Le monde.fr / Corbeaunews.ca: 30-10-2014, 00h42
Combien étaient-ils dans les rues d’Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, à protester contre la volonté du président Blaise Compaoré de s’accorder une nouvelle prolongation de pouvoir ? « Plus d’un million », comme l’affirment les organisateurs de la manifestation ? Des centaines de milliers ? Là n’est pas l’essentiel. Bien plus encore que lors des précédents rassemblements, l’opposition a démontré, mardi 28 octobre, sa capacité de mobilisation et, en dépit de quelques affrontements avec les forces de l’ordre, la « journée nationale de protestation » a été un succès populaire et s’est tenue sans violences majeures.
Le slogan « Blaise dégage ! » a aussi été scandé en province, comme à Bobo Dioulasso, la deuxième ville du pays, où la statue présidentielle a été démolie.
La capitale, transformée en ville morte, demeure cependant l’épicentre de la semaine de contestation, débutée lundi par une marche d’associations de femmes. « Le combat pour le changement n’est plus celui de l’opposition politique. Il est devenu celui de la grande majorité du peuple burkinabé, qui a décidé de prendre son destin en main », s’enthousiasme l’ancien ministre des affaires étrangères, Ablassé Ouédraogo, qui préside le parti Le Faso Autrement et coordonne les manifestations contre « le coup d’Etat constitutionnel ».
« DÉSOBÉISSANCE CIVILE »
Le Burkina Faso est entré dans une période de turbulences, divisé par une question simple : faut-il offrir au chef de l’Etat, au pouvoir depuis son putsch de 1987 contre Thomas Sankara, le droit de briguer un cinquième mandat en novembre 2015 ? L’article 37 de la Constitution l’en empêche. Pour faire sauter ce verrou, Blaise Compaoré dispose de deux options : modifier la loi fondamentale par référendum ou par voie parlementaire.
Après avoir laissé croire pendant des mois qu’il procéderait à une consultation populaire, le pouvoir a manœuvré ces dernières semaines pour obtenir le ralliement du nombre de députés nécessaires à une révision par l’Assemblée nationale. Avec une majorité des trois quarts des 127 membres du Parlement, soit 96 voix, nul besoin de procéder à un référendum.
Le projet de loi présenté par le gouvernement doit être soumis au vote jeudi, mais, s’il n’obtient l’approbation « que » d’une majorité simple, le président Compaoré devra se résoudre à organiser un référendum.
Pour l’opposition, appuyée par des organisations de la société civile, comme pour les autorités, cette semaine, et particulièrement la journée de jeudi, est classée à haut risque. Chaque camp joue son avenir mais se doit de montrer des gages de responsabilité. Confronté au basculement de nombre de ses ténors dans l’opposition et à la lassitude d’une bonne partie de la jeunesse qui n’a connu qu’un seul président, le pouvoir a jusque-là autorisé les manifestations et s’est abstenu d’une répression qui n’aurait pas manqué d’enflammer la rue et de provoquer des condamnations internationales.
A l’issue de la journée de mardi, le porte-parole du gouvernement, Alain-Edouard Traoré, se permettait même de louer « les chefs de file de l’opposition qui sont restés dans le cadre républicain ». Pour ces derniers, l’équation est compliquée. Après avoir appelé à la « désobéissance civile » et à bloquer les accès au Parlement jeudi, ils jouent leur va-tout. Comme le résume Ablassé Ouédraogo : « Il faut à tout prix éviter cette révision constitutionnelle, sans tomber dans l’irréparable. »
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