Affaire ACFPE : deux mois après, les couturiers toujours dans l’impasse face au silence d’Annie Michelle Mouanga

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Affaire ACFPE : deux mois après, les couturiers toujours dans l’impasse face au silence d’Annie Michelle Mouanga

 

Les gendarmes, appelés en urgence par la ministre du travail Annie Michelle Mouanga pour venir déloger les couturiers stylistes au sein de l'ACFPE le vendredi 12 septembre 2025. Photo CNC
Les gendarmes, appelés en urgence par la ministre du travail Annie Michelle Mouanga pour venir déloger les couturiers stylistes au sein de l’ACFPE le vendredi 12 septembre 2025. Photo CNC

Rédigé le 13 novembre 2025 .

Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC). 

Deux mois. Cela fait exactement deux mois que les couturiers stylistes formés à l’ACFPE errent dans les quartiers de Bangui sans moyens, sans travail, sans perspectives. Leurs machines à coudre restent enfermées dans les locaux de l’Agence Centrafricaine pour la Formation Professionnelle et l’Emploi. Leur équipement, leur gagne-pain, tout est bloqué. Et pendant ce temps, la ministre Annie Michelle Mouanga, celle qui les a recrutés en 2022 avec de belles promesses avant de les exploiter pendant trois ans et demi, fait comme si ces jeunes n’existaient pas.

Souvenez-vous, le 12 septembre dernier, sur ordre de la ministre Annie-Michelle Mouanga, la gendarmerie avait expulsé ces artisans de leurs ateliers. Depuis, ces jeunes ont tout tenté pour faire entendre leur voix, pour récupérer leurs outils, pour obtenir justice. Mais ils se heurtent partout au même système : la dictature du silence.

Fidèle Gouandjika : “On ne peut pas critiquer les ministres” sur mes antennes….
Après leur expulsion, les couturiers ont d’abord voulu alerter l’opinion publique sur leur situation. Ils se sont rendus à la radio de Fidèle Gouandjika, le ministre conseiller spécial du président Faustin-Archange Touadéra, qui anime lui-même son antenne. Les jeunes pensaient trouver là une oreille attentive pour exposer leur situation.

Voici l'atelier de couture installé au sein de l'ACFPE, où les couturiers stylistes centrafricains font leurs activités
Voici l’atelier de couture installé au sein de l’ACFPE, où les couturiers stylistes centrafricains font leurs activités. Photo CNC

Fidèle Gouandjika les a effectivement reçus. Il leur a posé des questions. Il a écouté leur histoire. Mais quand ils ont voulu parler de la responsabilité de la ministre Annie-Michelle Mouanga, la réponse a été cinglante : “Sur mon antenne, on ne peut pas critiquer les ministres. On ne peut pas critiquer Mme Mouanga quand vous n’êtes pas membres de sa famille, et elle accepte de vous héberger gratuitement à l’ACFPE, vous devez dire merci seulement  “.

Et le ministre conseiller spécial du président a poursuivi, avec un cynisme désarmant : “Elle a bien fait de vous héberger à l’ACFPE pendant trois ans pour vous former. Maintenant c’est fini. Elle vous chasse peut-être pour récupérer la salle pour d’autres activités. Ou peut-être qu’elle veut ramener des membres de sa famille. C’est son droit, c’est la ministre“.

Autrement dit : circulez, il n’y a rien à voir. Une ministre peut exploiter des jeunes pendant trois ans, capter tous les financements internationaux destinés à leur formation, puis les jeter à la rue comme des malpropres. Et il faudrait se taire parce que “c’est la ministre”.

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Les couturiers stagiaires

La radio Ndèkè-Luka : la peur de la censure….
Face à cette fin de non-recevoir de la part du ministre conseiller Fidèle Gouandjika, les couturiers se sont tournés vers la radio Ndèkè-Luka, une station qui se présente comme indépendante. Là au moins, ils ont pu raconter leur histoire. Les journalistes de cette station ont enregistré l’information, pris leurs témoignages, documenté leur situation.

Mais pour diffuser, il fallait respecter les règles du journalisme : recouper l’information, demander la version de la ministre. Les journalistes de Ndékéluka se sont donc rendus au ministère du Travail pour solliciter une interview avec Annie Michelle Mouanga.

Résultat : silence radio. La ministre refuse de recevoir les journalistes. Elle ne répond pas aux demandes d’interview. Et quand les journalistes insistent, on leur explique que “la ministre est à l’étranger”, “la ministre est occupée”, “la ministre est sortie”. Ou alors : “Voyez avec le directeur.” Mais le directeur lui aussi est “occupé”, lui aussi refuse de parler.

Face à ce mur de silence, la radio Ndèkè-Luka a compris le message. Publier ce reportage sans la version de la ministre serait trop risqué. Dans la Centrafrique de Touadéra, critiquer un ministre peut vous coûter votre antenne. La radio Ndèkè-Luka a donc préféré ranger le reportage dans un tiroir.

Comme l’explique un membre de la société civile centrafricaine avec amertume : “C’est la dictature. Même les radios indépendantes doivent se taire. Parfois tu joues du côté du gouvernement, parfois tu joues dans le milieu. Mais tu ne peux jamais vraiment critiquer”.

