Centrafrique : L’affaire Joseph Figueira Martin, un an de détention despotique sous la pression de Wagner et d’une justice corrompue

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L’affaire Joseph Figueira Martin, un an de détention despotique sous la pression de Wagner et d’une justice corrompue

 

Centrafrique : L'affaire Joseph Figueira Martin, un an de détention despotique sous la pression de Wagner et d'une justice corrompue
Portrait de Joseph Figueira Martin, un humanitaire belge

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

Il y a exactement un an, le 25 mai 2024, Joseph Figueira Martin franchissait pour la dernière fois le seuil de la liberté. Depuis, cet expert belgo-portugais en pastoralisme compte les jours dans l’enfer carcéral du camp de Roux, victime d’un système judiciaire centrafricain gangrené par la corruption et manipulé par les mercenaires russes du groupe  Wagner.

 

En effet, son histoire n’est pas celle d’un criminel, mais celle d’un humanitaire pris dans les mailles d’un filet tissé par des intérêts géopolitiques qui dépassent largement les frontières de la Centrafrique. Elle révèle surtout l’état de délabrement avancé de nos institutions centrafricaines, vendues au plus offrant étranger.

 

L’engrenage de l’arbitraire : quand Wagner remplace la loi

 

Dans la localité de Zémio, ce matin de mai 2024, Joseph Figueira Martin ne se doutait pas qu’il vivait ses dernières heures de liberté. Travaillant pour l’ONG américaine FHI 360 sur des projets de réduction de la pauvreté et de prévention des violences basées sur le genre, cet père de famille et ancien analyste de l’International Crisis Group incarnait tout ce que détestent les mercenaires russes : un témoin occidental indépendant sur le terrain centrafricain.

 

L’arrestation de Joseph Figueira Martin  se déroule selon le modus operandi désormais classique de Wagner en Centrafrique. Pas de mandat, pas de procédure légale, juste la brutalité des armes pointées par des hommes qui se comportent en conquérants sur notre sol. Joseph Figueira Martin est embarqué de force vers Bangui par hélicoptère, comme un trophée de guerre dans une opération qui ressemble davantage à un enlèvement qu’à une arrestation légale.

 

Cette interpellation survient à un moment stratégique : Wagner et la milice Azandé Ani Kpi Gbe prennent le contrôle de Zémio face au retrait de l’UPC (Union pour la Paix en Centrafrique). Joseph Figueira Martin  devient ainsi le bouc émissaire parfait d’une opération militaire menée par des étrangers sur notre territoire, un symbole à abattre pour légitimer leur présence.

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martin_arrete_a_zemio_par_wagner_et_son_frere – Interview exclusive : La famille de Martin Joseph Figueira brise le silence

 

La fabrique du mensonge : quand la propagande tient lieu de preuve

 

Une fois Joseph Figueira Martin entre leurs mains, les mercenaires russes activent leur machine de désinformation avec un cynisme déconcertant. Les accusations pleuvent : atteinte à la sécurité de l’État, espionnage, complot, incitation à la haine, liens avec l’UPC considérée comme organisation terroriste. Un festival de griefs qui ressemble davantage aux fantasmes paranoïaques d’un régime autoritaire qu’à des charges criminelles sérieuses.

 

Mais Wagner ne se contente pas d’accusations gratuites. Le groupe déploie une stratégie de manipulation sophistiquée, relayée par des comptes avatars sur les réseaux sociaux. Des captures d’écran prétendument extraites du téléphone de Joseph Figueira Martin circulent.

 

Ces “preuves” évoluent au gré des besoins de la propagande russe. D’abord, ce sont des conversations supposées avec des chefs rebelles, puis une invitation fictive adressée à un ex-rebelle pour organiser un “coup d’État” en France. Le tout diffusé via des comptes fictifs, comme celui d’un certain “M. Sylvain Nguema”, présenté comme expert militaire mais dont l’existence réelle fait défaut.

 

Cette manipulation grossière révèle l’amateurisme de Wagner en matière de désinformation, mais aussi la facilité avec laquelle notre opinion publique centrafricaine peut être intoxiquée par des narratifs fabriqués de toutes pièces.

 

L’Office central de répression du banditisme : première étape de l’enfer

 

Arrivé à Bangui, Joseph Figueira Martin est d’abord enfermé à l’Office central de répression du banditisme (OCRB), cette institution aux méthodes douteuses où les droits de la défense n’existent que sur le papier. Pendant plusieurs semaines, l’humanitaire subit les interrogatoires et les pressions psychologiques destinées à lui faire avouer des crimes qu’il n’a pas commis.

