Sikikédé : quand une mission ministérielle tourne au fiasco dans la Vakaga
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Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Dans la Vakaga, une mission envoyée par le ministère de l’administration du territoire pour répondre aux attentes de Sikikédé a viré à la déception. Entre espoirs déçus et tensions ethniques, les habitants dénoncent un fiasco qui ravive les frustrations d’une localité oubliée.
En effet, depuis déjà plusieurs années, la tension entre les communautés Rounga et Goula ne faiblit pas. Dans la préfecture de la Vakaga, au nord-est du pays, un récent épisode administratif a ravivé les frustrations, transformant une mission officielle en un fiasco retentissant pour les habitants de Sikikédé. Ce qui devait être une réponse aux revendications légitimes de cette localité s’est mué en une série de décisions incompréhensibles, alimentant colère et méfiance.
Une demande claire, une attente déçue
Tout a commencé il y a environ deux mois, lorsque la population de Sikikédé, forte de 52 000 à 53 000 habitants, a exprimé haut et fort son souhait de voir son village élevé au rang de sous-préfecture. Avec ses deux communes, Sikikédé dépasse largement en taille des localités comme Ouandja ou même Birao, le chef-lieu de la région Fertit. Pourtant, des années plus tôt, le ministère de l’Administration des territoires avait choisi Ouandja, une commune Goula bien moins peuplée, pour en faire une sous-préfecture, reléguant Sikikédé à un statut secondaire. Ce choix avait déjà semé la grogne parmi les Rounga, majoritaires à Sikikédé, qui y voyaient une injustice criante.
Face à cette colère montante, le gouvernement a décidé d’agir. Une délégation a été envoyée, avec le soutien logistique de la MINUSCA, pour écouter les habitants et évaluer la situation sur place. L’itinéraire semblait simple : atterrir à Birao, puis rejoindre Sikikédé pour discuter avec la population et rapporter des faits concrets à Bangui. L’espoir était palpable. Enfin, les autorités semblaient prêtes à reconnaître l’importance de cette localité oubliée.
Un détour qui change tout
Mais rien ne s’est passé comme prévu. Une fois arrivée à Birao, la mission a pris une tournure inattendue. Au lieu de se concentrer sur Sikikédé, elle s’est transformée en une tournée générale des villages de la Vakaga. Gordil, puis d’autres localités, ont été visités en premier, reléguant Sikikédé au second plan. Quand l’équipe a finalement atteint le village, le lendemain de son passage à Gordil, l’accueil fut chaleureux. Des motos, des cris de joie : les habitants voyaient dans cette visite une lueur d’espoir.
Cet enthousiasme a vite laissé place à la stupeur. À peine arrivée, après un trajet matinal, la délégation n’a passé que quelques minutes sur place, environ 5 minutes. Pas de pause, pas de discussion approfondie. À la hâte, elle a annoncé la création de deux communes, Fah et… Wavourou. Le nom de Ndah, cher aux Rounga, disparaissait au profit de Wavourou, un petit village Goula situé à cinq kilomètres de Sikikédé. Pour les habitants, ce choix n’avait aucun sens. Wavourou, avec sa poignée de résidents, ne représente qu’une fraction de la population de Sikikédé ou même de ses quartiers. Pire encore, ce nom Goula semblait effacer l’identité Rounga de Ndah, perçue comme un symbole de leur communauté.
Une décision qui passe mal
La population n’a pas caché son incompréhension. Pourquoi remplacer Ndah par Wavourou ? Pourquoi ignorer leur demande principale, celle d’une sous-préfecture pour Sikikédé ? La délégation, pressée, a coupé court aux échanges. Sans s’attarder, elle est repartie vers Gordil, puis Birao, avant de regagner Bangui. Pour les habitants, cette visite éclair ressemblait à une mascarade, une décision prise à l’avance, loin de leurs attentes.
Derrière ce fiasco, beaucoup pointent du doigt une influence ethnique. Des voix s’élèvent pour accuser certains responsables Goula au sein du gouvernement, notamment le ministre de la Justice, Arnaud Djoubaye-Abazène, d’avoir détourné la mission pour favoriser sa communauté au détriment des Rounga. “Nos frères Goula dans le gouvernement devraient travailler pour le pays, pas pour leur ethnie”, s’indigne un de Ndah interrogé par la rédaction du CNC. La fatigue des conflits interethniques, héritage des violences de 2020, se fait sentir. “On ne veut pas de provocation, on veut juste que Ndah reste Ndah”, insistent-ils.
Un contexte plus large
Ce n’est pas la première fois que Sikikédé fait entendre sa voix. Début novembre 2024, un mémorandum signé par des représentants locaux réclamait une autonomie administrative et dénonçait l’isolement de la commune. Routes impraticables en saison des pluies, absence d’écoles et d’hôpitaux : les habitants, coincés entre le Tchad et le Soudan, se tournent souvent vers ces pays voisins pour survivre. Cette situation creuse un fossé culturel et social, éloignant Sikikédé du reste de la Centrafrique.
Le conflit entre Rounga et Goula, jadis marqué par les armes, s’est déplacé dans les couloirs de l’administration. Historiquement, les Goula, plus présents dans les sphères éducatives et officielles, occupent des postes clés, tandis que les Rounga peinent à faire valoir leurs droits. Le découpage administratif, porté par le président Touadéra depuis 2023, devait apaiser ces tensions. À Sikikédé, il les a au contraire ravivées.
Et maintenant ?
La mission avortée dans la Vakaga laisse un goût amer. Pour les habitants de Sikikédé, elle symbolise un abandon, une preuve que leurs doléances ne pèsent pas lourd face aux jeux de pouvoir. Reste à savoir si le gouvernement rectifiera le tir ou si ce fiasco marquera une nouvelle étape dans la fracture entre communautés. Une chose est sûre : sans dialogue sincère ni mesures concrètes, la paix dans la région Fertit risque de rester un vœu pieux.
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