Ce samedi 28 juin 2014, l’association présidée par Me Michel Langa, avocat au barreau de Paris, a organisé un forum à La Maison des Associations dans le 15ème arrondissement de Paris, rue Dantzig.
Voici les noms des orateurs : Emmanuel Dupuy, Président de l’IPSE, Gabriel Nzambila, sénateur congolais, Nestor Bidadanure, Général Francis Brossard, expert près de l’ONU, Pr. Victor Topandu, ancien ministre de la Justice du Bénin, Me Edith Douzima, avocate au Barreau de Bangui, Mme Edwige Dondra (Femmes en danger ), Robert Navarro, journaliste à RFI, , Vincent Mambachaka, , Agba Otikpo Mézodé, ancien Ministre de l’Education, Mme Barbara Bazoly, Francis Laloupo, journaliste (excusé), Jean-Pierre Redjekra, Président de la Ligue pour l’Education, Dr Essomba Désiré, Jean-Baptiste Harelimana, reponsable du Pôle Economie de l’Institut Afrique Monde.
Bien que certains intervenants se soient excusés, on a écouté au moins 9 communications. La modération assurée par Nicolas Abena ( I.Magazine) et Victor Bissengué (Anthropologue) a suscité des idées fort intéressantes sur l’avenir de La Centrafrique. Le chargé de la communication, Jean-Claude Yombot, a permis, par la suite, d’affiner les idées autour du sénateur Gabriel Nzambila, un proche du médiateur congolais dans la crid=se centrafricaine.
Après avoir fait un état des lieux de la situation sur le terrain, la plupart des orateurs en sont arrivés à un constat d’échec. Tout ce qui semble avoir été mené jusque-là pour parvenir à des accords de paix a échoué. Et ; à ce jour, la situation ne prête guère à l’optimisme. La plupart des leaders politiques pensent plus aux élections prévues en 2015 (c’est-à-dire à leur propre survie) qu’à sauver un pays où, par exemple, les appareils de l’Etat (l’école, l’armée, la police, l’administration…) sont inopérantes.
Les seules structures qui semblent marcher sont les milices. D’où ce dilemme soulevé durant les débats « on doit songer éduquer, faire des mises à niveau des enseignants, encourager la formation professionnelle » alors que l’Etat centrafricain est un « cadavre » (certes) qui demande d’être « ressuscité » . Que faire ?
Fatalisme
Les milices : voilà le drame centrafricain. Le binôme Séléka/Antibalaka illustrerait au bout du compte un cercle infernal dont les acteurs (médiateurs et belligérants) semblent être prisonniers. Personne ne sait comment s’en sortir, et pourtant tous condamnent cet état de fait. Est-ce cela la fatalité ? Tous déclarent qu’en réalité les Centrafricains, musulmans et chrétiens, s’aiment ; L’Evêque de Bangui accorde l’asile à l’Iman de la ville.
Aussi, lâchons le mot : il y a instrumentalisation des tensions religieuses. Mais alors qui manipule ? Pourquoi manipule-t-on ? Qui est manipulé ? On connaît les enjeux de lutte : ça peut-être le pétrole comme au Congo, le bois, la faune, les minerais on shore. Le diamant pullule en Centrafrique. Le pétrole aussi, dans le nord, ver la frontière avec le Tchad. Qui dit Tchad, dit « Séléka » , dit Michel Djotodia, dit Idriss Déby dit françafrique… Le mal centrafricain viendrait-il de là ?
Il aura suffi d’écouter les différents exposés pour se rendre compte que la paix en RCA mettra du temps avant de pointer à l’horizon. L’heure est grave et rien n’est fait (en tous cas pas suffisamment) pour désarmer les milices sur le terrain. Au contraire, les méthodes employées jusque-là (tant par la MISCA que par L’Opération SANGARIS) concourent à renforcer la crise, voire le chaos. Comment comprendre, en effet, que les missions militaires qui coûtent excessivement cher soient privilégiées au détriment des projets de développement. A quoi alors servent ces missions ? A sauver les peuples en danger ? Pourquoi alors l’opération « Sangaris » peine-t-elle à instaurer la paix plus de six mois après de son déploiement ?
Répondant à nos questions sur la présence de l’armée française en Centrafrique, Me Michel Langa ne regrette pas d’avoir manifesté devant l’Ambassade à Paris pour l’envoi des forces françaises en RCA : « Cela a permis de sauver des vies humaines. »
800 milles euros : c’est ce que dévore par jour une opération militaire comme « Sangaris ». « Donnez des emplois à ces jeunes miliciens et vous verrez que la guerre sera finie » .