 

L’OCRB, censé lutter contre la grande criminalité, se transforme sous l’influence de Wagner en instrument de répression politique. Les agents centrafricains, formés et encadrés par les mercenaires russes, appliquent des méthodes d’interrogatoire qui flirtent dangereusement avec la torture.

 

C’est dans ce lieu sinistre que Joseph Figueira Martin comprend qu’il n’est pas face à la justice centrafricaine, mais face à un système hybride où les intérêts russes dictent leur loi à des fonctionnaires centrafricains transformés en exécutants dociles.

 

Le camp de Roux : l’enfer carcéral made in Centrafrique

 

En juillet 2024, Martin est transféré au camp de Roux, cette prison militaire de Bangui réservée aux “détenus de premier plan”. Un euphémisme qui masque mal la réalité d’un enfer carcéral où s’entassent dans des conditions inhumaines ceux que le régime considère comme ses ennemis prioritaires.

 

Le rapport de la MINUSCA du 18 juillet 2024 dresse un tableau accablant de cette institution : torture systématique, malnutrition sévère, détentions sans fondement, accès limité aux soins médicaux. Un condensé des violations des droits de l’homme que tolèrent, voire encouragent, nos autorités centrafricaines.

 

Joseph Figueira Martin, qui entame une grève de la faim en juillet 2024 pour protester contre son transfert, découvre l’ampleur du désastre. Sa santé se dégrade rapidement dans un environnement où la survie devient un combat quotidien. Son frère Georges Martin évoque des conditions “inhumaines” qui transforment progressivement le détenu en fantôme de lui-même.

 

Dans cette prison, Joseph Figueira Martin côtoie d’autres victimes du système répressif centrafricain.

 

Le chantage judiciaire : quand la justice se vend au plus offrant

 

L’affaire Joseph Figueira Martin démontre surtout l’état de corruption avancée de notre système judiciaire centrafricain. Deux hommes incarnent cette déchéance institutionnelle : le juge d’instruction Mathieu Nana Bibi et le procureur Benoît Narcisse Foukpio. Ces magistrats, censés incarner l’impartialité de la justice, transforment leur fonction en source d’enrichissement personnel.

 

Leur obsession commune porte sur Me Nicolas Tiangaye, l’avocat de Martin. Cet ancien bâtonnier centrafricain, figure respectée du barreau et membre influent du Bloc républicain pour la défense de la Constitution (BRDC), représente tout ce que détestent ces magistrats corrompus : l’intégrité, la compétence et l’indépendance.

 

Lors des visites en prison, Mathieu Nana Bibi multiplie les pressions sur Martin : “Changez d’avocat”, martèle-t-il sans relâche. “Le statut d’opposant de Tiangaye dérange”, explique-t-il cyniquement. Traduction : “Prenez quelqu’un de plus malléable, quelqu’un avec qui on peut négocier des arrangements financiers”.

 

Car c’est bien d’argent qu’il s’agit. Des témoignages concordants révèlent que ces deux magistrats exigent des sommes importantes pour “débloquer” le dossier de Joseph Figueira Martin. Un système mafieux parfaitement installé où la justice se vend au plus offrant, où des avocats véreux servent d’intermédiaires pour des transactions qui souillent l’honneur de notre profession judiciaire.

 

L’industrie de l’extorsion : un business model bien structuré

 

L’affaire Joseph Figueira Martin s’inscrit dans un schéma plus large d’extorsion systématique visant les expatriés en détention. Le cas de deux Franco-Algériens illustre parfaitement cette économie criminelle qui prospère dans l’ombre de nos tribunaux.

 

Ces derniers auraient versé deux millions de francs CFA à des individus se réclamant de la présidence centrafricaine, sans obtenir la moindre amélioration de leur sort. Une escroquerie qui révèle l’existence d’un véritable réseau de faux intermédiaires gravitant autour du pouvoir et exploitant la détresse des familles.

 

Dans le cas de Joseph Figueira Martin, son refus obstiné de céder aux chantages et de se séparer de Me Tiangaye bloque toute “négociation”. Résultat : après un an de détention, aucun procès n’est programmé, malgré les déclarations tonitruantes du procureur Foukpio affirmant détenir des “preuves solides”.

