À Béloko, la police saisit l’alcool frelaté venu du Cameroun pendant que Wagner inonde le marché centrafricain
Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
La police de Béloko, située à 560 km de Bangui, a procédé ce jeudi 16 janvier 2025 à la saisie et l’incinération d’importantes quantités d’alcool frelaté et de cannabis. Le commissaire spécial Désiré GONDI précise que 416 cartons de boissons alcoolisées illégales et une cinquantaine de kilogrammes de cannabis ont été interceptés à bord de deux véhicules de transport.
“Ces produits représentent une valeur marchande d’environ 12 millions de francs CFA. Les cartons sont achetés à 13 500 francs pièce et revendus entre 18 000 et 22 000 francs à Bangui”, détaille le commissaire GONDI.
L’incinération s’est déroulée en présence des autorités administratives locales et des représentants de la MINUSCA. La police annonce des mesures de répression renforcées. “Désormais, tout véhicule transportant ces produits illicites sera verbalisé. Les contrevenants devront payer une amende équivalente au double de la valeur marchande de la marchandise saisie”, précise le commissaire.
Il s’agit de la quatrième opération de ce type menée par la police de Béloko. Les saisies interviennent après les arrêtés du ministère de la Santé interdisant la commercialisation d’alcool frelaté sur le territoire national.
Le commissaire souligne que la lutte contre ce trafic se poursuivra : “Nous continuerons nos opérations pour décourager ceux qui pensent être plus malins que les forces de l’ordre.”
Les réseaux parallèles de Wagner
Pendant que la police intensifie ses opérations contre l’alcool frelaté aux frontières, le groupe Wagner a établi sa propre industrie de production d’alcool dans le pays. Une importante unité de production a été installée au PK26 sur la route de Boali, à 26 kilomètres de Bangui. Cette usine alimente un vaste réseau de distribution couvrant la capitale et les provinces.
“La production est visible et massive. Des camions quittent quotidiennement l’usine du PK12 pour approvisionner les points de vente dans toute la ville”, témoigne un habitant du quartier qui souhaite rester anonyme pour des raisons de sécurité.
Les mercenaires russes ont également établi des dépôts de stockage et de distribution dans plusieurs villes, y compris à Béloko où les forces de l’ordre viennent de procéder aux saisies. “Les produits Wagner sont vendus ouvertement, au même prix que les alcools frelatés que nous saisissons”, confie une source au sein des services de douane.
Risques sanitaires majeurs
Des analyses effectuées sur ces alcools produits par Wagner révèlent des mélanges dangereux. “Il s’agit principalement de vodka de mauvaise qualité, coupée avec de l’eau non traitée et d’autres substances”, explique un ancien travailleur de Wagner. “Nous recevons régulièrement des cas d’intoxication grave liés à la consommation de ces produits“, explique un agent de santé de l’hôpital communautaire de Bangui.
Le contrôle du marché
Cette situation montre l’emprise croissante du groupe Wagner sur l’économie centrafricaine. Les saisies aux frontières, bien que légitimes dans leur principe, semblent également servir à éliminer la concurrence d’autres réseaux de distribution d’alcool.
“Wagner cherche à établir un monopole sur le marché de l’alcool en République centrafricaine”, analyse un expert en économie politique basé à Bangui. “Les autorités n’ont ni les moyens ni la volonté politique d’intervenir sur leurs activités“.
Le silence des autorités
Interrogé sur la présence de ces réseaux parallèles, un officier de police de Béloko reste évasif : “Notre mission est d’appliquer les arrêtés ministériels interdisant le commerce d’alcool frelaté. Nous agissons dans le cadre de nos compétences“.
Du côté du ministère de la Santé, aucune réponse n’a été apportée concernant les activités de production d’alcool du groupe Wagner, malgré les risques sanitaires avérés. Cette situation souligne le paradoxe d’une lutte contre l’alcool frelaté qui semble épargner certains acteurs.
Impact économique et social
Les commerçants centrafricains dénoncent une concurrence déloyale. “Nous sommes pris entre les saisies des forces de l’ordre d’un côté et la domination de Wagner sur le marché de l’autre”, déplore un vendeur du marché Combattant de Bangui.
L’implantation de cette industrie parallèle a des répercussions importantes sur l’économie centrafricaine. Les petits commerces traditionnels peinent à survivre face à ce réseau structuré qui bénéficie d’une apparente immunité.
Perspectives
Alors que les autorités maintiennent leur politique de répression aux frontières, l’expansion des activités de Wagner dans le secteur de l’alcool frelaté ne semble pas près de s’arrêter. Cette situation pose des questions sur la souveraineté de l’État et sa capacité à réguler le commerce sur son territoire.
La présence de ces réseaux parallèles compromet également l’efficacité des mesures de santé publique. Les risques sanitaires liés à la consommation d’alcool frelaté restent majeurs, tandis que les structures de production continuent de se développer en toute impunité.
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