Bangui (CNC) – Paraphé à Khartoum (Soudan) et signé définitivement le mercredi 9 février 2019 au Palais de la Renaissance à Bangui, le contenu de l’accord de paix de Khartoum n’en finit pas de susciter de lourdes interrogations.
Pourquoi, au moment de la signature définitive, n’a-t-on pas publié le contenu intégral de cet accord, attendu depuis des mois par un peuple plongé dans une profonde douleur ? Pourquoi en retarder la publication jusqu’à la tenue de l’Assemblée Générale de l’Union Africaine, alors que ce document engage l’avenir de toute une Nation et de son peuple ? Quel facteur inquiétant a empêché d’en donner la primeur à ce qui est la Maison du Peuple, autrement dit à l’Assemblée Nationale centrafricaine ?
Toutes les supputations sont possibles devant de tels agissements. On se demande vraiment quelle peur a commandé cette dissimulation. Car c’en est une ! Est-ce la crainte de la réaction de la population, quand elle s’apercevra qu’elle a été trahie par des responsables qui auront cédé aux rebelles ? Acceptant leurs inacceptables revendications, comme l’impunité et le partage du pouvoir ?
Ni le désarmement – volontaire ou par la force – des bandes armées, ni la libération de toutes les provinces qu’ils ont envahies illégalement, ne figurent, d’après les fuites, dans l’énoncé final de l’accord de paix de Khartoum. Quoi de plus frustrant et angoissant pour un peuple qui a enduré tant de souffrances ? Quant aux autorités centrafricaines, elles semblent être tombées dans l’escarcelle de l’Union Africaine, de l’ONU et des puissances étrangères. Surtout de la France et la Russie qui continuent, dans l’ombre, à gouverner la Centrafrique. Sans oublier les Chinois et les Américains qui sont en embuscade et fourbissent des plans susceptibles de ne servir que leurs intérêts.
Gageons que le contenu de l’accord, rendu public après moult tergiversations, va accroître chez tous les Centrafricains le sentiment d’une trahison. Un autre chaos, encore plus sanglant, ne risque-t-il pas de s’abattre sur le pays de Boganda ? Les palabres de Khartoum ne vont-elles pas en ajouter un autre à celui, déjà prégnant, qui étrangle la République centrafricaine ?
LE PRESIDENT TOUADERA MENACE ?
Si la confirmation de la nomination d’un chef rebelle à la primature s’avérait, comment le président Touadera pourrait-il devenir, en toute sérénité, le dirigeant d’un État bicéphale ? D’autant plus que les chefs de guerre avec lesquels il serait condamné à gouverner n’ont jamais reconnu la légitimité que lui ont accordée les urnes ! Ils étaient même bien décidés à le chasser du pouvoir, ou à opérer une partition du pays.
Les pourparlers de Khartoum ont, décidément, le parfum d’une mascarade montée de l’extérieur. D’une machination ourdie par des forces obscures, pour faire main basse sur la République Centrafricaine, s’emparer de ses immenses richesses naturelles et maintenir les populations dans les ténèbres.
Il faudra beaucoup de pugnacité au président Touadera pour protéger son peuple et préserver l’intégrité territoriale de son pays. Boursouflés de puissance, enivrés par leur soif du pouvoir, comment ces desperados vont-ils accepter de comparaître pour leurs crimes ? Les dissimulations volontaires et les zones d’ombre du traité de paix de Khartoum vont constituer un énorme boulet pour le président Touadera. Une gouvernance partagée avec des criminels risque d’être extrêmement compliquée.
UNE SEULE ISSUE, LE PEUPLE
C’est le peuple qui sera le seul recours pour empêcher le pays de sombrer dans une instabilité sans fin. Il serait peut-être temps, en effet, de lui demander son avis. Afin de rompre cet entre-soi gouvernement- rebelles, qui risque, d’ailleurs, de se transformer en combat de chefs aux conséquences incalculables pour le pays, il faut absolument interroger la population sur cet embrouillamini, sur cette machination dont l’unique but est de remettre la République Centrafricaine aux mains de satrapes étrangers, avides de matières premières. Les citoyens centrafricains n’accepteront jamais un tel destin pour leur pays.
L’accord de paix de Khartoum fait la part trop belle aux séditieux.
Le texte final ne mentionne même pas l’exigence on ne peut plus légitime des Centrafricains, à savoir l’impunité zéro pour les criminels. Il est même écrit que toutes les actions judiciaires seront abandonnées. Quoi de plus scandaleux ? C’est inacceptable et insupportable. Le Président Touadera ne s’est-il pas mis en danger en signant ce papyrus de dupes ?
JOSEPH AKOUISSONNE DE KITIKI
(10 février 2019)