La renonciation de Dologuélé  à sa nationalité française : quand Touadéra transforme sa manœuvre en victoire politique

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La renonciation de Dologuélé  à sa nationalité française : quand Touadéra transforme sa manœuvre en victoire politique

 

La renonciation de Dologuélé à sa nationalité française : quand Touadéra transforme sa manœuvre en victoire politique

 

Rédigé le 06 octobre 2025 .

Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC). 

La récente renonciation d’Anicet Georges Dologuélé à sa nationalité française montre toute l’habileté politique de Faustin-Archange Touadéra. En contraignant l’un de ses principaux rivaux à abandonner sa double nationalité, le président centrafricain se croit réussir un double coup de maître : éliminer juridiquement ses adversaires tout en récupérant politiquement leurs sacrifices personnels.

 

Le 27 août 2025, le Journal Officiel français publie le décret de renonciation de l’opposant Anicet-Georges Dologuelé à sa nationalité française . Une décision que l’ancien Premier ministre qualifie lui-même de douloureuse, prise “avec un lourd cœur” selon ses propres termes. Pourtant, à Bangui, le porte-parole gouvernemental, l’ex-détenu et Kitandaire  Maxime Balalou applaudit ce qu’il appelle un “geste patriotique qui renforce la souveraineté nationale”.

 

Cette réaction gouvernementale dépasse l’indécence politique ordinaire. Comment oser se féliciter publiquement d’une renonciation que vous avez vous-même rendue obligatoire ? Comment transformer en preuve de patriotisme ce qui constitue avant tout l’aboutissement d’un chantage institutionnel ?

 

Pour comprendre ce cynisme, il faut revenir aux origines de cette renonciation forcée. La Constitution de 2023, adoptée lors d’un référendum boycotté par l’opposition le 30 juillet 2023, impose désormais aux candidats présidentiels d’être “Centrafricains d’origine” et de ne posséder que la seule nationalité centrafricaine .

 

Cette loi fondamentale n’a été rendue publique que le 10 juillet 2023, moins de trois semaines avant le vote, dans un climat de répression des opposants et des médias . Résultat prévisible dans ce contexte : 95% d’approbation pour un texte que l’opposition avait appelé à rejeter .

 

Plus qu’une simple réforme, cette Constitution représente une ingénierie électorale parfaitement connue de tous. En remplaçant le quinquennat renouvelable une fois par un septennat sans limitation, elle ouvre la voie à une présidence à vie pour Touadéra . Mais elle va plus loin en établissant des critères de nationalité qui écartent mécaniquement plusieurs figures de l’opposition.

 

Face à cette situation inédite, l’opposition se trouve prise dans un étau juridique et politique redoutable. Dologuélé se retrouve devant un choix impossible : accepter les règles du jeu imposées par Touadéra ou renoncer définitivement à ses ambitions présidentielles . L’ancien Premier ministre choisit la première option, non sans amertume.

 

“J’ai renoncé à ma nationalité française avec beaucoup de peine”, confie-t-il, tout en dénonçant “l’incompétence et la partialité avouée” de l’autorité électorale . Cette déclaration résume parfaitement le dilemme de l’opposition centrafricaine : comment lutter contre un appareil d’État en acceptant ses règles truquées ?

 

Certains analystes y voient une “stratégie de projection” pour empêcher un troisième mandat de Touadéra . D’autres dénoncent une capitulation qui légitime de facto une Constitution contestée. Car en acceptant de jouer selon ces nouvelles règles, l’opposition valide l’autorité d’un texte qu’elle refuse pourtant de reconnaître .

 

Mais c’est la réaction gouvernementale qui pousse le cynisme à son paroxysme. En présentant la renonciation de Dologuélé comme une victoire pour la “souveraineté nationale”, le porte-parole Maxime Balalou dévoile une vision particulièrement tordue de la démocratie.

 

Selon cette logique, forcer ses adversaires à renoncer à leurs attaches personnelles constituerait un progrès démocratique. Contraindre un citoyen à choisir entre ses liens familiaux et ses droits politiques relèverait du patriotisme. Une interprétation qui transforme l’exclusion en vertu et la contrainte en liberté.

 

Cette posture gouvernementale traduit surtout une profonde méconnaissance des principes démocratiques. Dans une vraie démocratie, la diversité des parcours personnels enrichit le débat politique au lieu de le limiter. Les liens internationaux d’un responsable politique peuvent constituer un atout plutôt qu’un handicap, à condition qu’ils s’exercent dans la transparence.

 

Les implications de cette obsession nationaliste dépassent largement le cas Dologuélé. Cette fixation sur la “pureté” nationale rappelle les heures les plus sombres de l’histoire centrafricaine, quand la question “qui est vraiment centrafricain ?” alimentait les violences intercommunautaires . En ressuscitant ces critères ethniques et nationalistes, la Constitution de 2023 prend le risque de raviver d’anciens démons.

 

D’ailleurs, l’opposition dénonce déjà l’application sélective de ces règles, pointant du doigt des responsables qui occuperaient des postes élevés sans répondre aux critères d’origine imposés par la Constitution .

 

Au-delà des manœuvres politiciennes, cette situation interroge l’avenir démocratique du pays. L’expert onusien Yao Agbetse avait prévenu dès 2023 que ce référendum risquait de “compliquer une situation des droits de l’homme déjà extrêmement complexe” . Deux ans plus tard, cette prédiction se vérifie malheureusement.

 

La Constitution de 2023 continue de diviser les Centrafricains au lieu de les rassembler autour d’un projet commun . Pire, elle transforme chaque candidature d’opposition en parcours du combattant juridique et personnel.

 

Les élections de décembre 2025 se profilent dans ce contexte délétère. Touadéra peut d’ores et déjà compter sur des règles du jeu biaisées en sa faveur. Quant à l’opposition, elle devra composer avec un appareil qui transforme ses sacrifices en victoires gouvernementales.

 

Cette instrumentalisation de la nationalité expose une conception autoritaire du pouvoir. En contraignant Dologuélé à renoncer à sa double nationalité puis en s’en félicitant publiquement, le régime Touadéra montre qu’il préfère la manipulation à la confrontation démocratique loyale.

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