 

Cette situation ubuesque révèle la véritable nature de notre système judiciaire : une machine à extorquer où la culpabilité ou l’innocence importent moins que la capacité financière de l’accusé et sa disposition à alimenter la corruption ambiante.

 

Le silence complice du sommet de l’État

 

Devant cette dérive autoritaire instrumentée par des mercenaires russes, le président Faustin-Archange Touadéra maintient un silence assourdissant. Pas un mot public, pas un geste pour rappeler que la Centrafrique reste, théoriquement du moins, un État de droit soumis à des lois et non aux caprices de miliciens russes.

 

Ce mutisme présidentiel ne peut être interprété que comme un blanc-seing accordé à Wagner pour faire régner sa loi sur notre territoire. Touadéra, qui doit sa survie politique aux mercenaires russes, semble avoir abdiqué toute souveraineté judiciaire au profit de ses protecteurs étrangers.

 

Cette complicité au sommet de l’État transforme l’affaire Joseph Figueira Martin  en symbole de notre soumission volontaire à des intérêts géopolitiques qui nous dépassent. Comment un président centrafricain peut-il tolérer que des étrangers arrêtent, jugent et condamnent des citoyens sur son propre territoire ?

 

La stratégie Wagner : éliminer les témoins gênants

 

L’arrestation de Joseph Figueira Martin  s’inscrit dans une stratégie délibérée de Wagner pour éliminer toute voix critique susceptible de témoigner de leurs exactions en Centrafrique. Les humanitaires, journalistes et analystes étrangers représentent une menace existentielle pour un groupe qui prospère dans l’opacité et l’impunité.

 

Le cas de Rémy Quignolot, un citoyen français également détenu arbitrairement, confirme cette hypothèse. Comme Joseph Figueira Martin, Quignolot était un témoin potentiellement gênant des activités de Wagner sur le terrain. Comme Martin, il a été arrêté sur des accusations fantaisistes et détenu dans des conditions dégradantes.

 

Cette élimination systématique des observateurs indépendants vise à créer un environnement d’impunité totale où Wagner peut opérer sans crainte d’être exposé. Une stratégie qui transforme la Centrafrique en zone de non-droit où seule compte la loi du plus fort armé.

 

L’indignation internationale face au déni de justice

 

La communauté internationale commence à réagir face à cette parodie de justice. Human Rights Watch, dans un rapport publié le 2 juin 2025, dénonce sans ambiguïté cette “détention prolongée sans procès, contraire aux normes internationales d’un procès équitable”.

 

L’organisation de défense des droits humains exige des autorités centrafricaines qu’elles présentent des preuves concrètes ou libèrent immédiatement Martin. Une demande légitime qui souligne l’absence totale de fondement juridique de cette détention.

 

L’ambassadeur belge au Cameroun a rendu visite au détenu en mars 2025, témoignant de l’inquiétude croissante des chancelleries européennes. Des discussions sont également en cours pour une résolution au Parlement européen, signal que l’affaire Martin commence à prendre une dimension diplomatique préoccupante pour Bangui.

 

Ces réactions internationales contrastent cruellement avec le silence de nos institutions africaines. Où sont l’Union africaine, la CEEAC, nos organisations sous-régionales qui devraient défendre la dignité de la justice africaine face aux manipulations étrangères ?

 

Les leçons amères d’une tragédie

 

L’affaire Joseph Figueira Martin nous renvoie à nos propres contradictions africaines. Comment accepter que sur notre continent, des mercenaires étrangers puissent bafouer impunément nos lois et corrompre nos institutions ? Comment tolérer que nos magistrats transforment les prétoires en bazars où tout s’achète et se vend ?

 

Cette tragédie révèle l’état de délabrement avancé de nos États post-coloniaux, incapables de garantir l’indépendance de leur justice face aux pressions extérieures. Elle montre aussi comment la corruption endémique de nos élites facilite la pénétration d’intérêts géopolitiques qui n’ont que faire de nos peuples et de nos valeurs.

 

Un an après son arrestation, Joseph Figueira Martin attend toujours son procès dans l’indifférence générale de nos dirigeants. Un an que la justice centrafricaine étale sa médiocrité et sa compromission devant le monde entier. Un an que Wagner prouve qu’elle peut acheter nos consciences et instrumentaliser nos institutions….

 

Par Alain Nzilo

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