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Dossier spéciale : Martin Ziguelé démêle l’influence russe en Centrafrique

Dossier spéciale : Martin Ziguelé démêle l’influence russe en Centrafrique

 

 

Martin Ziguelé
Le Président du parti MLPC, l’honorable Martin Ziguelé

 

Bangui, 06 décembre 2023 (CNC) – Dans la fraîcheur inhabituelle d’une salle timidement éclairée, une audience diverse s’est rassemblée pour écouter Martin Ziguelé, une figure éminente de la politique centrafricaine. En dépit des désagréments causés par une panne de chaudière à la Fondation Jean Jaurès, l’atmosphère était empreinte d’une anticipation palpable. Martin Ziguelé, président du Mouvement de Libération du Peuple centrafricain (MLPC) et ancien Premier Ministre de la République Centrafricaine, s’est présenté devant l’auditoire. Avec une carrière jalonnée de partenariats de longue date avec la Fondation Jean Jaurès et une profonde connaissance des dynamiques politiques de son pays, Martin Ziguelé était là pour éclairer, débattre et engager un dialogue sur des sujets cruciaux.

 

L’ordre du jour de la conférence promettait une plongée approfondie dans trois thématiques essentielles : la situation actuelle en République Centrafricaine, les implications du contexte régional en Afrique Centrale et de l’Ouest, et les nuances de la relation entre l’Afrique et la France.

Avec l’élégance d’un orateur expérimenté, Martin Ziguelé a débuté son discours, s’excusant d’abord pour son retard d’une minute, puis exprimant sa gratitude envers l’audience pour avoir mis de côté leurs activités habituelles pour assister à cet événement important. Reconnaissant la gravité de la situation en République Centrafricaine, il se préparait à plonger dans une analyse détaillée de la crise politique et sociale qui secoue son pays, une crise qui, selon lui, ne se limitait pas seulement aux frontières de la Centrafrique, mais avait des ramifications bien plus larges et profondes.

 

l'ex-chef d'État de transition catherine samba-panza et le chef de l'État faustin archange touadera au palais de la renaissance le 17 janvier 2020
L’ex-chef d’État de transition catherine samba-panza et le chef de l’État faustin archange touadera au palais de la renaissance le 17 janvier 2020

 

Contexte de la crise en République Centrafricaine

 

La République Centrafricaine, une nation à la croisée des chemins, se trouve aujourd’hui confrontée à une crise politique et sociale aux multiples facettes. Au cœur de cette tourmente, se trouve le récent pseudo-référendum organisé en juillet par le président Touadéra, une manœuvre politique au regard de la Constitution du 30 mars 2026 que Martin Ziguelé qualifie de « coup d’état constitutionnel ». Ce référendum, conçu pour modifier la constitution, pourrait potentiellement permettre à Touadéra de briguer un troisième mandat présidentiel, un acte qui, selon Martin Ziguelé, trahit les principes démocratiques et menace l’équilibre politique fragile du pays.

 

L’impact de cette crise politique va bien au-delà des murs du palais présidentiel. La République Centrafricaine est en proie à des défis socio-économiques accablants. Avec un classement de 188e sur 190 pays selon l’indice de développement du Programme des Nations Unies pour le développement et de la Banque mondiale, le pays est confronté à des niveaux de pauvreté alarmants. Environ 70% de la population vit avec moins de 2,15 dollars par jour, tandis que la moitié des Centrafricains fait face à une crise alimentaire, luttant quotidiennement pour se procurer ne serait-ce qu’un repas.

 

Dans ce contexte précaire, Martin Ziguelé a souligné la nécessité d’une approche réfléchie et inclusive pour reconstruire et faire progresser le pays. Selon lui, la crise actuelle découle d’un échec collectif à aborder trois problèmes fondamentaux : la confiscation du pouvoir de l’État, une gestion désastreuse des ressources naturelles, et une mauvaise gestion financière de l’État. Il a rappelé l’histoire de consultations à la base, organisées après une transition difficile, visant à recueillir les aspirations des Centrafricains pour une Constitution reflétant leurs expériences et espoirs.

