République démocratique du Congo : la victoire de Félix Tshisekedi a-t-elle été arrangée?
Le 30 décembre, le gouvernement de la République démocratique du Congo a organisé des élections pluralistes sans trop d’anicroches. Il les a perdues et, le 10 janvier, a finalement reconnu sa défaite. Voilà pour l’apparente bonne nouvelle en provenance, jeudi, de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC)
une alternance pacifique au pouvoir.
Cependant – et c’est la moins bonne nouvelle
- le candidat présidentiel dont la victoire a été proclamée par les autorités électorales, Félix Tshisekedi, n’est apparemment pas celui qui aurait réellement obtenu le plus grand nombre de votes!rSelon les chiffres officiels de la commission électorale (CENI), finalement rendus publics 11 jours après le scrutin, M. Tshisekedi est arrivé devant l’autre grand opposant, M. Fayulu. En troisième position, le candidat du pouvoir et protégé du président sortant Joseph Kabila, Emmanuel Shadary.La République démocratique du Congo est un pays immense, grand comme une fois et demie le Québec, et peuplé de plus de 80 millions de personnes. Un sous-sol à faire rêver, avec des métaux rares, des forêts abondantes, des cours d’eau (dont le puissant fleuve Congo)… Et pourtant, un pays – hormis quelques villes comme la capitale Kinshasa – ravagé par la pauvreté, l’absence d’infrastructures et la guerre aussi, dans plusieurs de ses régions.On pense par exemple au petit Rwanda de l’autocrate Paul Kagame, dont les dirigeants et les militaires sont intervenus depuis un quart de siècle dans les provinces du Kivu, à l’est de la RDC, pour y faire la guerre et pour y prélever illégalement des minerais.Les chiffres annoncés – 39 % pour Tshisekedi, 35 % pour Fayulu et 24 % pour Shadary – sont très éloignés de ceux auxquels on s’attendait. Les sondages préélectoraux parlaient d’une avance écrasante de Fayulu, opposant et homme d’affaires ami des Occidentaux, avec plus de 50 %.Les résultats annoncés contredisent également
Pourquoi les chiffres annoncés sont-ils contestés?
Un pays qui, au lieu d’être une puissance régionale, politique et économique, qui pourrait rayonner dans les pays alentour (il y en a 9), est devenu au contraire le jouet de ses voisins plus petits, qui l’ont envahi, dépecé, et qui ont pillé ses ressources.
La RDC, pourquoi est-ce important?
qu’un certain nombre d’Etats étrangers, dont la France.
C’est en tout cas ce que soutiennent plusieurs, notamment celui qui s’estime spolié par un décompte malhonnête, le candidat Martin Fayulu, et également, à mots couverts, la Conférence épiscopale nationale (CENCO), acteur sociopolitique puissant en RDC, ainsi
et là, plus gravement peut-être – les mesures de « sortie des urnes » effectuées depuis le jour du vote, à partir des procès-verbaux affichés
- dans chaque bureau, par des représentants de la Conférence épiscopale de l’Eglise catholique, qui avait déployé pas moins de 40 000 observateurs d’un bout à l’autre du pays.rAujourd’hui, la CENCO déclare que les résultats annoncés « ne correspondent pas aux données collectées » par les observateurs del’Eglise catholique.Des élections se sont déroulées le 30 décembre, après de nombreux reports, et deux ans après la fin officielle, en 2016, du dernier mandat de Joseph Kabila, à la suite duquel il n’avait pas le droit de se représenter.A lire aussi :
- Il avait bien été question de modifier la Constitution pour lui permettre de s’accrocher au pouvoir. On a multiplié les délais – et même les sabotages, comme cet incendie suspect d’un entrepôt de matériel électoral, début décembre – pour cause d’incapacité logistique. Ces élections de décembre 2018 devaient avoir lieu en décembre 2016.
- Pour autant, les élections ont bien eu lieu.
- devant le silence pesant de la CENI, l’Eglise a discrètement fait pression sur les autorités, laissant entendre qu’elle connaissait le nom du gagnant. mais sans le révéler publiquement. Tout le monde cependant avait compris qu’il s’agissait de Fayulu.
