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Mariages temporaires : des religieux irakiens exploitent sexuellement des fillettes

Bangui (République centrafricaine) – 7 oct. 2019 00:05

Selon l’enquête menée avec une caméra cachée, ces guides religieux agissent comme des proxénètes en exploitant sexuellement des enfants, sous couvert de la religion. L’enquête diffusée par le service en langue arabe de la BBC a été donc filmée à l’insu des protagonistes, à Bagdad et à Karbala, deux villes irakiennes. Elle lève le voile sur l’exploitation sexuelle des jeunes femmes par une élite religieuse.
Le “mariage de plaisir” est une pratique religieuse controversée, utilisée par les musulmans chiites. Il s’agit d’une union temporaire, pour laquelle la femme est rémunérée.
Le “mariage de plaisir” est illégal, selon le droit irakien. Des hommes, des chefs religieux notamment, y recourent en rémunérant leurs partenaires pour des unions de courte durée. Certains de ces “mariages” durent seulement… une heure. Le temps d’avoir des rapports sexuels. Quelques-unes des filles “mariées” de la sorte ont à peine neuf ans.
L’enquête de la BBC sur le “mariage de plaisir” a été dirigée par Nawal al-Maghafi.
Dans les pays à majorité sunnite, ce mariage dit “misyah” remplit une fonction similaire, permettant à un homme de se chercher une partenaire, lors d’un voyage par exemple. Aujourd’hui, il est utilisé pour permettre à un homme et à une femme d’avoir des relations sexuelles pendant une période déterminée. Cette pratique divise les érudits musulmans, certains d’entre eux estimant que c’est un moyen de légitimation de la prostitution. Et la possibilité qu’un mariage soit de courte durée suscite la controverse chez ces érudits.
Des journalistes irakiens et britanniques travaillant pour la BBC ont enquêté sur le sujet pendant plus de 11 mois, en Irak.
Quinze années après la guerre menée contre l’Irak par les Etats-Unis, le nombre de veuves irakiennes est estimé à un million. A cause de la pauvreté, de nombreuses femmes sont contraintes d’accepter le “mariage de plaisir”, selon les journalistes de la BBC. Ils constatent que le “mariage de plaisir” est surtout pratiqué dans deux des villes les plus religieuses d’Irak.
La BBC a écouté le témoignage d’une mineure qui prétend avoir été prostituée par un religieux.
A Khadimiya par exemple, un quartier de Bagdad, un des sanctuaires les plus importants de la communauté chiite, huit des chefs musulmans rencontrés se sont prononcés en faveur du “mariage de plaisir”. La moitié d’entre eux dit être prête à contracter cette forme d’union avec des filles de 12 ou 13 ans.
Les journalistes se sont également rapprochés de quatre religieux à Karbala, le plus grand lieu de pèlerinage chiite du monde. Deux d’entre eux disent être favorables au “mariage de plaisir” avec de jeunes filles.
Sayyid Raad, un religieux de Bagdad, a déclaré à la BBC que la charia, la loi islamique, n’impose aucune limite de temps pour le “mariage de plaisir” : “Un homme peut épouser autant de femmes qu’il veut. Tu peux épouser une fille pendant une demi-heure, et dès que c’est fini, tu peux en épouser une autre.”
Kadhimiya est un important lieu de pèlerinage pour les musulmans chiites.
Lorsque l’un des journalistes a demandé à Sayyid Radd s’il était acceptable d’avoir un “mariage de plaisir” avec une enfant, le religieux a répondu : “Faites attention à ce qu’elle ne perde pas sa virginité.” Il a ajouté : “Tu peux avoir des préliminaires avec elle, coucher avec elle, toucher son corps, ses seins… Tu ne peux pas la pénétrer par le devant. Mais le sexe anal, c’est bien.”
La BBC a demandé à Sheikh Salawi, un religieux de Karbala, s’il est acceptable de contracter un “mariage de plaisir” avec une fille de 12 ans. “Oui, à partir de neuf ans, il n’y a pas de problème du tout. Selon la charia, il n’y a pas de problème”, a-t-il répondu.
Comme Sayyid Raad, il a dit que la seule question est de savoir si la fille est vierge. Les “préliminaires” sont autorisés, et les rapports sexuels anaux sont acceptables si le mineur y consent, dit-il.
Yanar Mohammed, une militante irakienne des droits des femmes, déclare que les filles sont traitées comme des “marchandises” plutôt que comme des êtres humains. Elle souhaite que les filles préservent leur virginité jusqu’à ce qu’elles soient mariées.
En Irak, lorsqu’une fille perd sa virginité avant la vie conjugale, elle est considérée comme inapte au mariage. Sa famille peut s’estimer avoir été déshonorée par elle. “C’est toujours la fille, les femmes qui en paient le prix”, déplore Yanar Mohammed.
Les journalistes de la BBC ont secrètement enregistré et filmé des conversations avec des chefs religieux qui disent être prêts à se marier avec de jeunes filles. Une fille mineure prétend avoir été prostituée par un chef religieux. Son témoignage a été corroboré par des témoins. Et un chef religieux a reconnu avoir contracté un “mariage de plaisir” pour… 24 heures.
Beaucoup de femmes et de filles acceptent le “mariage de plaisir” à cause de la pauvreté.
Ghaith Tamimi, un haut dignitaire chiite irakien, vit maintenant en exil à Londres. Il dénonce les religieux qui utilisent le “mariage de plaisir”. “Ce que cet homme dit est un crime qui doit être puni par la loi”, soutient-il, parlant de l’un des témoignages en faveur de la pratique du “mariage de plaisir”.
Selon certains chefs religieux chiites irakiens, la loi islamique autorise les actes sexuels avec des enfants. Ghaith Tamimi, lui, invite les dirigeants chiites à condamner cette pratique.
La mosquée de Karbala est l’un des sites les plus sacrés de l’islam chiite.
Deux religieux secrètement filmés lors de l’enquête de la BBC disent être des adeptes de l’ayatollah Sistani, l’une des principales figures de l’islam chiite. Mais, dans une déclaration à la BBC, l’ayatollah a déclaré : “Si ces pratiques se produisent de la manière dont vous le dites, nous les condamnons sans réserve. Le mariage temporaire ne doit pas être utilisé (…) pour porter atteinte à la dignité et à l’humanité des femmes.”
“Si les femmes ne vont pas à la police pour dénoncer les religieux, il est difficile pour les autorités d’agir”, a dit un porte-parole du gouvernement irakien à la BBC.

Avec BBC Afrique

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