 

Ces consultations, qui ont touché chaque village, chaque commune, chaque sous-préfecture, chaque préfecture et la diaspora, ont révélé que les crises récurrentes du pays étaient principalement dues à la monopolisation du pouvoir, à l’exploitation prédatrice des ressources naturelles riches, notamment l’or et le diamant, et à une mauvaise gestion financière. La nouvelle constitution, censée incarner ces principes et aspirations, a été finalement adoptée par référendum, mais sa récente remise en question par le président actuel soulève des inquiétudes quant à l’avenir de la démocratie et de la gouvernance en République Centrafricaine.

 

Les mercenaires du groupe Wagner sur des motos
Les mercenaires du groupe Wagner sur des motos

 

Analyse des problèmes identifiés par Martin Ziguelé

 

Martin Ziguelé, dans son analyse perspicace, a identifié trois problèmes centraux qui, selon lui, sont à la racine de la crise persistante en République Centrafricaine.

 

  1. La Confiscation du Pouvoir de l’État :

 

Martin Ziguelé a souligné que le premier problème majeur est la monopolisation du pouvoir politique. Il a critiqué la tendance des dirigeants à s’accrocher au pouvoir, souvent en manipulant les institutions pour servir leurs intérêts personnels plutôt que ceux du peuple. Cette confiscation du pouvoir, explique-t-il, conduit à un affaiblissement de la démocratie et à une gouvernance inefficace, où les besoins et les voix des citoyens sont négligés.

 

2. Gestion catastrophique des ressources naturelles :

 

La République Centrafricaine, dotée de ressources naturelles abondantes telles que l’or et le diamant, souffre néanmoins d’une exploitation inadéquate et prédatrice de ces richesses. Ziguelé a fait remarquer que cette mauvaise gestion a entraîné non seulement une perte substantielle de revenus potentiels pour le pays, mais a aussi alimenté la corruption et les conflits. Il a souligné la nécessité d’une gestion plus transparente et équitable des ressources naturelles pour garantir que leurs bénéfices profitent à toute la population.

 

  1. Problèmes de gestion financière de l’État :

 

Le dernier point abordé par Martin Ziguelé concerne les défis financiers de l’État. La République Centrafricaine, malgré sa richesse en ressources naturelles, se trouve parmi les pays les moins développés du monde. Martin Ziguelé  a mis en évidence les problèmes des dettes excessives de l’État et l’absence de contreparties tangibles pour les emprunts effectués. Selon lui, une gestion financière plus responsable et transparente est cruciale pour améliorer la situation économique du pays et pour assurer un développement durable.

 

Dans son discours, Martin Ziguelé a non seulement dépeint un tableau sombre de la situation actuelle, mais a aussi appelé à une action concertée pour aborder ces problèmes de front. Il a souligné que la résolution de ces enjeux est essentielle pour assurer un avenir plus stable et prospère pour la République Centrafricaine.

 

Le Processus constitutionnel et ses implications

 

Martin Ziguelé a apporté un éclairage crucial sur un moment charnière de l’histoire politique de la République Centrafricaine : l’élaboration et la promulgation d’une nouvelle constitution, marquée dès le départ par un processus anticonstitutionnel et une opposition généralisée de la population.

 

Danièle Darlan et Faustin Archange Touadera

 

  1. Un Processus anti-constitutionnel dès le départ :

 

Martin Ziguelé a expliqué que le processus d’élaboration de cette constitution a été entaché d’irrégularités dès le début. Au lieu d’une consultation démocratique ouverte, la constitution a été élaborée en secret par un comité dont la légitimité a été remise en question. Cette approche a non seulement sapé les principes de transparence et de participation démocratique, mais a également suscité une large désapprobation parmi les Centrafricains.

 

  1. Rejet par la Cour constitutionnelle et le peuple centrafricain :

 

La Cour Constitutionnelle, sous la direction du Professeur Danielle Darlan, a invalidé la légitimité de ce comité, reconnaissant ainsi les failles constitutionnelles et éthiques du processus. Malgré ce rejet officiel, le président Touadéra a poursuivi ses efforts pour imposer la nouvelle constitution, ignorant ainsi les préoccupations juridiques soulevées et le consensus populaire contre ces changements.

