Haut-Mbomou : à Zémio, les handicapés face à la guerre

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Depuis le soir du 30 avril 2025, Zémio, dans le Haut-Mbomou, vit sous les tirs des armes lourdes et légères. Les handicapés, incapables de fuir, sont abandonnés à leur triste sort.
En effet, depuis le soir du 30 avril 2025, à 20h30, Zémio, sous-préfecture du Haut-Mbomou en République centrafricaine, est plongée dans une crise armée d’une violence extrême. Les combats, déclenchés à trois kilomètres de la ville, dans la localité de Koumboli, opposent les miliciens azandés aux forces gouvernementales, incluant les Forces armées centrafricaines (FACA), des gendarmes, des policiers et des mercenaires russes. Les Casques bleus de la MINUSCA, présents dans la ville, luttent avec les forces gouvernementales pour contenir une situation qui s’aggrave de jour en jour. Les affrontements, intensifiés les 1er, 2 et 3 mai, ont transformé Zémio en une ville fantôme où les détonations d’armes dominent, obligeant la population à vivre dans la peur ou à fuir.
Le Haut-Mbomou, frontalier avec la République démocratique du Congo (RDC) et le Soudan du Sud, est une région stratégique mais instable, caractérisée par des tensions intercommunautaires et des groupes armés actifs depuis des décennies. Si des villes comme Mboki, Rafaï, Bambouti, Djemah et Obo subissent également des violences, Zémio est aujourd’hui l’épicentre du conflit. Limitrophe de la RDC, la ville est un point de passage pour les groupes armés, aggravant son enclavement, surtout en saison des pluies, lorsque les routes deviennent impraticables. Historiquement, la région a servi de base arrière à des groupes comme la LRA de Joseph Kony, et les tensions interreligieuses entre chrétiens et musulmans, souvent exploitées par les milices, alimentent l’insécurité.
La violence a provoqué un exode massif. Plus de 3 000 civils ont fui Zémio pour rejoindre la RDC, tandis que d’autres ont trouvé refuge dans l’église catholique de la ville ou dans des abris improvisés, comme des écoles abandonnées. Les habitants restants vivent terrés, évitant les rues où les tirs sont incessants. Dans ce chaos, les personnes handicapées sont les plus vulnérables. Incapables de courir ou de se déplacer rapidement, elles se retrouvent piégées, sans moyen de fuir les combats. Un témoin de Koumboli explique : « Les aveugles ne savent pas où aller, les amputés ne peuvent pas suivre les autres. » Marie, amputée des deux jambes, incarne ce désespoir. Installée depuis trois mois dans une école abandonnée à Zémio, elle raconte : « Quand les tirs commencent, je reste sous mon lit. Personne ne vient m’aider à fuir ». Son témoignage reflète une réalité saisissante : les personnes handicapées sont souvent laissées à l’abandon, sans aide pour évacuer ou se protéger.
Les infrastructures de Zémio, déjà en état chaotique, sont paralysées par le conflit. Les centres de santé, indispensable pour les personnes handicapées nécessitant des soins réguliers, sont soit fermés, soit inaccessibles en raison des combats. Selon l’Association Handicap International Haut-Mbomou, 85 % des handicapés de la zone n’ont pas accès à des services médicaux, et un seul fauteuil roulant est disponible pour 50 personnes en besoin. Cette pénurie de matériel adapté aggrave leur dépendance. Par exemple, un homme en fauteuil roulant, bloqué dans sa cour pendant les combats, criait à l’aide sans que personne ne puisse intervenir, selon un habitant. Les routes boueuses, typiques de la saison des pluies de mai à octobre, rendent tout déplacement impossible, même pour les rares organisations humanitaires encore actives.
L’aide humanitaire, déjà limitée, est entravée par l’insécurité. En 2024, trois bases de Médecins Sans Frontières et de la Croix-Rouge ont fermé dans le Haut-Mbomou, laissant les populations sans soutien. Les distributions de vivres, lorsqu’elles ont lieu, sont souvent pillées avant d’atteindre les plus vulnérables, comme les handicapés. Face à ce vide, des initiatives locales émergent. L’église Saint-Pierre de Zémio accueille 12 personnes handicapées, mais sans ressources médicales ni nourriture suffisante. Ailleurs, des habitants fabriquent des béquilles artisanales avec des branches d’arbre, un effort louable mais insuffisant face à l’ampleur des besoins.
Les personnes handicapées affrontent des obstacles spécifiques qui amplifient leur vulnérabilité. Les routes impraticables et les bâtiments non adaptés les privent de toute autonomie. Les sourds n’entendent pas les tirs ni les annonces d’évacuation, tandis que les aveugles manquent de guides pour se mettre à l’abri. À ces barrières physiques s’ajoute une marginalisation sociale : dans certaines communautés, des croyances associent le handicap à une malédiction, réduisant la solidarité envers ces personnes. Ces facteurs les rendent dépendantes d’une aide extérieure, qui fait cruellement défaut. Les témoignages sont accablants : des handicapés sont abandonnés dans des maisons ou des abris de fortune, sans moyen de rejoindre des zones sécurisées.
Certains observateurs centrafricains proposent des mesures nécessaires pour répondre à cette crise. Selon eux, des couloirs humanitaires doivent être négociés avec les FACA, la MINUSCA et les groupes armés pour acheminer nourriture, eau et matériel médical. Des kits d’urgence adaptés aux handicapés, incluant sifflets, lampes torches et réserves d’eau, permettraient de signaler leur présence en cas de danger. Des protocoles d’évacuation prioritaire doivent être mis en place pour identifier et déplacer les personnes handicapées vers des zones sûres. À plus long terme, former les leaders religieux et communautaires pourrait encourager la solidarité et déconstruire les préjugés sur le handicap. Investir dans des abris et centres de santé accessibles, même en temps de crise, est également essentiel pour éviter que les handicapés ne soient systématiquement laissés pour compte.
Zémio incarne les défis d’une région où les conflits armés aggravent les vulnérabilités existantes. Les efforts locaux, comme l’accueil par l’église catholique ou la fabrication de béquilles artisanales, témoignent d’une résilience remarquable, mais ils ne peuvent compenser l’absence d’une intervention coordonnée. La situation des personnes handicapées, bien que particulièrement critique, reflète un problème plus large : l’incapacité actuelle à protéger les plus fragiles dans un contexte de guerre….
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