Désordre
Jugez que plus aucune école ne fonctionne dans ce pays vaste comme La France et La Belgique réunies. Grand château d’eau d’Afrique, l’agriculture y est inexistante. En y cherchera, en vain, les ingénieurs agricoles et, bien entendu des étudiants en agriculture. « Il faut relancer la formation scolaire » exigent nombre d’ONG.
« Oui mais avant d’éduquer il faut réparer les traumatismes psychologiques dus à la guerre » préconisent d’autres ONG ; et les indicateurs du désordre (viol des femmes, le vols et des pillages ) sont autant de facteurs de pathologies psycholoques.
La médecine de guerre pourrait jouer un rôle. Malheureusement dans nos guerres africaines, les conventions de Genève ne comptent point. Ici, lorsque les milices se battent on n’hésite pas de tirer sur les ambulances, d’attaquer les hôpitaux, d’exercer des chantages sur les médecins ; parfois ceux-ci sont simplement abattus. Selon le Dr Clément Atché, l’accès aux malades et aux blessés de guerre renvoie à des démarches thérapeutiques irréalisables en raison des distances et de la dangerosité du terrain conflictuel. Antibiotiques et antidouleurs demeurent les seules institutions de la médication auxquelles doivent souscrire les ONG qui veulent aider.
Autant dire que l’état de guerre ruine les volontés médicinales. De ce fait « les hommes qui nous dirigent ne se rendent pas compte (avant de la perdre) que la paix est une richesse inestimable. »
Les racines du mal
Cette perte de la paix trouve, du reste, ses racines dans la propre histoire des Centrafricains faites de discriminations et d’exclusions des dispositifs administratifs auprès des Peuls musulmans des provinces reculées. Ce qui fait dire à certains que l’ennemi du Centrafricain c’est le Centrafricain. Ces minorités marginalisées se sont alors situés dans un esprit de révolte en raisonnant selon la logique suivante : « pour commander il faut s’allier à des étrangers » en d’autres termes des Soudanais, des Tchadiens “des musulmans comme nous”
Une hypothèse est que la guerre en Centrafrique est le résultat de cette haine des musulmans jadis refoulée aujourd’hui extériorisée. L‘explication vaut ce qu’elle vaut car nombre d’observateurs s’insurgent contre l’idée que la guerre centrafricaine relève de la guerre des religions. « Mais en quoi les musulmans se sentent-ils discriminés alors qu’ils détiennent la quasi-totalité des commerces. En d’autres termes, détiennent le pouvoir économique ? » s’est interrogée Mme Edwige Dondra ( Femmes en danger ) .
Jeux inter-villes
Le parallèle a été fait avec la situation ivoirienne où le conflit a opposé le nord musulman au sud chrétien. Même si, a ironisé Robert Navarro, journaliste à RFI, l’Etat ivoirien a importé de France le concept des « jeux inter-villes » pour réconcilier la nation, le pays de Laurent Gagbo et d’Alassane Ouattara a réussi tant bien que mal à sortir de la quadrature du cercle. Un intervenant ivoirien a demandé s’il y avait des musulmans dans la salle.
C’est le moment de rappeler que la question de la représentativité demeure un enjeu de taille sur la crédibilité des associations centrafricaines de la diaspora.
Laïcité
De ce fait, reçue ce dimanche 29 juin par Monsieur André Nzayapéka, Premier Ministre centrafricain en visite en France, l’ARC de Me Michel Langa entre autres associations, a présenté la Charte amendée durant le forum de la veille. Ce document inspiré de la Charte de Mandé (Mali), met en son centre la notion de « laïcité ». Un représentant centrafricain de confession musulmane s’est enquis du terme « laïcité ». Explication lui a été donnée. On entend par la laïcité d’un Etat le fait qu’il y a séparation entre le religieux et le temporel tandis que la liberté de pratiquer sa foi dans la tolérance est garantie.
La caravane de la paix
Enfin l’une des solutions de paix qui s’est dégagée est celle préconisée par le sénateur Gabriel Nzambila, président de la commission « Défense » au Sénat congolais. Il s’agit de la caravane de la paix. « Cette idée a été inspirée par Youlou et Opangault en 1959 après la guerre civile au Congo. Les deux leaders sillonnèrent Brazzaville dans la même voiture. Ce geste symbolique, fort, apaisa les tensions. Et la réconciliation fut effective. Nous préconisons la même chose à Bangui » a expliqué le parlementaire congolais.
La reprise des activités associatives de L’ARC a été fixée au mois de septembre où se tiendra l’université d’été avec, en prime, des ateliers thématiques comme, par exemple, la violence faite aux femmes et aux enfants en temps de guerre.
D. Bimbou