Les milices anti-balaka se positionnent désormais à tous les niveaux de la filière diamants sur fond d’effondrement du commerce légal des pierres. C’est ce qui ressort du dernier rapport du panel des experts du Conseil de sécurité des Nations unies sur la Centrafrique.
Dans le sillage du départ des collecteurs musulmans vers leur pays d’origine (Tchad, Mali, Sénégal) ou en direction des villes camerounaises frontalières de Kenzou et de Garoua Boula, les collecteurs chrétiens prennent le relais. Ils sont souvent aussi des commandants locaux anti-balaka, à l’instar de Leonard Bakongo, qui opère dans la ville de Guen, ou encore de Grégoire Moussa, actif à Sasele.
Ces nouveaux collecteurs préfinancent les activités d’extraction des mineurs et achètent ensuite leurs pierres. Une partie de la marchandise est cédée aux comptoirs d’achat encore en activité. Il s’agit, toujours selon les investigations des experts de l’ONU, de la Société centrafricaine de diamants (Sodiam), qui totalisait 8,3 millions de pierres en stock en mars 2014 négociées majoritairement dans l’ouest du pays (villes de Carnot, Guen et Boda), ou encore du Bureau d’achat de diamants en Centrafrique (Badica). Celui-ci avait par exemple acquis près de 293 000 $ de marchandises en avril 2014, principalement en provenance de Sam-Ouandja et de Bria.
Les comptoirs Sud Azur et Socadiam ne disposaient d’aucun diamant quand les enquêteurs se sont présentés en mars. Toutefois, la plus grande partie des pierres sort illégalement faute, entre autres, d’une capacité d’achat légal suffisante dans la capitale. Le rapport désigne ainsi le général Omar Younous de la Séléka, alias “Oumar Sodiam”, comme jouant encore un rôle de premier plan dans le trafic de pierres de Bria et de Sam-Ouandja en direction du Soudan.
Comme le faisait la Séléka avant elles, les milices anti-balaka se positionnent aussi comme les nouveaux protecteurs des collecteurs de diamants. Ainsi, à Carnot, toujours selon le rapport, le chef de la section locale anti-balaka, Aimé Blaise Zoworo, a pris langue avec un certain nombre de collecteurs associés à des comptoirs d’achat pour négocier des contrats de protection en échange de versements d’argent. La Séléka exigeait le paiement mensuel de 400 $ auprès des comptoirs et de 100 $ auprès des collecteurs. Pour les avions affrétés par la Sodiam et Badica pour transférer de la marchandise à Bangui, la Séléka levait une taxe de 75 $ par appareil. Quels seront les tarifs des anti-balaka ?
© Indigo Publications. n°325 du 16/07/2014