Le monstre juridique de Touadéra : un député en exercice déclaré apatride, ou comment le régime crée des absurdités pour éliminer ses adversaires

Rédigé le 13 novembre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
Dans sa lettre du 14 octobre 2025, Anicet-Georges Dologuélé soulève une question juridique qui devrait stupéfier tous les observateurs : comment peut-on être simultanément député en exercice et apatride ? Cette situation absurde, ce monstre juridique créé par le régime Touadéra, montre à quel point le gouvernement est prêt à violer toute logique légale pour éliminer ses adversaires politiques.
Voici ce que dit Dologuélé : “Quand on voit sur sa page Facebook, le courrier, que le ministère de l’administration de l’éducation, le ministère de la sécurité publique l’a envoyé, qu’il ait déclaré selon lui apatride, ça veut dire un député en exercice qui est apatride, comment comprendre cela aujourd’hui ? C’est ça le paradoxe et les gens se demandent pour quelles raisons».
Et plus tôt dans sa lettre, Dologuélé rappelle : “C’est toujours mon certificat de nationalité qui m’a permis de briguer la circonscription électorale de Bocaranga 1 et d’y avoir été élu Député de la Nation depuis bientôt dix ans».
Analysons cette situation ubuesque. Anicet-Georges Dologuélé est député de la circonscription de Bocaranga 1 depuis bientôt dix ans. Il a été élu en 2016, réélu en 2020. Il siège à l’Assemblée Nationale. Il participe aux débats parlementaires. Il vote les lois. Il représente officiellement les citoyens de Bocaranga 1 au sein de l’institution législative de la République Centrafricaine.
Pour être député, il faut remplir des conditions constitutionnelles strictes. L’une des plus fondamentales est d’être citoyen centrafricain. Un apatride, par définition, ne peut pas être député. Un étranger ne peut pas être député. Seul un citoyen centrafricain peut représenter le peuple centrafricain à l’Assemblée Nationale.
Dologuélé a rempli toutes ces conditions quand il s’est présenté aux élections législatives en 2016 et en 2020. Il a fourni son certificat de nationalité. La Cour Constitutionnelle a validé sa candidature. Les électeurs de Bocaranga 1 l’ont élu. Il a prêté serment comme député. Il exerce son mandat parlementaire depuis bientôt dix ans.
Et maintenant, le gouvernement Touadéra déclare que ce même homme est apatride. Qu’il n’a pas de nationalité. Qu’il n’est citoyen d’aucun pays.
Cette déclaration crée une situation juridique absurde qui soulève des questions vertigineuses :
Si Dologuélé est apatride, comment peut-il continuer à siéger comme député ? Un apatride ne peut pas être député selon la Constitution. Donc logiquement, si Dologuélé est vraiment apatride, son mandat parlementaire devrait être immédiatement annulé. L’Assemblée Nationale devrait le déchoir de son siège. On devrait organiser des élections partielles à Bocaranga 1 pour le remplacer.
Mais rien de tout cela ne se passe. Dologuélé reste député. Il continue d’exercer son mandat. Le gouvernement ne demande pas l’annulation de son mandat parlementaire. Pourquoi ? Parce que le gouvernement sait parfaitement que Dologuélé n’est pas apatride et que cette déclaration est un mensonge politique qui ne résisterait pas à un examen juridique sérieux.
Si Dologuélé était apatride quand il s’est présenté aux élections, pourquoi sa candidature a-t-elle été validée ? La Cour Constitutionnelle, devenue aujourd’hui Conseil Constitutionnel, a examiné son dossier de candidature en 2016 et en 2020. Elle a vérifié qu’il remplissait toutes les conditions d’éligibilité, notamment la condition de nationalité. Elle a validé sa candidature.
Si vraiment Dologuélé était apatride depuis 1994 comme le prétend maintenant le gouvernement avec la loi de 1961, alors la Cour Constitutionnelle aurait dû rejeter sa candidature. Le fait qu’elle l’ait validée deux fois prouve que Dologuélé était reconnu comme citoyen centrafricain.
