union européenne reste engagée aux côtes de l’Initiative et à vos côtés à travers un appui politique et technique à la négociation et à travers un travail, main dans la main, pour renforcer l’autorité de l’Etat et rebâtir ses fondamentaux (dans la sécurité, la justice, la gouvernante, les services de bases) qui sont nécessaires pour accompagner ce processus. Mais la mobilisation effective de la sous-région demeure un élément incontournable pour la réussite du dialogue et de tout effort de paix.
- Enfin, le plan de relèvement et de consolidation de la paix, le RCPCA, adopté à Bruxelles en novembre 2016. Un Secrétariat permanent a été mis en place depuis 8 mois pour renforcer la coordination et la mise en œuvre, avec l’appui technique de principaux partenaires. Le deuxième anniversaire du retour à l’ordre constitutionnel a été l’occasion de constater les avancées enregistrées mais de prendre également conscience des défis. Suite aux derniers évènements il est devenu impératif de reprendre le chemin, et d’avancer d’une façon plus rapide et pragmatique pour montrer les fruits concrets du RCPCA. Nous avons, ensemble, une obligation de résultat, le temps n’est pas avec nous, il faut redoubler d’efforts et réoccuper l’espace et le terrain. Tous les outils et les ressources nécessaires sont disponibles. Il nous faut un sursaut de volonté. L’UE pour sa part a augmenté de 20% l’engagement pris à la Conférence de Bruxelles. Notre appui global dépasse largement les 500 millions d’euros et beaucoup de projets sont prêts à être lancés dans les prochaines semaines, dans des domaines qui touchent les besoins des populations. Nous nous rapprochons aussi du deadline de notre appui budgétaire, visant la réforme des finances publiques et l’éducation. Suite à votre demande et à la visite du COPS, l’UE a décidé aussi de fournir un appui technique au Ministère des Mines, dans le cadre de la Présidence européenne du Processus de Kimberly. Cela reconfirme la solidité et l’approche intégrée de notre engagement.
Toutefois de nombreux défis continuent de s’imposer. Tout d’abord les défis sécuritaires et humanitaires. En partenariat avec les Nations Unies, l’Union européenne a apporté près de 45 millions d’euros à la RCA depuis 2017 à travers la mission ECHO et 232 millions d’euros pour le relèvement, à travers le Fonds Bêkou. Cependant, les acteurs humanitaires se trouvent encore aujourd’hui dans une situation de vulnérabilité extrême: l’assistance humanitaire, est attaquée de manière récurrente. Je tiens ici à condamner avec la plus grande fermeté ces attaques faisant de la RCA le pays le plus dangereux pour les humanitaires. Nous appelons le gouvernement centrafricain à redoubler d’effort pour condamner et empecher ces attaques qui constituent une double peine pour la population centrafricaine.
Nous restons persuadés, Monsieur le Président, que nous avons une fenêtre d’opportunité pour une sortie durable de la crise. Les difficultés doivent donc nous pousser à l’action, elles doivent tout d’abord appeler tous les acteurs centrafricains à une prise de responsabilité collective, à un sursaut d’unité et de solidarité nationale.
L’Union européenne, qui depuis les année 60 ne s’est jamais desengagée et qui a au contraire continué à renforcer son engagement aussi au plus fort de la crise, restera toujours mobilisée à vos côtés pour vous aider à redonner à vos populations l’espoir dans l’avenir et la confiance dans les institutions. Nous savons pouvoir compter sur votre vision et sur votre leadership indéfectible, sans lesquels rien ne sera possible.
Comme le disait Jean Monnet, un autre père fondateur du projet européen, «rien n’est possible sans les hommes mais rien n’est durable sans les institutions.» Seul un pays politiquement stable et bien géré, où les principes démocratiques, les libertés et la règle du droit sont garantis, est capable de faire face d’une manière pérenne aux défis du développement et de la sécurité. Pour conclure, quelques remerciements :
A la chorale Foi Et Fraternité qui nous a fait la gentillesse d’interpréter non seulement les deux hymnes, mais des chants autour de l’amitié et de la fraternité qui ont été appréciés à leur juste valeur. Merci à vous.
Aux inventeurs centrafricains, qui créent, innovent et développent dans le cadre de l’Initiative FAB-LAB (contraction de l’anglais «fabrication laboratory », «laboratoire de fabrication ») promu entre autre par l’UE.
Sans un tel Fab-Lab, des innovations locales aussi originales que les bonbons au Moringa, la poudre de mangue ou de légumes séchés ou encore des machines simples comme la décortiqueuse d’arachide ou la machine coupe-légumes et la brouette arrosoir n’auraient jamais pu émerger.
Aux jeunes réalisateurs centrafricains des documentaires des Atéliers Varan 2017, co-financés entre autres par l’UE, qui sont ce soir projétés sur nos écrans. Quelques-uns de ces documentaires a aussi été présenté dans des festivals internationaux de cinéma.
Cela a permis de mettre en lumière l’existence d’un potentiel de croissance endogène de la RCA. Bravo mesdames et messieurs.
Je voudrais également remercier tous nos partenaires centrafricains, les Etats-membres de l’UE, l’EUTM et ECHO (membres de la famille européenne en RCA), les partenaires internationaux (la Minusca en premier, et aussi les agences des NU, la BM, le FMI, l’Union africaine et la CEEAC), les partenaires bilatéraux, pour tout ce que nous avons pu faire ensemble pour ce peuple.
Je tiens à remercier très particulièrement tous mes collègues et collaborateurs de la Délégation. J’en suis très fière. Une équipe d’hommes et de femmes qui viennent des quatre coins de la Centrafrique et des quatre coins de l’Europe. 8 nationalités sont représentées à la Délégation. Chacun apporte sa pierre aux multiples activités menées en faveur de votre pays. La diversité des langues et des cultures au sein de notre équipe est une richesse, dont nous bénéficions grâce à la contribution, de toutes et tous au sein de la Délégation, au retour de la paix en RCA.
Je tiens enfin à féliciter et remercier, à travers vous, Monsieur le Président, vos populations qui ne cessent de faire preuve de résilience et qui motivent et guident nos actions. Et au nom de 600 millions de citoyens européens je leur témoigne notre engagement continu et notre amitié.
Vive l’Union européenne,
vive tous les centrafricains et vive la Centrafrique. Je vous remercie. Singhila Mingui ./.
Seul le discours prononcé fait foi.