La mainmise de la puissance coloniale russe sur les médias africains et centrafricains.

Publié le 24 mai 2022 , 8:09
Mis à jour le: 24 mai 2022 2:07 pm

Rédigé par Adama Bria

Publié par Corbeaunews Centrafrique (CNC), le mercredi 25 mai 2022

Bangui (CNC) – L’intensification de l’influence russe sur les médias africains a pour conséquence la mise en péril des acquis démocratiques sur le continent, et plus particulièrement en Centrafrique.

Touadera et Poutine
Touadera et Poutine

 

L’Institut sud-africain des affaires internationales (SAIIA) a publié en février dernier un rapport intitulé « Russian medias and Africa : exercising softpower », dans lequel il explique notamment comment la Russie cherche à étendre son contrôle sur les médias et les journalistes pour manipuler l’information à son profit, et ainsi poursuivre son retour sur le continent africain qu’elle a amorcé officiellement depuis le sommet de Sotchi en 2019.
Ce rapport fait état des efforts de Moscou pour influencer l’opinion publique sur le continent [qui] ne sont pas négligeables et doivent être considérés comme faisant partie d’une stratégie plus large. (…) Ces efforts sont destinés à faire renaître la Russie en tant que superpuissance d’envergure mondiale. (…) A l’effondrement de l’URSS en 1991, l’Etat russe en faillite s’est retiré de ses engagements en Afrique. (…) Mais l’engagement russe sur le continent a été relancé, notamment après l’annexion de la Crimée en 2014. »

« Celui qui contrôle les médias, contrôle les esprits ». C’est sans aucun doute la principale leçon à retenir de la stratégie d’influence russe.

Selon le Secrétaire Général de Reporter Sans Frontières (RSF), « on revient à une forme de contrôle des médias presque totalitaire, comme au temps du Stalinisme, au sens où les mots sont employés pour dire le contraire ». Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, les autorités russes étouffent les médias, limitent l’accès aux réseaux sociaux et imposent leur propagande. Plusieurs médias indépendants russes ont été contraints de fermer ou de cesser d’émettre en Russie, le but étant d’empêcher les citoyens de connaitre la vraie nature du conflit et éviter une vague de contestation.
La plateforme sociale Facebook a d’ailleurs été bloquée par la Russie pour ses résidents une semaine après le début de la guerre en Ukraine. La loi russe punit dorénavant de 15 ans de prison les médias, journalistes ou citoyens qui emploieraient les mots « guerre » ou « invasion » pour parler du conflit, et qui contesteraient la légitimité du régime totalitaire de Poutine.

Une stratégie d’expansion qui commence par une présence physique…

La stratégie globale de colonisation russe est rendue plus facile, ou tout du moins plus sournoise avec l’étendue d’internet dans le monde.

La Centrafrique est le plus bel exemple de l’expansion de la Russie en Afrique en termes d’influence. Pour s’y implanter, la Russie a d’abord légitimé sa présence en Afrique auprès de l’opinion publique, puis a cherché à déstabiliser ses adversaires dans la région. D’ailleurs pour preuve, toutes les campagnes de désinformation visent les partenaires historiques occidentaux des pays africains.

Les mercenaires de la Société Militaire Privée Wagner dépêchés en Centrafrique fin 2017 pour assurer la sécurité rapprochée du Président Touadéra, contrôlent désormais les mines d’or et de diamants. A la tête de Wagner, Dimitri Outkine, ancien membre du GRU, le service de renseignement militaire russe. Celui qui finance toutes les actions de Wagner, c’est Evgueni Prigojine, toujours vu aux côtés de Poutine.
Les vols, viols, meurtres, tortures, ne sont qu’une partie des états de service de ces mercenaires pour piller les richesses du pays. Les médias et journalistes en font aussi les frais : désinformation, création et financement de médias anti-occidentaux, menaces verbales et physiques vis-à-vis de ceux qui refusent de se soumettre au diktat russe voire assassinats déguisés en accidents, sont autant de faits qui tuent à petit feu les démocraties africaines. Qui d’ailleurs ne se souvient pas de l’assassinat de ces 3 journalistes indépendants russes qui enquêtaient sur le groupe Wagner le 30 juillet 2018, quelques mois à peine après l’arrivée des mercenaires en RCA ?

Et qui se poursuit par une forte présence numérique.

La Russie va ensuite rapidement lancer de virulentes campagnes de désinformation pour « légitimer » sa présence sur le sol centrafricain, et surtout pour en « chasser » ses partenaires unis « par un lien historique et consanguin », selon le maire de la ville de Bangui, Raymond Nakombo.
En Centrafrique, il n’est de secret pour personne que la radio Lengo Sengo et le journal Ndjoni Sango sont contrôlés par les russes puisque tous deux financés par la société Lobaye Invest de Prigojine, et qui diffusent leurs articles mensongers et diffamatoires. Le chef de la communication de Wagner, Aleksander Ivanov, est d’ailleurs à de nombreuses reprises intervenu sur les ondes de la radio Lengo Sengo, pour tenter de légitimer le rôle et la présence de ses mercenaires en Centrafrique.
Les usines à trolls russes s’étendent en Afrique. C’est l’agence russe Internet Research Agency qui fait animer ces faux vrais comptes par des personnes pour mener de grandes campagnes de désinformation. L’usage des médias dans la propagande russe n’est pas nouveau. En 2019, Facebook supprimait des milliers de comptes inauthentiques gérés par la Russie pour relayer à grande échelle sa propagande, et tenter d’influencer positivement l’opinion publique sur les agissements de la Russie. En janvier 2022, Facebook annonçait à nouveau avoir mis fin à une campagne d’influence russe visant l’Afrique sur sa plateforme, qui provenait de Saint Petersbourg et qui visait plusieurs pays d’Afrique.
Pour autant ce réseau de désinformation ne fait que s’amplifier de jour en jour. Il est aujourd’hui implanté à Madagascar, en Centrafrique, au Mozambique, en République démocratique du Congo, mais aussi en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Soudan et en Libye.

Depuis le début de la guerre en Ukraine et le rapatriement des mercenaires de Wagner pour aider les soldats russes, la manipulation des médias centrafricains par les russes a baissé, et tout le monde s’accorde à dire qu’avec cette diminution des actions de manipulations, le pays ne s’en porte que mieux. Mieux encore, les apparatchiks centrafricains, telle la radio Lengo Sengo ou la presse en ligne et papier Ndjoni Sango, sont en train de mourir de leur belle mort n’ayant plus autant d’apports financiers de la Russie qui leurs permettaient d’inonder la Centrafrique de leur propagande et de leurs mensonges.

Alors que la Russie recule au classement mondial de la liberté de la presse en occupant la 155e place, la Centrafrique avance de 25 places, la dépasse et se classe 101e.

Beaucoup sont ceux qui souhaitent voir se terminer l’influence funeste et sinistre de l’appareil colonial russe en Centrafrique et sur le continent, afin que renaisse enfin la démocratie.

 

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