Les participants au forum de Brazzaville pour la paix en Centrafrique sont parvenus, après un véritable parcours du combattant, à un accord de cessez-
le-feu, qui, certes a un arrière goût d’inachevé, mais est quand même bon à prendre. En effet, l’arrêt des hostilités entre la Séléka et les anti-Balaka, auquel les protagonistes se sont engagés dans un contexte marqué par des exactions imputables aux deux camps, peut produire, un tant soit peu, un répit qui pourrait être mis à profit par les frères ennemis centrafricains pour réapprendre à vivre ensemble.
La signature des représentants engagera-t-elle les états-majors ?
De ce point de vue, l’on peut déjà saluer l’action de Denis Sassou-Nguesso qui a réussi le tour de force, au moment où tout le monde s’attendait à ce que le forum se terminât en queue de poisson, à arracher un accord dont l’objectif principal est de mettre un terme à la violence en RCA. Tout en saluant le travail qui a été abattu par le médiateur, l’on ne peut s’empêcher de se poser la question de savoir si ce bébé, qui est venu par césarienne, a des chances de survivre. Sans vouloir forcément jouer les Cassandre, l’on peut être tenté de répondre par la négative au regard des considérations suivantes.
D’abord, l’on peut se demander si la signature de Patrice-Edouard Ngaissona pour les anti-Balaka et celle de Mohamed Moussa Dhaffane pour la Séléka, engageront réellement les états-majors des deux entités qui sont, on le sait, au cœur de la problématique centrafricaine. Rien n’est moins sûr. Déjà, des voix discordantes se font entendre, notamment au sein de la Séléka. La même discordance pourrait être constatée du côté des anti-Balaka, qui passent pour être une organisation nébuleuse pilotée par plusieurs chefs de guerre et autres gourous qui prêchent chacun pour sa propre chapelle. Il n’est donc pas exclu que l’on assiste dans les prochains jours à une sortie de l’un d’eux, qui viendrait remettre en cause la légitimité de Patrice-Edouard Ngaissona.
La RCA n’est pas encore sortie de l’auberge
Autre élément qui invite au pessimisme est le fait de n’avoir pas prévu dans l’accord le désarmement des miliciens. En effet, quand on connaît l’indiscipline caractérisée des éléments de la Séléka et des anti-Balaka et quand on sait qu’ils ne répondent pratiquement de personne, l’on peut affirmer sans risque de se tromper que la RCA n’est pas encore sortie de l’auberge. Cantonner des éléments de cet acabit et les laisser avec leurs armes, apparaît comme une opération absurde qui, visiblement, ne peut pas faire avancer la cause de la paix en RCA.
En réalité, l’accord auquel les frères ennemis centrafricains sont parvenus à Brazzaville, profite plus à Sassou-Nguesso qu’à la RCA. Il aurait été plus intéressant d’échanger à Brazzaville avec les vrais acteurs de la crise, que d’y convier à la va-vite des personnages anodins pour échanger sur des questions sur lesquelles ils n’ont aucune emprise. De ce point de vue, Michel Djotodia et le Général Bozizé avaient leur place à Brazzaville. L’on peut certainement formuler contre eux beaucoup de griefs, mais leur voix pourrait être plus audible auprès des militants de la Séléka et des anti-Balaka. Pour éteindre un incendie, ne dit-on pas que l’on n’a pas besoin d’eau propre ? Comme il n’est jamais tard pour bien faire, l’on pourrait les mettre à contribution dans les rounds qui vont certainement suivre Brazzaville et qui doivent en principe se passer sur le sol centrafricain. C’est peut-être à ce prix que l’on pourrait trancher véritablement toutes les questions qui sont au centre de la crise centrafricaine.
Pousdem PICKOU
Par: Le Journal Le Pays