Bokaranga : l’indignation des jeunes face aux réquisitions forcées de motos par les FACA

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
À Bokaranga, les soldats FACA, avec leur fâcheuse manière, s’emparent régulièrement des taxis-motos par la force, pillant les moyens de survie des citoyens dans une impunité incroyable.
Une pratique qui empoisonne la vie des jeunes à Bocaranga
À Bokaranga, une ville du nord-ouest centrafricaine déjà touchée durement par les défis économiques et les tensions sécuritaire, les habitants continuent de vivre pourtant sous la menace continue d’un abus intolérable : les soldats des Forces armées centrafricaines (FACA) s’emparent de force des motos, souvent celles des conducteurs de taxis-motos, qui constituent leur unique source de revenus. Ces engins, acquis après des années d’économies, ne sont pas de simples objets. Ils représentent la survie d’une toute une familles entières, permettant aux propriétaires de gagner 4 000 à 5 000 francs CFA par jour pour nourrir leurs proches. Pourtant, les militaires, censés protéger la population, agissent comme des prédateurs, privant les citoyens de leur outil de travail sans scrupule.
À titre de rappel, le prix d’une moto varie entre 500 000 et 1 000 000 de francs CFA, une somme colossale pour des familles modestes. Pour beaucoup, l’achat d’une moto est un investissement collectif, financé par des cotisations familiales ou des emprunts. L’objectif est clair : utiliser la moto comme taxi pour générer un revenu régulier. Mais les soldats FACA, déployés dans la ville, connaissant bien cette réalité, Mais ils préfèrent de s’emparer des motos sous des prétextes farfelu, comme une prétendue urgence militaire, ou parfois sans aucune explication. Une fois prise, la moto peut disparaître pendant des jours, des semaines, voire des mois. Dans le meilleur des cas, elle est rendue après 24 ou 48 heures, souvent abîmée. Dans le pire, elle revient en ruine, inutilisable, ou ne revient jamais. Ce comportement, qui s’apparente à du vol pur et simple, plonge les familles dans le désespoir.
Un exemple d’abus des FACA
Un récent incident à Bokaranga montre l’ampleur de cette injustice. Il y a quelques semaines, un soldat FACA, en uniforme, armé d’un fusil, d’une grenade et d’un couteau de commando, s’est rendu dans un stationnement de taxis-motos. Après avoir examiné les engins, il a choisi une moto en bon état et a exigé qu’on la lui remette pour une soi-disant course urgente. Le jeune conducteur, conscient des risques, a refusé, expliquant qu’aucune urgence officielle n’était signalée dans la ville. Ce courage a déclenché une escalade : le militaire a tiré six coups de feu en l’air pour intimider le conducteur de taxi-moto qui lui faisant la tête .
Les habitants du quartier, alertés par les détonations, se sont rassemblés. Face à la tension, certains ont conseillé au jeune conducteur de céder la moto au soldat FACA. Contraint, le jeune homme a laissé le soldat partir avec sa moto, son seul moyen de subsistance. Une semaine plus tard, au moment où nous écrivons cet article, la moto n’avait toujours pas été rendue, et rien n’indique qu’elle le sera un jour. Ce cas, loin d’être une exception, reflète une pratique courante où les soldats abusent de leur autorité pour s’approprier les biens des civils, sans crainte de conséquences.
Une hiérarchie qui ferme les yeux
Ce qui rend cette situation encore plus scandaleuse, c’est le silence de l’état-major des FACA à Bangui. Malgré les plaintes répétées des habitants, relayées par les médias, aucune mesure sérieuse n’est prise pour mettre fin à ces abus. Les soldats fautifs ne sont ni sanctionnés ni rappelés à l’ordre. Pire, certains témoignages affirment que des officiers supérieurs tolèrent, voire encouragent, ces agissements. Cette absence de discipline transforme l’armée, censée être un pilier de la sécurité nationale, en une menace pour les citoyens qu’elle doit protéger.
