Touadéra, tu commences à fuir la CPI déjà? Un mois que tu ne sortes pas du pays, as-tu peur? T’inquiète, la CPI viendra te chercher à Bangui. Tu vas aller où ?

Rédigé le 23 novembre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
Un silence présidentiel qui en dit long sur l’état d’esprit de ces personnes. Depuis son bref passage à Libreville le 16 octobre, Faustin Archange Touadéra n’a plus quitté le territoire centrafricain. Trente jours consécutifs sans le moindre déplacement extérieur pour un président qui cumulait chaque mois auparavant les déplacements à l’étranger. Cette rupture spectaculaire dans l’agenda présidentiel coïncide exactement avec le dépôt du dossier des Douze Apôtres devant la Cour Pénale Internationale.
Les habitudes d’un chef d’État explique souvent l’état de ses inquiétudes. Touadéra, qui multipliait jusqu’en septembre les voyages à Abou Dhabi, Casablanca, Londres ou New York, reste désormais confiné dans un périmètre strictement national. Aucun déplacement à l’étranger, aucune visite bilatérale, aucune tournée de l’amitié russo-centrafricaine. Juste des activités locales, des inaugurations de fortune, des réunions à huis clos.
Cet isolement forcé intervient dans un contexte juridique précis. Le collectif des Douze Apôtres, accompagné de leur avocat canadien Philippe Larochelle, a transmis à La Haye un dossier documentant des crimes commis sur le territoire centrafricain. Les accusations visent directement la présidence, les mercenaires du groupe Wagner, et leurs relais au sein de l’appareil sécuritaire national. Des faits datés, localisés, corroborés par des témoignages et des preuves matérielles.
Dans les chancelleries, cette immobilité ne passe pas inaperçue. Un président qui cesse brutalement comme un donsson de voyager à l’étranger envoie un signal : quelque chose l’inquiète suffisamment pour qu’il préfère rester sur un territoire où il contrôle encore l’appareil judiciaire et sécuritaire. À l’étranger, il perdrait cette protection.
Les conseillers de Touadéra peuvent tenter de minimiser la situation, le précédent soudanais reste dans toutes les mémoires. Omar el-Béchir, président du Soudan, a fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI en 2009. Il a continué à voyager pendant quelques années, se croyant protégé par ses alliances régionales et la complaisance de certains États. Jusqu’au jour où l’étau s’est resserré. Les déplacements sont devenus périlleux, les invitations internationales se sont raréfiées, et finalement, le pouvoir lui a échappé.
La CPI fonctionne selon une temporalité qui lui est propre. Les procédures prennent des mois, parfois des années. Mais lorsqu’un mandat d’arrêt est émis, il devient actif immédiatement et partout où le Statut de Rome s’applique. Cent vingt-trois États parties ont l’obligation légale d’arrêter toute personne visée par un mandat de la CPI se trouvant sur leur territoire. Cette obligation ne souffre aucune exception pour les chefs d’État en exercice – la jurisprudence est définitivement établie depuis l’affaire Béchir.
Touadéra le sait. Son entourage le sait. Et cette connaissance explique probablement l’immobilité actuelle. Un déplacement en Afrique du Sud, au Kenya, en France, en Belgique, ou dans n’importe quel État partie au Statut de Rome devient un pari risqué dès lors qu’un dossier circule à La Haye. Même sans mandat officiel encore émis, la prudence commande de limiter l’exposition internationale.
Le rétrécissement de l’espace de mobilité d’un chef d’État sous menace de poursuite internationale suit une logique implacable. Dans un premier temps, il évite les États européens et nord-américains où l’application du droit international est stricte. Puis il commence à se méfier de certains pays africains où des précédents d’arrestation existent. Finalement, il se retrouve cantonné à un cercle restreint d’alliés sûrs.
Touadéra en est possiblement déjà à ce stade. Son dernier déplacement à Libreville visait le Gabon, pays qui entretient des relations correctes avec la Centrafrique mais dont la position vis-à-vis de la CPI reste ambiguë. Depuis, plus rien. Pas même une visite éclair au Congo-Brazzaville voisin, pourtant dirigé par son allié Denis Sassou Nguesso.
Cette prudence géographique traduit une conscience aiguë des mécanismes juridiques en cours. Un président qui ne craint rien continue de voyager normalement. Un président qui sait que des preuves circulent, que des témoignages s’accumulent, que des juristes internationaux examinent son cas, commence à calculer chaque déplacement.
