70 millions de la banque mondiale pour Bangui et Berberati : Un pansement sur une plaie béante d’infrastructures
Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Un nouveau projet ambitieux vient de voir le jour en Centrafrique : le “Projet des villes inclusives et résilientes”, financé à hauteur de 70 millions de dollars par la Banque mondiale.
Annoncé comme une réponse aux problèmes d’érosion et d’inondations qui gangrènent Bangui et Berberati, ce plan provoque autant d’espoir que de scepticisme. Pauvire Albon Patrick Abellé, coordonnateur du projet, ne cache pas son enthousiasme. Il parle d’une “occasion à jamais” pour les populations locales, appelant à un “engouement” collectif afin que la mise en œuvre se déroule dans une bonne ambiance. Le lancement officiel, prévu pour avril sous l’égide du président Faustin Archange Touadéra, promet des lendemains qui chantent. Mais au-delà des discours optimistes, les réalités du terrain racontent une tout autre histoire.
Bangui, la capitale, et Berberati, ville stratégique de l’ouest, sont depuis longtemps aux prises avec des défis environnementaux majeurs. Les pluies torrentielles transforment les rues en rivières boueuses, tandis que l’érosion ronge les sols et menace les habitations. Ces phénomènes ne datent pas d’aujourd’hui. Ils sont le fruit d’années de négligence, d’un urbanisme anarchique et d’infrastructures laissées à l’abandon. Alors, 70 millions de dollars, ça sonne bien. Ça fait sérieux. Mais face à l’ampleur des dégâts, on peut légitimement se demander si ce n’est pas juste une goutte d’eau dans un océan de problèmes.
Prenons Berberati, par exemple. La ville, régulièrement citée comme un cas d’école en matière d’érosion, voit ses routes et ses quartiers se dégrader à vue d’œil. Les habitants savent que les solutions ne se limitent pas à quelques travaux cosmétiques. Il faut des canalisations dignes de ce nom, des routes repensées, un système de drainage efficace. À Bangui, c’est pire encore : les inondations récurrentes paralysent la capitale, engloutissant les espoirs des habitants sous des torrents de boue. Le projet promet de “reprendre vraiment” ces questions, selon les mots d’Abellé. Mais que signifie “reprendre vraiment” quand les budgets précédents, les promesses passées et les aides internationales n’ont jamais réussi à enrayer la spirale ?
Le gouvernement, via le ministère de l’Urbanisme, se félicite de cette manne financière. On parle de résilience, d’inclusion, de modernité. Pourtant, les Centrafricains ont appris à se méfier des grands mots. Combien de projets ont été lancés en grande pompe pour finir dans l’oubli, faute de suivi ou de volonté politique ? Le corridor 3, cet axe vital reliant Bangui à la frontière camerounaise, est un exemple criant : le tronçon Béloko – Bouar aménagé en 2011 – 2013, il est déjà dans un état de “dégradation précoce”, comme l’a constaté le ministre des Travaux publics. Si une route aussi essentielle peut être laissée à l’abandon en si peu de temps, pourquoi croire que ce nouveau projet échappera au même sort ?
Et puis, il y a la question du timing. Pourquoi attendre 2025 pour s’attaquer à des problèmes aussi urgents ? Les 70 millions, bien qu’impressionnants sur le papier, devront être étalés sur plusieurs années et deux villes. Divisez ça par le coût des travaux réels, ajoutez les inévitables détournements et les lenteurs administratives, et il ne restera peut-être qu’une fraction pour les vrais chantiers. Pendant ce temps, les habitants de Bangui et Berberati continueront de patauger dans la boue, littéralement.
Le coordonnateur insiste sur l’appropriation par la population. C’est une belle idée, mais elle sonne creuse quand on sait que les communautés locales n’ont ni les moyens ni les outils pour pallier les carences de l’État. “Une bonne ambiance” ne construit pas des égouts ni ne stabilise des collines qui s’effritent. Quant au lancement par le président en avril, il risque de ressembler à ces innombrables cérémonies où l’on coupe un ruban pour mieux couper les fonds ensuite.
Alors oui, 70 millions de dollars, c’est un début. Mais en Centrafrique, où les infrastructures crient famine depuis des décennies, ça ressemble surtout à un pansement sur une plaie béante. Un pansement qui risque de se décoller au premier orage….
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