L’histoire mouvementée des constitutions centrafricaines par Danielle Darlan
Par la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique.
Soixante-trois ans après l’indépendance, l’histoire se répète en République centrafricaine. En promulguant le 30 août 2023 une nouvelle Constitution qui supprime la limitation des mandats présidentiels, Faustin Archange Touadera s’inscrit dans une longue lignée de dirigeants centrafricains qui ont modifié la Loi fondamentale pour se maintenir au pouvoir. Une pratique que Danièle Darlan, ancienne présidente de la Cour constitutionnelle, avait anticipée avant d’être écartée de son poste.
Dans son analyse méticuleuse de l’évolution constitutionnelle centrafricaine, cette juriste expérimentée retrace le parcours chaotique des huit constitutions qu’a connu le pays depuis 1960. “Chaque président a suivi le même schéma : d’abord affaiblir les contre-pouvoirs, ensuite modifier la Constitution”, écrit-elle dans son ouvrage de référence.
L’histoire commence avec David Dacko. Le 12 décembre 1960, à la veille même de l’adoption de la première Constitution, il fait voter quatre lois répressives. En 1962, il instaure le parti unique. Son successeur, Jean-Bedel Bokassa, va plus loin : il abolit la Constitution en 1966 avant de s’autoproclamer empereur en 1976, transformant la république en empire.
“Les méthodes changent, mais la finalité reste la même”, observe Junior Dalemeda. “La nouvelle Constitution de Touadera reprend tous les ingrédients de ses prédécesseurs : concentration des pouvoirs, affaiblissement des contre-pouvoirs, présidence illimitée”.
Les innovations de la Constitution de 2023 sont révélatrices. Création d’un poste de vice-président nommé par le président, mainmise sur le Conseil constitutionnel, suppression du contrôle parlementaire sur les contrats miniers. “Touadera va même plus loin que ses prédécesseurs”, note sous couvert d’anonymat un ancien ministre. “Il introduit une discrimination constitutionnelle en réservant les hautes fonctions aux seuls Centrafricains ‘d’origine’“.
Le mode opératoire a également évolué. Si Bokassa imposait ses changements par la force, Touadera, alias Baba Kongoboro, utilise les apparences de la légalité. Le référendum constitutionnel affiche un score de 95% de “oui”, rappelant étrangement l’unanimité des votes sous l’empire.
À 76 kilomètres de Bangui, les ruines du palais impérial de Bérengo témoignent encore des excès du passé. Mais l’histoire des constitutions centrafricaines ne se résume pas à Bokassa. André Kolingba et François Bozizé : chaque président a apporté sa pierre à l’édifice de l’autoritarisme constitutionnel.
“Le plus inquiétant”, analyse Danièle Darlan, “c’est que chaque modification constitutionnelle a entraîné non seulement une instabilité chronique, mais surtout un changement profond des mentalités”. Une observation qui résonne particulièrement dans un pays encore marqué par la crise de 2013-2016.
Classé parmi les plus pauvres au monde malgré ses richesses naturelles, la République centrafricaine semble prisonnière d’un cycle constitutionnel infernal. Les dirigeants passent, mais la tentation de modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir demeure. Avec Touadera, l’histoire mouvementée des constitutions centrafricaines écrit un nouveau chapitre, qui ressemble étrangement aux précédents.
En supprimant la limitation des mandats présidentiels, la Constitution de 2023 confirme que les leçons du passé n’ont pas été retenues. Dans ce pays où les textes fondamentaux se succèdent au rythme des ambitions présidentielles, la démocratie reste un idéal lointain, sans cesse sacrifié sur l’autel du pouvoir personnel.
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