Pourtant, des solutions existent. Après des critiques sur les conditions de travail des soldats à Bokaranga, notamment après un incident tragique où des militaires ont dû transporter les corps de leurs camarades tués à Ngoutéré sur des motos réquisitionnées, l’état-major a fourni un Pick-Up et quelques motos aux unités militaire de Bocaranga. Ces équipements devaient permettre aux soldats de se déplacer en cas d’urgence sans dépendre des civils. Mais, au lieu d’utiliser ces ressources, les militaires continuent de s’en prendre aux motos des habitants, souvent pour des besoins personnels, comme faire des courses ou se déplacer en ville. Cette dérive montre que les réquisitions ne répondent plus à des impératifs opérationnels, mais à des abus de pouvoir.
Une dimension politique inquiétante
À Bokaranga, les habitants perçoivent ces exactions comme une forme de punition ciblée. La ville, connue pour son soutien à des figures de l’opposition comme Anicet Georges Dologuélé et Martin Ziguélé, anciens Premiers ministres, semble être visée de manière délibérée. Lors de chaque réquisition, les soldats lancent des remarques provocatrices, comme : « Appelez votre Dologuélé ! Appelez votre Ziguélé ! » Ces propos laissent entendre que les abus seraient une revanche contre une région jugée hostile au pouvoir en place. Cette politisation de l’armée est inquiétante. Elle transforme les FACA en un instrument d’intimidation, loin de leur mission de servir tous les Centrafricains, quelles que soient leurs affiliations politiques.
Cette perception d’une punition collective alimente la frustration des habitants. Ils se demandent pourquoi leur ville, pourtant frappée durement par des défis économiques, doit subir ces injustices. « Si c’est parce qu’on vote pour l’opposition, est-ce une raison pour nous voler nos motos et détruire nos vies ? » s’interroge un habitant. Cette approche diviseuse fragilise l’unité nationale et renforce le sentiment d’abandon chez les populations de Bokaranga.
Un système qui tolère l’anarchie
Au-delà des agissements des soldats, c’est tout un système qui est en cause. L’absence de sanctions, le silence des autorités et la tolérance des abus par la hiérarchie militaire reflètent un dysfonctionnement profond. Comment une armée peut-elle inspirer la confiance si ses membres dépouillent ceux qu’ils sont censés protéger ? Comment un État peut-il prétendre à la légitimité s’il laisse ses forces armées agir comme des bandes armées criminelle ? Ces questions, que se posent les habitants de Bokaranga, résonnent aujourd’hui dans tout le pays.
Le régime en place doit cesser de fermer les yeux. Les réquisitions forcées ne sont pas de simples incidents ; elles sont des actes qui sapent la confiance entre l’État et ses citoyens. Chaque moto volée, chaque famille laissée sans ressources, est une blessure infligée à la cohésion nationale. Les habitants de Bokaranga ne demandent pas la charité ; ils exigent le respect de leurs droits et la fin de ces pratiques indignes.
Il est temps que l’état-major des FACA prenne ses responsabilités. Des enquêtes doivent être ouvertes pour identifier les soldats responsables et leurs complices. Des sanctions exemplaires, comme des suspensions ou des poursuites judiciaires, doivent être appliquées pour montrer que l’impunité n’a plus sa place. Les équipements fournis aux unités de Bokaranga doivent être utilisés à bon escient, et des mécanismes de contrôle doivent être mis en place pour empêcher les abus.
Aux autorités politiques, un message clair : cesser d’instrumentaliser l’armée pour des règlements de comptes politiques. Bokaranga n’est pas un ennemi à punir, mais une partie intégrante de la République centrafricaine. Traiter ses habitants comme des citoyens de seconde zone ne fait qu’aggraver les divisions et fragiliser le pays.
Enfin, aux habitants de Bokaranga, votre colère est entendue. Votre combat pour la justice et la dignité est celui de tous les Centrafricains qui aspirent à un pays où l’armée protège, où les droits sont respectés, et où l’État agit pour le bien commun. Si ces abus persistent, si l’anarchie continue de régner sous couvert d’uniforme, c’est l’avenir même de la nation qui est menacé. Il est temps de dire stop….
Par Simplice Saragba
Journaliste indépendant