 

  1. Promulgation controversée de la Constitution :

 

La nouvelle constitution, promulguée le 30 août 2023, est devenue un symbole de la régression démocratique en République Centrafricaine. Ziguelé a souligné que, malgré son rejet massif par la population et sa contestation par la Cour Constitutionnelle, elle a été imposée, constituant un véritable coup d’État constitutionnel. Cette constitution a non seulement étendu le mandat présidentiel, mais a également créé des divisions sociales profondes, en particulier avec la distinction entre les “Centrafricains d’origine” et les autres, et facilité une exploitation économique prédatrice.

 

Martin Ziguelé a exprimé une profonde inquiétude face à l’avenir de la République Centrafricaine sous cette nouvelle constitution imposée. Il a appelé à une résistance active pour préserver les principes démocratiques et assurer une gouvernance qui reflète fidèlement la volonté du peuple centrafricain.

 

Encerclé à gauche, le mercenaire russe de la société Wagner incorporé colonel dans la gendarmerie nationale et déployé à la garde présidentielle par Faustin Archange Touadera, ici lors de la parade militaire au camp Kassaï, dans le septième arrondissement de Bangui, capitale de la République centrafricaine. Ce mercenaire, défilé parmi les éléments de forces de défense et de sécurité intérieures, porte la tenue de la police centrafricaine, un berret de la garde présidentielle et un galant de la gendarmerie.
Encerclé à gauche, le mercenaire russe de la société Wagner incorporé colonel dans la gendarmerie nationale et déployé à la garde présidentielle par

 

La Mainmise de Wagner et de la Russie sur la Centrafrique

 

Un aspect crucial du discours de Martin Ziguelé fut la mise en lumière de l’influence grandissante et problématique du groupe Wagner et de la Russie en République Centrafricaine. Cette mainmise pose des défis significatifs pour la souveraineté et l’intégrité du pays.

 

  1. Ascension de Wagner en Centrafrique :

 

Martin Ziguelé a décrit comment le groupe Wagner, une organisation de mercenaires privée, est passé d’un rôle de conseiller militaire à une force politique et économique dominante en Centrafrique. Initialement introduits sous couvert de renforcer la sécurité nationale, ces mercenaires ont progressivement étendu leur influence, s’immisçant dans les affaires politiques et économiques du pays.

 

  1. Contrôle Politique et Militaire :

 

Le groupe Wagner, selon Martin Ziguelé, a non seulement renforcé son emprise sur les forces armées centrafricaines, mais a aussi joué un rôle crucial dans l’élaboration de la nouvelle constitution controversée. Cette influence se manifeste dans le contrôle effectif des décisions militaires et politiques, éclipsant souvent l’autorité des institutions nationales.

 

  1. Exploitation Économique :

 

En plus de leur impact politique et militaire, Martin Ziguelé a souligné l’exploitation économique par Wagner et la Russie des ressources naturelles de la Centrafrique. La prise de contrôle des secteurs minier et forestier, notamment l’exploitation de l’or et du bois précieux, se fait au détriment de l’économie nationale et des communautés locales. Cette prédation prive le pays de revenus essentiels et aggrave la situation économique déjà précaire.

 

  1. Répercussions sur les Droits Humains :

 

Martin Ziguelé a également attiré l’attention sur les violations des droits humains commises par les forces de Wagner, exacerbant la situation sécuritaire et humanitaire en Centrafrique. Ces actions sapent les efforts de reconstruction nationale et de réconciliation, creusant davantage le fossé entre le gouvernement et la population.

 

Martin Ziguelé a exprimé une profonde préoccupation face à la mainmise de Wagner et de la Russie sur la Centrafrique. Cette situation, selon lui, menace non seulement la souveraineté nationale, mais compromet également les progrès vers une stabilité et une prospérité durables pour le peuple centrafricain.

