Constitution-piège : Touadera fabrique des apatrides pour un scrutin sans opposition, l’exemple d’Anicet-Georges Dologuelé

Rédigé le 22 novembre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
Lors du débat Patara du 11 octobre 2025, Dieudonné Ngoumbango a dénoncé une manipulation juridique scandaleuse organisée par le régime Touadéra : l’utilisation de la Constitution de 2023 et d’une loi de 1961 pour transformer des opposants centrafricains en apatrides et les disqualifier de toute compétition électorale. L’exemple le plus frappant est celui d’Anicet-Georges Dologuelé, ancien Premier ministre et figure majeure de l’opposition, que le régime tente de déclarer apatride pour l’écarter de la course présidentielle.
“Ça veut dire que Monsieur Anicet-Georges Dologuelé , même s’il se porte candidat, il sera disqualifié. Il sera disqualifié. C’est ce qu’il veut dire”, a déclaré Ngoumbango. Cette affirmation résume parfaitement la stratégie du régime : fabriquer des obstacles juridiques insurmontables pour empêcher les opposants crédibles de se présenter aux élections.
Anicet-Georges Dologuelé a servi la Centrafrique comme Premier ministre. Il possédait deux nationalités : centrafricaine et française, comme des milliers d’autres Centrafricains. Cette double nationalité ne posait aucun problème jusqu’à ce que Touadéra décide d’imposer une nouvelle Constitution en 2023 qui exige que les candidats à la présidence n’aient que la seule nationalité centrafricaine.
Face à cette exigence, Anicet-Georges Dologuelé a fait ce que la nouvelle Constitution lui demandait : il a renoncé à sa nationalité française. Il a introduit une requête auprès des autorités françaises pour renoncer officiellement à sa nationalité. Il s’est conformé à la nouvelle Constitution imposée par Touadéra.
Mais voilà que le régime sort maintenant une autre arme de son arsenal juridique : une loi de 1961 qui dispose que “celui qui acquiert une nouvelle nationalité perd automatiquement sa nationalité centrafricaine”. En application de cette loi, le régime prétend que Dologuélé, en ayant acquis la nationalité française dans le passé, a automatiquement perdu sa nationalité centrafricaine.
Selon cette interprétation tordue, Anicet-Georges Dologuelé serait donc devenu apatride dès qu’il a acquis la nationalité française, il y a des décennies. Et maintenant qu’il renonce à la nationalité française pour se conformer à la nouvelle Constitution, il ne redevient pas centrafricain pour autant, puisqu’il aurait “perdu” sa nationalité centrafricaine en 1994 selon la loi de 1961.
C’est un piège juridique parfait. Si Anicet-Georges Dologuelé garde sa double nationalité, il est disqualifié par la Constitution de 2023. S’il renonce à la nationalité française, il devient apatride selon la loi de 1961. Dans les deux cas, il ne peut pas se présenter. Le régime a fabriqué une situation où Dologuélé est légalement piégé, quelle que soit la décision qu’il prend.
“Voyez-vous quelqu’un comme Anicet-Georges Dologuelé , qui a servi ce pays comme Premier ministre, qui a toujours joui de ces deux nationalités”, s’indigne Ngoumbango. Comment un homme qui a été Premier ministre de la Centrafrique, qui a servi l’État pendant des années, peut-il soudainement être déclaré apatride ?
Le paradoxe est encore plus criant quand on sait que Anicet-Georges Dologuelé est actuellement député en exercice. Comme l’a souligné l’animateur Armando : “Lui-même, il dit que le gouvernement de son pays le déclare apatride, mais il est encore député jusqu’en mars 2026, où il ne l’est pas. C’est la question que nous nous posons”. Un député apatride ? Comment comprendre qu’un homme déclaré apatride par le gouvernement continue de siéger à l’Assemblée Nationale ?
Cette situation absurde montre que le régime n’applique pas la loi de manière cohérente. Il l’instrumentalise pour écarter les opposants gênants de la course présidentielle, tout en fermant les yeux sur les mêmes “irrégularités” quand elles concernent des postes législatifs moins importants.
Ngoumbango dénonce cette manipulation : “Dans tous les pays démocratiques du monde, on n’élabore pas ce genre de Constitution qui exclut un certain nombre de personnes. C’est que des dictatures, vous allez voir que c’est dans des dictatures qu’on essaie de mettre ça en place pour écarter”.
Effectivement, cette utilisation de la loi pour transformer des citoyens en apatrides afin de les empêcher de se présenter aux élections est une technique classique des dictatures. On ne fait pas des lois pour résoudre des problèmes collectifs, on fait des lois pour cibler des individus spécifiques et les neutraliser politiquement.
“C’est complètement stupide. Sortir des lois pour favoriser l’unité nationale ? Non, c’est pour diviser”, conclut Ngoumbango. Ces lois ne visent pas à clarifier les conditions d’éligibilité dans l’intérêt du pays. Elles visent à diviser, à exclure, à écarter tous ceux qui pourraient faire de l’ombre à Touadéra.
Mathurin Dimbélé Nakoué, le député voleur et trafiquant dont nous avons parlé précédemment, était également présent au débat Patara pour défendre la position du régime. Avec son aplomb habituel, il a prétendu que “la loi, elle est impersonnelle. On ne fait pas une loi pour viser quelqu’un. C’est dans votre tête”.
Mais personne n’est dupe. Tout le monde sait que la Constitution de 2023 a été conçue spécifiquement pour écarter certains opposants, en particulier Dologuélé. Tout le monde sait que la résurrection d’une loi de 1961 qui n’a jamais été appliquée pendant des décennies vise uniquement à piéger Anicet-Georges Dologuelé dans une situation juridique inextricable.
Dimbélé a tenté de justifier cette application de la loi de 1961 en invoquant des précédents : “Je vous rappelle également que le Président Dologuélé était Premier ministre en 1999 et qu’il y avait dans la Constitution de 1995 le problème de double nationalité. Cette constitution-là contenait également, entre autres conditions, d’éligibilité à la fonction du Président, le problème de double nationalité et qu’il y avait eu un arrêt de la Cour constitutionnelle de l’époque.”
Mais cet argument ne tient pas. Si la double nationalité d’Anicet-Georges Dologuelé posait vraiment un problème depuis 1995 ou depuis 1961, pourquoi a-t-il pu être Premier ministre ? Pourquoi a-t-il pu se présenter aux élections présidentielles de 2015-2016 ? Pourquoi est-il actuellement député ? Si Dologuélé avait vraiment “perdu” sa nationalité centrafricaine en 1994 selon la loi de 1961, toutes ses fonctions depuis cette date seraient illégales.
La vérité est que cette loi de 1961 n’a jamais été promulguée par le Président David Dacko. Des milliers de Centrafricains possèdent une double nationalité et ont occupé des fonctions publiques sans que personne ne leur dise qu’ils avaient “perdu” leur nationalité centrafricaine. Mais maintenant que Touadéra veut écarter Anicet-Georges Dologuelé , soudainement cette vieille loi est ressortie des tiroirs et interprétée de la manière la plus restrictive possible.
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