Centrafrique : table ronde de Bruxelles, comment Touadéra a pu rater son pari ?
Bangui, le 22 novembre 2017.
Par: Gisele MOLOMA.
17 novembre 2016 – 17 novembre 2017, cela fait déjà exactement un an que la rencontre de Bruxelles entre les autorités centrafricaines et les donateurs, connue sous le nom de « table ronde de Bruxelles, a été organisée dans la capitale belge afin de mobiliser des ressources en vue de financer le plan de relèvement et de consolidation de la paix du pays. 1 600 milliards de francs CFA, c’est le montant en chiffre des promesses d’aide à donner. 12 mois après cette rencontre, seulement moins de 50% des fonds promis ont été décaissés. Pourquoi ? Comment le président Touadéra et le gouvernement de Simplice Mathieu SARANDJI ont-ils fait pour ne pas répondre aux exigences de ces donateurs ? Une enquête exclusive CNC.
Rien qu’en écoutant le montant, 2,268 milliards de dollars américains, le président Touadéra criait victoire et les Banguissois, qui accueillaient la délégation de leur retour de Bruxelles, chants et danses populaires, croyaient à un début de développement sans précédent de son pays. Or, ce n’est qu’une promesse et surtout une assortie de certaines conditions plus simples, mais strictes dont les réformes du secteur public et la nomination d’un Premier ministre au profil politique et financier solide.
Jour après jour, voilà 370 jours écoulés sans possibilité désormais pour les Centrafricains de voir la manne atterrit. Demain, marche sans espoir aucun vers sa deuxième année et année de sa déchéance. Seulement 900 millions de F CFA sur environ 1 700 milliards de F CFA promis, décaissés selon le ministre de l’Économie le sieur Félix Moloua.
Mais pourquoi les choses en sont arrivées là ?
D’après un économiste contacté par CNC, les donateurs ne sont pas des enfants de chœur. Ce sont avant tout des financiers qui connaissent les risques potentiels qui camouflent toutes demandes d’argent. Ceci dit, il est aisé pour eux de faire des promesses, mais difficile par contre de les tenir si et seulement si leurs conditions ne sont pas respectées.
Le président Faustin Archange Touadéra et son Premier ministre Simplice Mathieu SARANDJI, croyant endormir déjà les bailleurs des fonds de Bruxelles, ne pensent plus aux exigences de ces derniers qui ne tarderont pas à décrédibiliser les projets présentés par la partie centrafricaine à Bruxelles. Ils se croisent les bras, dans l’espoir de devenir milliardaires lorsque les fruits de Bruxelles tomberont comme de l’eau de robinet. L’homme prudent voit le mal venir de loin, un adage que les bailleurs se rappellent pour garder les yeux ouverts, même dans la nuit, pour voir le mal gesticulé. Au finish, ils expliquent, sans détour, qu’ils ne pourront plus financer totalement le plan de consolidation proposé par la RCA. Le bon dol de Faustin Archange Touadéra et Félix Moloua, décelé. Dit-on dans les milieux diplomatiques et consulaires à Bangui.
Que faire ?
Se retourner directement vers les investisseurs et les faire venir à Bangui pour une opération de charme. , et les pousser à jeter leur argent dans la gueule des lions qui décapitent le pays, a résolu le président Touadéra. Ainsi, Faustin Archange Touadéra et son Premier ministre Simplice Mathieu SARANDJI ont réussi à convaincre la Banque mondiale qui a organisé le fameux « Forum des investisseurs ». Une sorte de Bruxelles bis. Un pari audacieux pour Touadéra et son équipe et risqué pour les investisseurs. Conséquence, seulement une dizaine des investisseurs a répondu à l’appel sur les centaines invités.
D’après nos informations, l’idée d’organiser ce fameux Forum des investisseurs vient du fait que les investisseurs se désintéressent de plus en plus, le pays. Malgré les multiples opérations de charmes du président Touadéra à travers le monde depuis son investiture, seulement 5 investisseurs internationaux sont venus installer en Centrafrique. Si l’on en croit aux dossiers validés par le bureau de l’Assemblée nationale. Le refus des investisseurs de venir investir en Centrafrique n’est pas dû uniquement à l’insécurité, mais plutôt de la découverte par ceux-ci d’un système mafieux mis en œuvre par le gouvernement pour leur soutirer de l’argent.
D’après une source renseignée, tous les ministres qui reçoivent le dossier d’un investisseur potentiel veulent « manger ». Et pour ce faire, ils demandent aux investisseurs de « mouiller la gorge de Haute Autorité » pour que le dossier avance sans ambacte une fois sur la table des membres du bureau de l’Assemblée nationale. Et le montant exigé varie selon que l’investisseur est minier ou forestier. Le minimum, entre 10 à 20 millions de F CFA.
Informé de la pratique d’enrichissement sans cause du gouvernement et de la Présidence, le bureau de l’Assemblée nationale, à son tour, instaure son propre système de jeu mafieux. Un membre du bureau contacté par CNC affirme, sous couvert de l’anonymat, que le Premier vice-président de l’Assemblée nationale en charge d’Administration parlementaire, décrit en des termes un peu amusants leur manière d’avoir les rétros commissions des investisseurs : « Pour que le dossier pèse et passe, il faut y mettre un caillou qui pèse aussi».
Cette pratique de gouvernance avec des rétros commissions mises en place par le gouvernement et le bureau de l’Assemblée nationale, décourage les investisseurs. D’après certains investisseurs contactés par CNC, cette pratique ne fait qu’alourdir les coûts d’investissement dans l’Etat déjà inexistant par manque des infrastructures et en proie à l’insécurité chronique. Et donc, il faut dorénavant verser des pots-de-vin non seulement à la Présidence et à la Primature, mais aussi au bureau de l’Assemblée nationale pour pouvoir avoir une convention d’établissement.
Pour un diplomate en poste à Bangui, « la Centrafrique n’a qu’une seule équation à résoudre : trouver un leader qu’il faut et non des apprentis qui ne savent quoi faire et qui, pour un rien, sautent du coq-à-l’âne ou mettent les charrues devant les bœufs pour cultiver ».
Pour ce diplomate, les nouvelles autorités doivent d’abord assainir le milieu d’affaires pourri et les investisseurs viendront d’eux-mêmes et non les inviter pour des beaux discours que le pays se dotera de tel ou tel arsenal juridique, qu’ils ne voient pas d’ailleurs, avantageux pour eux et cela est pendant devant les députés. Il fait allusion au code d’investissement sur le bureau de l’Assemblée nationale en attente de lecture, Un cas palpable de charrues devant les bœufs.
Aujourd’hui déçu du résultat escompté du Forum des investisseurs, le président Touadéra se trouve, à nouveau, à Bruxelles. Pourquoi faire ? Une gouvernance du coq à l’âne, dossier dans une prochaine enquête à ne pas rater.
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