Si Dologuélé est devenu apatride entre son élection et aujourd’hui, par quel processus juridique ? Une personne ne devient pas apatride du jour au lendemain par décret administratif. Il faut une procédure judiciaire. Il faut une décision de justice qui retire la nationalité. Il faut respecter les droits de la défense, permettre à la personne concernée de contester, donner des preuves, faire appel.
Rien de tout cela ne s’est produit dans le cas de Dologuélé. Aucun tribunal ne l’a convoqué. Aucun juge n’a examiné son dossier. Aucune décision de justice n’a retiré sa nationalité. Un beau jour, le Ministère de la Défense lui envoie une lettre lui disant qu’il a perdu la nationalité centrafricaine. C’est tout. Pas de procès. Pas de jugement. Juste une lettre administrative.
Comment les électeurs de Bocaranga 1 doivent-ils comprendre cette situation ? Ils ont élu Dologuélé pour les représenter à l’Assemblée Nationale. Ils ont voté pour lui en 2016 et en 2020. Ils lui ont fait confiance pour porter leur voix, défendre leurs intérêts, voter les lois en leur nom.
Maintenant on leur dit que l’homme qu’ils ont élu est apatride. Qu’il n’a pas de nationalité. Donc logiquement, il ne devrait pas pouvoir être leur député. Mais en même temps, il continue d’être leur député. Il siège à l’Assemblée. Il vote les lois.
Les électeurs de Bocaranga 1 doivent se poser des questions légitimes : leur vote a-t-il été valide ? Leur député est-il légitime ? Sont-ils vraiment représentés à l’Assemblée Nationale ? Ou ont-ils été trompés ?
Comment l’Assemblée Nationale elle-même peut-elle tolérer cette situation ? L’institution parlementaire devrait avoir un minimum de cohérence juridique. On ne peut pas avoir simultanément un député en exercice et un apatride. C’est une contradiction logique fondamentale.
L’Assemblée Nationale devrait se saisir de cette question. Elle devrait demander des clarifications au gouvernement. Elle devrait vérifier le statut de Dologuélé. Si vraiment il est apatride, elle devrait prononcer la déchéance de son mandat. Si au contraire il est citoyen centrafricain, elle devrait condamner le gouvernement pour avoir diffusé de fausses informations.
Mais l’Assemblée Nationale sous Touadéra n’est plus une institution indépendante. Elle est contrôlée par le MCU. Elle fait ce que le régime lui dit de faire. Si le régime veut que Dologuélé reste député tout en étant déclaré apatride, l’Assemblée accepte cette absurdité sans broncher.
Comment la communauté internationale doit-elle interpréter cette situation ? Les partenaires de la Centrafrique, les organisations internationales, les observateurs étrangers voient ce spectacle grotesque : un gouvernement qui déclare apatride l’un de ses propres députés en exercice, sans procédure judiciaire, par simple lettre administrative.
Que doivent-ils penser de l’état de droit en Centrafrique ? Que doivent-ils penser du système juridique centrafricain ? Que doivent-ils penser de la démocratie dans ce pays où un député peut être déclaré apatride sans jugement ?
Cette situation détruit complètement la crédibilité des institutions centrafricaines. Elle montre que le droit n’existe plus, que tout est politique, que le régime peut créer n’importe quelle absurdité juridique pour servir ses intérêts.
Le monstre juridique créé par Touadéra dans le cas de Dologuélé montre la méthode du régime : créer des situations absurdes, juridiquement incohérentes, qui violent toute logique légale, mais qui servent l’objectif politique d’éliminer les adversaires.
Peu importe que ce soit absurde. Peu importe que ce soit incohérent. Peu importe que ce soit illégal. L’important, c’est que Dologuélé soit empêché de se présenter à l’élection présidentielle. Et si pour cela il faut créer un monstre juridique – un député apatride – le régime n’hésite pas.
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