 

La Réaction de l’opposition et les défis à venir

 

Martin Ziguelé a abordé de manière approfondie la réaction de l’opposition face aux défis politiques, économiques et sociaux actuels en République Centrafricaine, ainsi que les perspectives d’avenir pour le pays.

 

  1. Opposition à la Nouvelle Constitution :
Les leaders du Bloc républicain pour la défense de la constitution BRDC
Les leaders du Bloc républicain pour la défense de la constitution BRDC

 

L’opposition, dirigée par des figures telles que Martin Ziguelé, Anicet Georges Dologuelé , Crépin Mboli-Goumba, Nicola Tiangaye et bien d’autres, s’est fermement opposée à la promulgation de la nouvelle constitution, qu’elle considère comme un coup d’État constitutionnel. Elle a exprimé son désaccord non seulement sur la forme de cette constitution, mais aussi sur son contenu, notamment en ce qui concerne la prolongation des mandats présidentiels et la création de divisions au sein de la population centrafricaine.

 

  1. Lutte contre l’influence de Wagner et de la Russie :

 

La présence et l’influence de Wagner et de la Russie en Centrafrique ont été un autre point de contentieux majeur pour l’opposition. Martin Ziguelé a souligné les efforts de l’opposition pour sensibiliser la communauté internationale et la population locale à l’impact négatif de cette présence, notamment en termes d’exploitation des ressources et de violations des droits humains.

 

3. Défis économiques et sociaux :

 

L’opposition est également préoccupée par les graves problèmes économiques et sociaux auxquels le pays est confronté, exacerbés par la mauvaise gestion du gouvernement actuel. Elle plaide pour une approche plus inclusive et équitable dans la gestion des ressources naturelles et une meilleure répartition des richesses pour combattre la pauvreté et l’insécurité alimentaire.

 

4. Perspectives d’avenir :

 

Face à ces défis, l’opposition envisage de poursuivre sa lutte pour la démocratie, la transparence et la justice sociale en Centrafrique. Elle appelle à un engagement accru de la part de la communauté internationale et à un soutien pour les efforts visant à restaurer la stabilité et la prospérité en République Centrafricaine.

 

En résumé, la position de l’opposition, telle qu’articulée par Martin Ziguelé, est celle d’une résistance continue face aux défis actuels et à venir. Elle reste déterminée à œuvrer pour un changement positif et durable, malgré les obstacles rencontrés.

 

Conclusion

 

La conférence animée par Martin Ziguelé a offert une analyse pénétrante et complète de la situation complexe en République Centrafricaine. Elle a mis en lumière les défis politiques, économiques et sociaux auxquels le pays est confronté, ainsi que les implications profondes des récents développements politiques.

Martin Ziguelé a clairement exposé les risques posés par la nouvelle constitution et la présence étrangère, en particulier celle de Wagner et de la Russie, sur la démocratie et la souveraineté de la Centrafrique. Sa critique de la mainmise politique et économique de ces acteurs externes sur le pays est un avertissement sérieux sur la nécessité de préserver l’indépendance nationale et le respect des droits de l’homme.

L’opposition, guidée par des personnalités comme Martin Ziguelé, a démontré un engagement ferme à lutter contre ces défis. L’appel à une plus grande implication de la communauté internationale et à un soutien pour les forces démocratiques locales est crucial pour inverser la tendance actuelle et assurer un avenir plus prometteur pour la Centrafrique.

Bien que l’avenir de la République Centrafricaine soit incertain, les paroles de Martin Ziguelé inspirent l’espoir d’un changement positif. La résilience et la détermination de l’opposition à œuvrer pour la justice, la démocratie et le développement durable sont des signes encourageants pour le pays.

En réalité, cette conférence a servi de plateforme importante pour discuter des enjeux critiques auxquels la République Centrafricaine est confrontée et pour explorer les voies possibles vers un avenir plus stable et prospère. L’importance de la vigilance, de l’engagement civique et de la solidarité internationale a été soulignée, offrant une vision d’espoir et d’action pour surmonter les défis actuels.

 

Par Alain Nzilo

Directeur de publications

Corbeaunews Centrafrique

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