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Lu pour vous : Le bilan mitigé de six mois d’opération « Sangaris »

07/06/14 (Le Monde)

C’était il y a six mois. Le 5 décembre 2013, François Hollande annonçait le déclenchement en urgence de l’opération « Sangaris ». Une nouvelle intervention militaire française en terre africaine, un an après le Mali, une de plus en Centrafrique.

Bangui était alors à feu et à sang. Le matin même, des groupes d’insurgés, les anti-balaka, avaient lancé un assaut sur la capitale. Après avoir repoussé leurs ennemis, les ex-rebelles de la Séléka, alors au pouvoir, imposaient une campagne de représailles à la population. Un carnage.

Six mois plus tard, l’action des forces internationales, 2 000 soldats français et 6 000 africains, a permis de mettre un terme aux massacres de grande ampleur. Mais la République centrafricaine (RCA), en crise profonde depuis des décennies, est loin d’avoir retrouvé la stabilité.

En nombre insuffisant pour un territoire grand comme la France et la Belgique réunies, les militaires étrangers sont les pompiers d’incendies qui s’allument encore en différents points du pays.

La situation humanitaire demeure catastrophique. L’ancienne puissance coloniale attend désormais avec impatience le déploiement d’une opération de maintien de la paix, prévue pour la mi-septembre, pour se désengager progressivement du terrain. Cependant, à Paris comme à Bangui, l’espoir d’une opération brève, « qui n’a pas vocation à durer » selon François Hollande, s’est envolé.

LE NOM DU LÉPIDOPTÈRE

En choisissant le nom d’un lépidoptère local, le sangaris, les stratèges militaires avaient vraisemblablement à l’esprit que cette opération entraînerait un effet papillon. Une réaction en chaîne s’est bien produite, mais pas exactement celle escomptée.

En portant ses premiers coups sur la Séléka, dont les combattants et les cadres sont majoritairement musulmans, l’intervention française a inversé le rapport de force et n’a pu empêcher la vague de vengeances qui s’est abattue sur la minorité civile musulmane. « Nous n’avions pas mesuré le pouvoir de nuisance des anti-balaka, ni anticipé le niveau de haine d’une bonne partie de la population », reconnaît une source officielle à Paris.

Aujourd’hui, la géographie centrafricaine a été entièrement recomposée. Quelques milliers de musulmans subsistent, sous protection des forces africaines ou françaises, dans des enclaves de l’ouest du pays et de Bangui, les autres se sont réfugiés au Cameroun, au Tchad ou dans le nord-est de la RCA, où se sont repliés la majorité des miliciens de la Séléka.

« La Centrafrique est une et indivisible », répètent à l’envi les autorités et tous les responsables politiques locaux. Dans les faits, le pays est aujourd’hui traversé par de multiples lignes de fracture. Le reflux des musulmans dans l’Est a provoqué de facto une césure du territoire, une partie « sous contrôle » des ex-rebelles, l’autre où essaiment différentes factions anti-balaka et de petits groupes armés.

ATONIE POLITIQUE DES AUTORITÉS

Toutes les mouvances sont traversées par des divisions politiques, des logiques mafieuses et des querelles de pouvoir. La France tente d’appuyer les personnalités les plus modérées de chaque camp : les Séléka qui refusent l’idée d’une partition et les anti-balaka qui prônent l’arrêt des violences, mais leur influence sur le terrain est contestée.

L’atonie politique des autorités est également devenue un sujet majeur de préoccupation. Installée au pouvoir le 20 janvier après la démission forcée de Michel Djotodia, la présidente de transition Catherine Samba-Panza et son gouvernement peuvent à juste titre se plaindre de la lenteur d’arrivée des fonds promis par la communauté internationale, mais leur incapacité à engager un réel processus de réconciliation suscite l’exaspération croissante de nombre d’acteurs extérieurs.

L’exécutif centrafricain est une mosaïque où cohabitent mal ses différentes composantes. Alors que les principales personnalités politiques se réservent pour la présidentielle et sont maintenues hors du cercle de décision, l’annonce d’un remaniement ministériel qui tarde à se concrétiser a généré de nouvelles tensions à Bangui.

Le Congo et le Tchad, les deux parrains régionaux qui n’avaient pas « voté » pour Mme Samba-Panza lors de son élection à la tête de la transition, maintiennent la pression sur les autorités mais, selon plusieurs sources diplomatiques, Brazzaville se montre de plus en plus las alors que N’Djamena n’a pas encore digéré l’humiliation de ses soldats, ressortissants et descendants de familles tchadiennes, tous sortis à la hâte de RCA.

Dans ce contexte toujours troublé, l’organisation d’élections en février 2015 se révèle chaque jour plus incertain. Même avec des effectifs plus réduits, la mission des soldats français, qui ne devait initialement durer que six mois, risque fort d’être prolongée.

Cyril Bensimon (envoyé spécial en Centrafrique)

 

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/06/07/le-bilan-mi…

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