- Dans les jours qui ont suivi le 30 décembre,
- Le candidat de l’opposition Félix Tshisekedi élu nouveau président de la RDC
- L’Eglise se mêle des élections en République démocratique du CongoMais finalement, un scrutin s’est bel et bien déroulé. Joseph Kabila lui-même a déclaré qu’il n’en avait jamais douté, et que seuls les opposants de mauvaise foi avaient pu croire que ces élections n’auraient pas lieu.D’abord, parce que la performance du candidat du régime a été extrêmement faible, durant la campagne et dans les urnes. Si médiocre, en fait, que le clan Kabila, que l’on dit de mèche avec la CENI, s’est convaincu qu’un « traficotage » en faveur de Shadary – lointain troisième dans le vrai score – ne pourrait jamais passer.Si, comme la Conférence épiscopale l’a clairement laissé entendre, Martin Fayulu a bel et bien décroché plus de la moitié des suffrages exprimés le 30 décembre (Fayulu lui-même parle de « près de 60 % »), on comprend mieux les amabilités que se sont échangées depuis quelques jours le clan Kabila et le clan Tshisekedi.rAu cours des derniers jours, son fils Félix – toujours en suivant cette interprétation – aurait abandonné une attitude d’opposition pure et dure pour se laisser tenter par un « arrangement » en vertu duquel on lui céderait la présidence. Une tactique de collusion avec ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir.Cela permet à Joseph Kabila de dire qu’il n’est pas opposé à l’alternance au pouvoir. Kabila dont le parti peut continuer d’être influent, de contrôler d’autres instances que la présidence (armée, Assemblée nationale, plusieurs provinces) avec un nouveau président faible, officiellement issu de l’opposition. mais en réalité accommodant. Un homme installé au pouvoir par ceux qui s’en vont!M. Fayulu crie au vol, parle de « hold-up ». Il a déclaré à Radio France internationale : « Ces résultats n’ont rien à voir avec la vérité des urnes. C’est une escroquerie de M. Nangaa, le président de la CENI, et de son camp politique, le parti de M. Kabila. C’est un véritable putsch électoral. »Alors, il dit qu’il va prendre des recours – les résultats ne sont encore que « provisoires » – et que « les Congolais ne se laisseront pas voler leur victoire ». Il semble aussi avoir des appuis discrets à l’international, notamment à Paris, où le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a ouvertement contesté les chiffres annoncés.
- Ce qui permet aujourd’hui aux vainqueurs officiels de dénoncer – il fallait y penser – « une ingérence néocoloniale ».
- Il dit encore : « Les chiffres sont connus. Demandez à la commission des évêques. La victoire dans une élection, ça ne se négocie pas! Ce résultat vient des laboratoires, c’est une construction! »
- Que fera Martin Fayulu?
- Depuis quelques jours, M. Tshisekedi a multiplié les gentillesses et les hommages au président sortant, celui-là même qu’il qualifiait, il y a encore quelques semaines, de « dictateur » qu’il fallait jeter dehors par les urnes. ou par d’autres moyens si besoin était.
- célèbre, Etienne Tshisekedi, mort en 2017 après des décennies d’activisme qui remontaient à l’époque de la dictature Mobutu, lorsque le pays s’appelait Zaïre. Un homme qui avait payé de sa personne et qui avait vécu en exil de longues années.
- Félix Tshisekedi est le fils d’un opposant
- Ensuite, à partir de ce constat, on a entrepris des tractations avec celui des deux opposants principaux que l’on estimait le plus malléable, le moins susceptible d’être dangereux, une fois au pouvoir : Félix Tshisekedi.
- Ce n’est pas le poulain de Joseph Kabila qui a été proclamé vainqueur. Pourquoi aurait-on trafiqué les chiffres en faveur d’un opposant, et contre l’autre? Il y a une double explication.
- Il est vrai que la RDC est un pays presque impossible sur le plan logistique, avec des infrastructures et des transports défaillants, des no man ’s land énormes, une superficie immense et des régions difficiles d’accès.
Avec la Radio Canada