Dans les communications officieuses qui filtrent du palais présidentiel, le discours reste celui de la sérénité. “Aucun mandat n’a été émis”, répètent les proches du chef de l’État. “La plainte des Douze Apôtres ne repose sur rien de solide”, ajoutent-ils. “Le président reste concentré sur les affaires nationales en prévision des élections de décembre 2025”, concluent-ils.
Ces explications ne convainquent personne. Si la plainte était sans fondement, si le dossier transmis à La Haye ne présentait aucun danger, Touadéra n’aurait aucune raison de modifier son comportement. Un chef d’État innocent ne se terre pas. Il continue ses activités diplomatiques, il rencontre ses homologues, il voyage pour défendre les intérêts de son pays.
L’immobilité actuelle confirme au contraire que le contenu du dossier préoccupe sérieusement la présidence. Les crimes documentés – massacres de civils par les forces russes à Bambari, exécutions sommaires dans la Ouaka, viols collectifs dans la Haute-Kotto, disparitions forcées à Bangui – reposent sur des témoignages précis. Les dates, les lieux, les auteurs présumés sont identifiés. Les chaînes de commandement qui relient ces exactions au sommet de l’État sont établies.
Pendant que Touadéra reste cloué à Bangui, le Bureau du Procureur de la CPI examine la communication des Douze Apôtres. Cette phase préliminaire peut durer plusieurs mois. Le Procureur vérifie la recevabilité du dossier, la gravité des faits allégués, la compétence de la Cour, et surtout, la solidité des preuves présentées.
Si le dossier résiste à cet examen, le Procureur peut demander l’ouverture d’une enquête formelle. À partir de ce moment, la procédure entre dans une phase où la discrétion devient la règle. Plus de communications publiques, plus d’annonces préalables. Juste un travail d’investigation méthodique qui peut déboucher, le moment venu, sur des demandes de mandat d’arrêt.
C’est précisément cette phase silencieuse qui semble préoccuper le président centrafricain. Contrairement aux poursuites nationales où l’accusé peut souvent anticiper les mouvements de la justice, la CPI fonctionne dans l’opacité jusqu’au moment de l’action. Un mandat peut être émis et scellé – c’est-à-dire gardé secret – jusqu’au moment opportun pour son exécution. Le chef d’État visé peut alors continuer à croire qu’il ne risque rien, jusqu’au jour où il pose le pied dans un aéroport d’un pays partie au Statut de Rome.
L’entourage présidentiel tente de justifier l’immobilité de Touadéra par la proximité des élections générales de décembre 2025. Le président, candidat à sa propre succession, devrait naturellement se concentrer sur la campagne électorale nationale plutôt que sur la diplomatie internationale.
Cet argument ne tient pas. Les deux ne sont pas incompatibles. Les chefs d’État en période électorale continuent généralement à assurer leurs fonctions diplomatiques, d’autant plus que les voyages officiels offrent souvent une visibilité médiatique profitable à leur campagne. Un déplacement réussi, un accord signé, une photo avec un homologue prestigieux – autant d’éléments valorisables électoralement.
Si Touadéra ne voyage plus, ce n’est pas parce qu’il est trop occupé par la campagne. C’est parce qu’il ne peut plus prendre le risque de sortir du territoire national. La différence est substantielle. Dans le premier cas, il s’agit d’un choix stratégique. Dans le second, d’une contrainte imposée par les circonstances juridiques.
Cette auto-assignation à résidence diplomatique produit des effets collatéraux significatifs. Les partenaires internationaux de la Centrafrique observent attentivement la situation. Un chef d’État qui cesse de voyager par crainte d’arrestation devient un interlocuteur moins crédible, moins fiable, moins stable.
Les investisseurs potentiels s’interrogent sur la pérennité du régime. Les bailleurs de fonds internationaux réévaluent leurs engagements. Les pays voisins recalculent leurs alliances. Cette fragilisation diplomatique nourrit paradoxalement la procédure en cours : elle confirme que le dossier transmis à La Haye possède une substance réelle, suffisamment sérieuse pour modifier le comportement du président visé.
Le piège se referme lentement mais inexorablement. Touadéra ne peut pas rester indéfiniment confiné à Bangui sans affaiblir sa position internationale. Mais il ne peut pas non plus reprendre ses voyages tant que la menace juridique persiste. Cette paralysie diplomatique devient en elle-même un aveu d’inquiétude.
Touadera, CNC peut te dire que tu peux voyager sans problème. Mais tu risques d’être cueillir comme un rat, exactement comme Armel Sayo à Douala. Tu vas être cueilli de la même manière.
Gisèle MOLOMA….
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