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Les couturiers avec leur formatrice

Le médiateur renvoie vers le Premier ministre….
Devant l’impossibilité de faire entendre leur voix dans les médias, les jeunes couturiers ont décidé de saisir les institutions. Ils se sont rendus chez le médiateur de la République, Laurent Gon-Baba, espérant trouver là quelqu’un capable d’arbitrer ce conflit.

Le médiateur les a reçus. Il a écouté leur histoire. Et sa réponse a été diplomatique : “De mon côté, je prends note de votre dossier. Mais je vous conseille d’aller voir le Premier ministre. Expliquez-lui votre situation. C’est lui le chef hiérarchique de la ministre du Travail Annie-Michelle Mouanga “.

Autrement dit, le médiateur de la République considère que ce conflit dépasse ses compétences. Il renvoie les couturiers vers la Primature. Message implicite : si même le médiateur n’ose pas affronter Annie Michelle Mouanga, c’est que cette femme dispose d’une protection solide.

À la primature, un colonel qui enregistre les couturiers … puis plus rien….
Les couturiers ont suivi le conseil du médiateur. Ils se sont rendus au cabinet du Premier ministre. Là, ils n’ont pas été reçus par le chef du gouvernement lui-même, mais par un colonel chargé de gérer les conflits et les doléances.

Ce colonel les a écoutés attentivement. Il a même enregistré leurs voix sur son téléphone, expliquant qu’il allait faire écouter ces témoignages au Premier ministre pour l’informer de la situation. Les jeunes sont repartis avec un espoir : enfin, leur dossier allait remonter jusqu’au sommet de l’État.

Quelques jours plus tard, ils ont rappelé le colonel pour connaître la suite. Sa réponse les a remplis d’espoir : “Le Premier ministre a demandé à Mme Annie Michelle Mouanga de vous rencontrer pour débattre du problème. Elle doit vous recevoir.”

Mais les jours ont passé. Les semaines ont passé. La ministre n’a jamais contacté les couturiers. Elle n’a jamais fixé de rendez-vous. Elle fait comme si l’instruction du Premier ministre n’existait pas.

Quand les jeunes ont rappelé le colonel pour s’en plaindre, il leur a promis de faire un nouveau compte rendu au Premier ministre. C’était il y a plus d’une semaine. Depuis, silence total. Le colonel ne rappelle pas. La ministre ne bouge pas. Et les couturiers attendent.

Le bras de fer d’une ministre contre des jeunes impuissants
Cette situation est proprement scandaleuse. Annie Michelle Mouanga, ministre de la République, mère de famille comme elle aime le rappeler, fait un bras de fer avec des jeunes qu’elle a elle-même exploités pendant trois ans et demi.

Ces jeunes n’ont rien fait de mal. Ils ont répondu à un appel du ministère du Travail en 2022. Ils ont accepté de suivre une formation. Ils ont cru aux promesses de la ministre. Ils ont travaillé pour elle, cousu des uniformes, participé à des défilés. Et quand elle n’a plus eu besoin d’eux, quand elle a voulu récupérer leurs ateliers pour installer son restaurant privé, elle les a jetés à la rue.

Et maintenant, elle verrouille tout. Elle refuse de les rencontrer. Elle refuse de parler aux journalistes. Elle ignore les instructions du Premier ministre. Elle se comporte comme une intouchable, persuadée que sa proximité avec la famille Touadéra la met au-dessus des lois.

Pendant ce temps, ces jeunes couturiers souffrent. Ils ont des familles à nourrir. Ils ont des enfants qui attendent. Mais leurs machines restent sous scellés à l’ACFPE. Leur matériel est bloqué. Ils ne peuvent pas travailler. Ils ne peuvent pas gagner leur vie. Et personne ne leur vient en aide.

Comme le dit l’un d’eux avec colère : “Elle dit qu’elle est ministre. Elle dit qu’elle est mère de famille. Mais les enfants des autres, elle veut juste les exploiter. C’est comme si tu tiens un citron : tu presses le jus et tu jettes l’écorce. Nous, on est l’écorce.”

Combattre une femme ministre avec tous ses attribues, c’est difficile”…
Dans les quartiers de Bangui, certains commentent cette affaire avec un certain fatalisme. Comme le dit Solonge Seregaza , un cadre de la fonction publique : “Combattre une femme ministre, c’est difficile. Une femme, c’est une femme d’abord. Elle fait la bataille avec ses attributs que Dieu lui a donné. En plus une ministre, ses attribues ont plus de valeur… “.

Cette remarque, aussi maladroite soit-elle, pointe vers une réalité : Annie Michelle Mouanga utilise tous les leviers à sa disposition pour écraser ces jeunes couturiers. Sa position de ministre. Sa proximité avec le pouvoir. Les protections dont elle bénéficie. Et face à elle, des jeunes désœuvrés, sans moyens, sans avocats, sans défenseurs.

Mais comme le rappellent les couturiers eux-mêmes : “Tout n’est pas éternel. Il y a eu un début, il y aura une fin. Aujourd’hui elle est au pouvoir et elle fait sa médecine. Demain elle ne sera plus au pouvoir. Elle dira quoi ?”

Cette phrase contient une vérité essentielle : les pouvoirs passent, mais les actes restent. Annie Michelle Mouanga ne sera pas ministre toute sa vie. Le jour où elle perdra cette protection, le jour où elle se retrouvera elle aussi citoyenne lambda, elle regrettera peut-être d’avoir traité ces jeunes avec autant de mépris.
Par Alain Nzilo

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